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iNNOCENCE + eXPERIENCE 2015 : U2 Live from Paris


Collectif, le 10/12/2015

11 Novembre 2015 : Les Chansons de l'Innocence Retrouvée

 

 

Par Etienne

 

Pour mes parents, à qui je dois ma passion pour U2. Et tout le reste.

Ce compte-rendu a été terminé le 13 novembre 2015, dans l'après-midi.

 

Pourquoi donc aller voir U2 en 2015 ? Son Gs Of Innocence est plus que moyen, le groupe s’est depuis des lustres enterré sous des considérations humanito-politiques barbantes et les concerts des irlandais sont devenus une véritable machine à dollars qui consiste à brasser un maximum de monde pour rentabiliser l’investissement. Les shows du groupe ressemblent de plus en plus à des placements financiers subtilement étudiés, qui divertissent autant qu’ils rapportent gros (le 360° Tour est la tournée la plus lucrative de tous les temps). Pourquoi, en 2015, la donne aurait alors changée ? Parce que U2 s’est réinventé, a refondu les bases de son travail en délivrant un dernier effort d’une franchise désarmante, au propos intime presque dérangeant tant la bande à Bono ne nous avait jamais habitué à ce déballage probe de sentiments, évoquant sans détour le deuil ("Iris"), l’absence ("Song For Someone") ou encore la mort sous les balles du terrorisme ("Raised By Wolves"), s’émancipant enfin de cette distance toujours entretenue avec son public, notamment à cause d’une spiritualité exaltée souvent abstrus. Ce Innocence + Experience Tour est donc la première confrontation directe entre les irlandais et leur public depuis cinq longues années, et il est surtout l’occasion de faire le point sur la viabilité d’un groupe de quinquas qui chante encore qu’"il n’a toujours pas trouvé ce qu’il cherche". Et la réponse est bien au-delà de toute espérance dans ce concert aux multiples émois, à la force terrassante et au séquencement absolument parfait.

Son Gs Of Innocence

L’absence de première partie permet de découvrir d’emblée une scène sobre, au fond de ce superbe Palais de Bercy, qu’il faut donc appeler dorénavant AccorHotels Arena (les joies du naming). Quelques amplis de guitares, une batterie et un seul ampli basse sur une scène rectangulaire à partir de laquelle s’étend un immense cheminement jaune et noir qui fend la fosse sur quasiment toute sa longueur jusqu’à une petite scène ronde où, on s’en doute, le groupe se retrouvera pour jouer quelques titres en milieu de set. Point "fesses": les sièges sont d’un confort qui régalent et promettent une attente douce et agréable. Point "oreilles": l'acoustique est très bonne même avec une sono qui dépote. Point "porte-feuilles": la pinte est hors de prix ce qui, pour un concert de rock d'un groupe irlandais, a le don d'être particulièrement irritant. L’attention se portent pourtant exclusivement sur cet immense écran géant longitudinal et symétrique qui offre aux gradins de part et d’autre une immersion totale dans ce show qui s’annonce d’ores et déjà grandiose. La tension monte, les holas s’enchainent, le public est très bon (bien meilleur que celui de la veille dont les gradins VIP ont été honteusement vides pendant la moitié du concert) et la sono monte considérablement le volume alors que commence "People Have The Power" de Patti Smith. Les mains claquent, les smartphones sont armés et les projecteurs braqués vers cette scène ronde où Bono fait son entrée sous un tonnerre d’applaudissements, de cris. C’est quand même une fucking rock-star ce mec… Bon on passera sur son horrible teinte de cheveux. L’aura que le chanteur dégage est magique, magnétique, chacun est happé par son pas serein et le voir arranguer la foule nous fait presque oublier que de l’autre côté, ses petits copains de Dublin sont prêts à dégainer "The Miracle (Of Joey Ramone)". 

Après avoir largement fait participer le public a-capella pour l’introduction du morceau, la batterie cogne, les accords de The Edge retentissent, et c’est parti. Le titre, loin d’être le meilleur du groupe, reste une excellente entrée en matière qui fédère autant qu’elle dépote avec ses accords gras et sa mélodie au lyrisme tel une évidence. Les jeux de lumière sont efficaces et quelques effets de couleurs, flash, stroboscopes, illuminent les quatre dublinois restés cantonnés à leur scène sans en déborder. Un groupe qui joue à l’ancienne donc, en atteste une version électrisante et tonitruante de l’excellent "Electric Co." interprétée avec une fougue qu’on ne leur connaissait plus. Inutile d’épiloguer des heures sur ce quarté de titres rock imparables ("Vertigo" et une version rallongée d’ "I Will Follow"), U2 est dans une immense forme et les multiples bouteilles d’eau balancées dans la fosse par Bono en savent quelque chose. Comme s’il revenait 30 ans en arrière, le groupe nous a claqué un déferlement de son meilleur rock, sans filtre, en toute innocence.

Stories For Boys

Après une brève présentation du groupe, Bono se lance dans sa symptomatique kyrielle sur l'amour, le passé, leur passé plus exactement et dédie le prochain titre "A toutes les mamans", en français. De vieilles photos d'Iris, la mère du désormais blondinet, parcourent l'immense écran qui prend vie sous nos yeux pour la première fois du show. On sent la séquence préparée et répétée mais qu'importe, Bono se livre, hurle sa peine avec vigueur et ces "Hold Me Close" déchirants s'accompagnent d'étoiles en formation, seul souvenir d'un enfant meurtri par le chagrin. Musicalement moyen mais émotionnellement touchant. Préservant la cohérence d'un set rondement mené, "Cedarwood Road" voit un Bono conter sa jeunesse à l'intérieur même de l'écran. Une prouesse technique et une ingéniosité grandiose, au service d'un show monumental, interactif et, on peut le dire, révolutionnaire. Alors que les esquisses de cette rue qui a vu grandir Paul Hewson s'animent, le groupe livre une prestation parfaitement maitrisée, avec un riff de guitare tellurique et une montée mélodique péremptoire. On prend alors conscience que les dublinois ont encore repoussé les limites du show rock pour en faire un véritable spectacle vidéoludique, une sorte de cirque visuel tout simplement jouissif. Après cette débauche d'effets sonores, et visuels donc, le groupe tempère ses ardeurs au gré du superbe "Song For Someone" qui voit les arrangements intimistes du groupe côtoyer les harmonies vocales magistrales de The Edge et Bono. A n'en pas douter, l'histoire de ces gamins de Dublin devenus des rockstars planétaires reste la plus belle interprétation de cette soirée.

Under A Blood Red Sky

S'avance alors Larry Mullen Jr qui, affublé d'une simple caisse claire, entame le rythme martial de "Sunday Bloody Sunday", brut, épuré, décharné. Les choeurs du public ne se font pas attendre et c'est sur une scène aux couleurs de l'Irlande que U2 va délivrer une version quasi-acoustique, intense, intime, sincère, de cette diatribe à l'écho largement intelligible aujourd'hui. Les slogans guerriers des uns s'opposent aux messages pacificateurs des autres sur cet écran qui clôturera le morceau dans un fracas de décibels, résultat de l'explosion d'une voiture piégée. L'effet est saisissant. L'enchainement avec "Raised By Wolves" est d'une cohérence artistique impeccable, le propos du titre précédent servant parfaitement ce morceau traitant... du terrorisme. "Stronger than fear" chante un Bono soutenu par les accords incisifs d'un Edge qui arpente la scène en long en large pour une interprétation dynamique, violente, perturbante. Les flashs de lumière ajoutent à l'urgence oppressante de cette interprétation et on sent U2 concerné, impliqué dans ce concert comme jamais auparavant. Comme un message d'impossible rédition, le groupe entonne alors l'électrifiant "Until The End Of The World", premier extrait d'Achtung Baby de la soirée. Une distorsion monstrueuse, une batterie dantesque et un Bono habité contant le déluge approchant emportent l'adhésion massive d'un public en transe, stupéfait du jeu de scène rocambolesque orchestré par le chanteur et son compère guitariste via, toujours, cet écran, décidément le cinquième homme de la soirée. Les vagues finissent par engloutir un groupe au sommet de son art et le silence plombent soudainement une salle qui vient de vivre une demi-heure d'une incroyable densité artistique, un véritable phénomène visuel allié à des puissantes interprétations à l'homogénéité artistique indéniable. Il aura donc fallu à peine 45 petites minutes aux irlandais pour combler un public ébahi par tant de virtuosité dans la conception même du show. Extraordinaire.

Discotheque

U2 n'en oublie pas son principal atout: le divertissement pur et dur. Alors que le groupe disparait et que les techniciens s'affairent à monter une nouvelle scène à l'intérieur même de l'écran, un remix de "The Fly" est balancé à fond dans une sono qui couvre un défilé incessant de mots et d'images chocs, comme à la grande époque du ZooTV Tour. Un poil longuet, le titre a néanmoins le mérite de bien séquencer le concert et de ne pas mélanger l'ambiance pesante des précédents titres avec le magnétisme sensuel des prochains. Car si "Invisible", titre parfaitement oubliable dans la discographie des irlandais, est sauvé par le sens du show de U2, "Even Better Than The Real Thing", remixé et interprêté comme pendant le 360° Tour avec une longue introduction à la slide guitare, est un déferlement kaléidoscopique de couleurs, de sons et d'émotions qui pousse le spectateur à se dandiner, capté par les vocalises graves de Bono et le groove imparable de la basse de Clayton. Autant dire que tout en place pour lancer le disco "Mysterious Ways" sur la E-Stage, tout en wah-wah et accords funky, qui voit Bono se lancer à la recherche d'une partenaire de danse extraite d'une fosse compacte au possible. L'ambiance se fait alors beaucoup plus festive, aux antipodes de ce que le groupe a proposé il y maintenant une heure. Les sourires sont communicatifs et la retransmission live d'"Elevation" sur les réseaux sociaux par la jeune fille sur scène permet d'être au plus près du groupe pendant cette interprétation rock 'n roll et tout bonnement grandiose d'un des meilleurs titres du groupe. La fête est à son comble.

Grace

Constat fortement pressenti, Bono n'a pas complètement récupéré de son accident qui lui a valu une lourde opération du bras. Pas de guitare mais une petite touche de piano sur "Sweetest Thing", titre joué seulement lors de l'Elevation Tour (dont une fois à Bercy) et composé exclusivement en 1997 pour la sortie du Best-of 1980-1990. Un morceau allègre et plaisant où Bono se laisse aller à quelques touches de piano plus ou moins approximatives, ce qui déclenche le rire immédiat de ses comparses, et le sien. Larry et Adam s'efface alors pour laisser place à The Edge derrière le piano qui a émergé de l'intérieur de cette petite scène ronde. "Every Breaking Wave" est interprêté avec vigueur et émotion par un Bono juste et ajusté, ne versant pas dans un égosillement sans fin mais bien dans un chant puissant et maitrisé. "October", plus joué depuis le Lovetown Tour et une date à Auckland le 11 novembre 1989 (26 ans jour pour jour), se veut le calme avant la tempête et introduit avec douceur une surcharge asphyxiante de larsens et de distorsion emmenée par un rythme de batterie à la binarité éléphantesque si lourde qu'identifiable entre mille : "Bullet The Blue Sky". Sur cette chanson engagée, injustement oubliée pendant le 360° Tour, Bono s'adonne aux joies du mégaphone, ce qui ajoute au chaos ambiant cette identité prophétique, comme si l'homme redevenait le militant engagé et charismatique qu'il était autrefois. Les lumières rouges omniprésentes, les images de la Syrie ravagée par la guerre, le discours éloquent du chanteur dynamitent un morceau épique, fracture rude et surprenante tant les tensions semblaient apaisées depuis les frasques intra-écran du groupe. U2, ce soir, excelle dans l'art de varier les plaisirs, les effets et les sentiments. Un pur état de grace.

A Sort Of Homecoming

La dernière partie du concert se veut elle beaucoup plus conventionnelle, à l'exception de cette introduction du chevaleresque "Where The Streets Have No Name" par le trop rare "Zooropa", n'éludant aucune question sur la responsabilité des organisations gouvernementales du Vieux Continent dans la crise migratoire qui la touche. La charge émotionnelle est à son comble quand The Edge entonne cet arpège symbolique soulevant une foule électrisée scandant le refrain du morceau d'ouverture de Joshua Tree à gorge déployée. La suite n'en sera que plus légendaire puisque s'enchaînent "Pride (In The Name Of Love)" et "With Or Without You", tubes intemporels des irlandais que Bercy chante d'une seule et même voix. Cette cohorte de fans est désormais unie sous la bannière de ces morceaux classiques qui fédèrent et ravissent, sans surprise toutefois. On pourrait sans mal fustiger le rappel qui se contente du strict minimum avec un "Beautiful Day" de moyenne facture et un "One" symbolique mais exclusif, repris en choeur par une salle en totale communion, où on aurait aimé plus entendre Bono (franchement le voisin qui chante comme un casserole, on s'en tape). Seul "City Of Blinding Lights" aidé par de superbes effets visuels et le don par le chanteur à un jeune fan de ses mythiques lunettes maintient le concert au niveau atteint jusqu'alors. Dans le fond, on pourrait être déçu par cette fin perçue comme légèrement consensuelle alors qu'au final, U2 est revenu à ce qu'il a toujours fait de mieux, des hymnes entonnés par un stade entier à l'unisson: un message d'amour un peu pataud certes mais qui fait un bien fou, des mélodies qu'on a entendu mille fois mais qu'on pourrait réécouter mille fois encore. L'essence même de U2 en bref. Une sorte de retour à la maison.

I'll Be With You Again

Les lumières se rallument, le coeur palpite encore alors que "One" et son message d'espoir dans la lutte contre le SIDA viennent tout juste de clore un concert aux allures de spectacle pharaonique. Aurait-on pu espérer réellement une meilleure fin que celle proposée ? Clairement non, car U2 sait provoquer ce frisson unique lors de ces grandes cavalcades mélodiques dont lui seul à le secret. On ne pouvait pas attendre autre chose après ce show savamment construit, d'abord brut puis intime, révolté puis lumineux, sensuel puis sobre, chaotique puis héroïque. Les irlandais ont encore une fois révolutionné le show rock, poussé encore plus loin les limites de la prestation scénique, de l'interactivité avec leur public. Le groupe évite surtout l'écueil de la démesure, celle qui lui a été maintes et maintes fois reprochée, et équilibre avec génie l'exercice du concert, entre défi technologique et logistique et musique universelle et émotionnelle. La communion est totale, l'ambiance de feu, la musique parfaite. U2 a raconté bien plus qu'une histoire à Bercy. U2 a raconté son histoire. Quoiqu'il en soit, on sera là en 2016 pour en reprendre plein les yeux, les oreilles et le coeur.

It Was A Beautiful Day

 

 

U2 Setlist AccorHotels Arena, Paris, France 2015, iNNOCENCE + eXPERIENCE Tour

 

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Commentaires
Raphaelle, le 10/12/2015 à 12:58
Très beau live report, Alan. Très émouvant. Un concert de U2 était probablement la meilleure façon de se rassembler, car ils ont le don de la chanson à la fois consensuelle et engagée. Keep rockin' mate.
Etienne, le 10/12/2015 à 12:56
C'était un peu facile comme référence mais je trouve que ça collait très bien au contexte ! Et t'inquiètes pas, à priori ils repartiront sur les routes en 2016 (la tournée porte le nom d'un album toujours pas sorti donc...).
Raphaelle, le 10/12/2015 à 12:52
ps: ahah le titre ;-) Il ne peut pas s'empêcher de caser du Daho quelque part, cet Etienne !
Raphaelle, le 10/12/2015 à 12:52
Quelle frustration... J'ai hésité jusqu'au dernier moment à prendre les places, pour toutes les raisons citées ci-dessus (et aussi parce qu'après avoir vu Macca, les Stones et Dylan faire les papy rockeurs, j'avais perdu la foi). Mais je suis vraiment très triste d'avoir raté ça car le concert avait l'air extraordinaire. C'est rare que les groupes soient capables d'une telle interaction avec le public (mis à part Shaka Ponk, à qui il faut quand même reconnaître ça...). Merci beaucoup d'avoir partagé ça avec nous.