
Slash
World on Fire
Produit par Michael Baskette
1- World on Fire / 2- Shadow Life / 3- Automatic Overdrive / 4- Wicked Stone / 5- 30 Years to Life / 6- Bent to Fly / 7- Stone Blind / 8- Too Far Gone / 9- Beneath the Savage Sun / 10- Withered Delilah / 11- Battleground / 12- Dirty Girl / 13- Iris of the Storm / 14- Avalon / 15- The Dissident / 16- Safari Inn / 17- The Unholy


Il existe deux manières d’appréhender un disque : absolue ou relative. Le critique peut choisir d’analyser un album pour ce qu’il est, en se focalisant uniquement sur ce qu’il entend pour en délivrer une opinion la plus objective et cohérente possible. Ou bien le critique peut choisir de replacer un album dans un contexte défini, à savoir l’oeuvre de l’artiste dans son sens le plus large. De cette manière, il devient possible de constater les différentes évolutions (ou involutions, tout dépend) que peut subir la musique dudit artiste d’un opus à l’autre, et ainsi analyser non plus un disque, mais un pan de son oeuvre. On peut ainsi délivrer une critique beaucoup plus profonde, ne se limitant pas qu’à la forme et cherchant à comprendre le fond du mieux possible.
Dans ce cas, pourquoi perdre autant de temps en masturbation intellectuelle plutôt que de s’atteler à la tâche ? Parce que, clairement, il n’y a pas grand chose d’intéressant à dire sur le dernier album de Slash. Mais nous y reviendrons plus tard ; pour le moment, poursuivons le propos énoncé au paragraphe précédent. Qu’a encore à prouver Saul “Slash” Hudson en 2014 ? Ambassadeur incontesté de la Les Paul, référence incontournable pour bon nombre de guitaristes aussi bien professionnels qu’amateurs et mastodonte de la scène rock actuelle au même titre que Dave Grohl, Josh Homme ou Trent Reznor, Slash a marqué les eighties et les nineties avec son style bluesy tantôt abrasif, tantôt lancinant et a signé avec sa six cordes des riffs tous plus emblématiques les uns que les autres et des solos de légende. L’épopée Guns N’ Roses a transformé l’homme non pas en guitar hero mais en guitar god, entraînant dans son sillage toujours plus de fanatiques désireux de suivre leur idole jusqu’à la fin.
Dans ce cas, que la messe soit dite : la fin est proche. Comme tous les musiciens emblématiques de sa génération, il est hors de question pour Slash ne serait-ce que d’envisager la retraite. C’est tout à son honneur, seulement le fait est que ce qui devait arriver arriva : les pages Guns N’ Roses et Slash’s Snakepit étant définitivement tournées et Velvet Revolver étant dans un coma artificiel depuis maintenant près de six ans, celui-ci s’adonne exclusivement à sa carrière solo, toujours épaulé par Myles Kennedy, et signe ici l’album de la redite. Ça y est, c’est dit : le constat, bien que cruel, n’en reste pas moins véridique. World on Fire n’a rien de pertinent : redondant, inintéressant et interminable, il n’apporte absolument rien à l’oeuvre déjà impressionnante de Slash.
Avec des riffs déjà entendus des centaines de milliers de fois (“World on Fire”, “Wicked Stone”, “Withered Delilah”, “Avalon”), un songwriting sans aucune originalité déroulant la même recette pour chaque chanson (à quelques exceptions près : on ne boudera pas notre plaisir à l’écoute de l’intro en slide délirante de “30 Years to Life” ou de l’excellent instrumental “Safari Inn”) et encore et toujours des solos déballés sans retenue sur cette omniprésente gamme pentatonique, le tout pendant plus d’une heure et quart, World on Fire a failli être un échec.
L’entreprise est heureusement sauvée du naufrage par quelques bonnes choses. La production, tout d’abord : de top qualité, elle confère à l’ensemble un son puissant et efficace et souligne subtilement certains des moments forts de l’album (les arpèges tout particulièrement, hypnotiques et envoûtants au possible sur “Shadow Life”, “Stone Blind” et “Battleground”). Le chanteur, ensuite : Myles Kennedy est ici toujours aussi époustouflant, et prouve une fois de plus qu’il était le meilleur choix que Slash pouvait faire pour mener son groupe. L’affect, enfin : aussi imparfait que l’album puisse être, il reste signé Slash, et c’est un facteur qui, bien que trivial de prime abord, pèse dans la balance pour tout aficionado du shredder chevelu.
Loin d’être brillant, World on Fire n’est pas une catastrophe pour autant. Celui-ci aurait cependant pu être bien moins indigeste s’il avait été moins long : à plus d’une heure et quart, c’est juste trop. La redondance peut être excusée quand elle reste ponctuelle et assez discrète, pas quand elle est le fil conducteur d’un album du début à la fin… et même d’un album à l’autre ! Sceptiques ? Retournez écouter Apocalyptic Love sur le champ : vous réaliserez rapidement qu’effectivement, Slash arrive à court d’idées, et éprouverez un sentiment d’inquiétude tout à fait légitime concernant la suite. Et surtout, vous écouterez un album qui se veut bien meilleur que World on Fire. À bon entendeur.
