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Hellfest 2011: Three Days Of Black, Grey & Noise


Geoffroy, le 28/07/2011

Dimanche 19 juin

Dernier jour aux portes de l'enfer et aucun droit de fléchir malgré cette fatigue qui assaille. Ce soir se côtoient deux Titans sacrés du psychédélisme, l'un des seventies, père du Space Rock, l'autre des nineties, enfant du désert et parrain du Stoner. Chacun d'entre eux se devra d'être vécu à fond et il n'existera pas d'excuse valable. D'autant plus que de belle surprises nous attendent aux coins de la Terrorizer Tent, il est donc hors de question de se laisser aller. "Café..."

The Ocean


Arrivée tardive devant les portes du Metal Corner. Les frères Maverick et leurs Los Disidentes Del Sucio Motel ont depuis longtemps terminé leur show et on ne pourra s’en consoler qu'avec les maigres minutes passées devant The Ocean. Si ce ne sont quelques passages très pesants, les envolées sont vraiment classes et les mélodies loin d’être dégueulasses, dans la veine post metal. Des Suisses parait il. J’ai eu bien peu de temps pour me faire une idée mais faut voir, la nation voisine a déjà su me surprendre avec Shora et les Young Gods.


- Knut Knut - who's there ?


Knut développe ce truc chiant qu’on ces groupes a seulement se concentrer sur la structure rythmique dans la musique. C’est vrai, c’est cool les trucs désarticulés, ça donne un côté bancal mais technique, une identité sonore à la Frankenstein, rafistolée de partout mais balèze à sortir. Mais ce qu’on attend c’est la densité, le truc en plus qui va nous frapper à la gueule, tordu mais plein, riche, touchant. Du coup le son est vraiment naze mais ça commence à avoir quelque chose sur la fin, avec un instrumental qui envoie mais perd sa fraicheur que le gueulard recommence à l’ouvrir.

"Tu vas voir, c’est comme si Muse jouait du heavy, c’est ouf"


En attendant Buzzov-en, je finis par me rendre compte que la tente se remplit bien trop pour un groupe qui n’a pas tant d’ampleur. « Tu vas voir, c’est comme si Muse jouait du heavy, c’est ouf » balance un mec à son pote quelques mètres à droite… Des moines entrent sur les planches sous une composition orchestrale entendue dans Eyes Wide Shut de Kubrick (mais si vous savez, la scène avec la cérémonie orgiaque dans le manoir) suivis d’un pastiche d’archevêque au visage squelettique, commençant à scander ses invocations sur une vague de black metal teintée de power pop, claviers kitch, guitare saturées et chant prophétique mais aigu. Je me dis « wow » et observe la chose d’un point de vue entièrement neutre, pomme granny à la main, submergé par ce qui s’avère être le truc le plus improbable que j‘ai entendu depuis Klaus Nomi.

Kylesa & Grand Magus


Kylesa ne déchaine pas vraiment les foules. Le leadsinger s’énerve vite devant son micro qui ne semble pas vouloir fonctionner et les mélodies sucrées me filent vite un mal de tête intense. Les thèmes s’enchainent de façon bateau ou dans un contraste mal maitrisé et peu naturel, quant au psychédélisme annoncé, ils s’avère faiblard et ne recèle aucun pouvoir hypnotique.

Grand Magus. Fait du heavy metal. Le fait bien. Les Suédois se la donnent, parcourant tous les clichés du genre: des riffs à doubles croches chevaleresques aux solos épiques et à la voix émasculée mais basculant parfois dans un bon groove puissant avec quelque chose de frais dans le regard. Après tout, ça vaut mieux que Scorpions.

Stoner céleste et pauvres pantins.


Goatsnake. Tout ce que j’en sais c’est que Pete Stahl a prêté sa voix aux Queens Of The Stone Age sur Rated R, de là à la reconnaitre dans le foutoir halluciné de "Feel Good Hit On The Summer"… La mandale est mémorable. Le combo distille un stoner lent et racé, presque doom, puissant comme le soleil quand ce chanteur chauve lance sa voix suave aux éthers, les yeux tournés vers ces derniers, harmonica en main, offrant le blues le plus plombé et le plus aérien qui m’ait été donné d’entendre, véritable albatros prenant son envol. Lourd, céleste, chaleureux, putain de beau et rempli d’âme, c’est franchement emmerdant de devoir se taper The Black Dahlia Murder juste après un truc pareil pour garder une place de choix. Déjà que l’intention est sale, le pire c’est qu’ils sont prétentieux. Jouant les gros méchants, le cœur rempli d’amertume et de folie furieuse, les deathcoreux du Michigan font pâles figures et office d’enfants de choeur devant The Dillinger Escape Plan qui occupaient leur place d’interlude hardcore l’an dernier. Malgré tout, leur public semble apprécier, notamment ce jeune garçon de seize printemps qui reprend leurs paroles sur le bout des lèvres le visage tiraillé par la haine.

Grand messe vaporeuse et pied phénoménal.


La grosse masse hollandaise qui se tient à la rambarde avec moi depuis Grand Magus allume enfin son joint de weed pour le faire tourner au premier rang et entamer les préludes à ce qui se doit être l’un des points d’orgue de ce festival. Un vieux film français aux accents de pornographie gore et occulte est diffusé sur la toile derrière le groupe et Electric Wizard entre en scène sous une lumière tamisée laissant entrevoir les charmes de la guitariste et les tatouages recouvrant le corps du bassiste. La puissance s’écoulant sous la Terrorizer est démente, physique comme jamais, chaque note prenant plusieurs secondes pour s’installer dans tout le corps avant de voir la deuxième éclore. Le tempo est d’une lenteur atroce, à tel point qu’il est incroyable de jouer une musique aussi prenante à cette vitesse. Le quatuor colle une immense baffe à tout le public, faisant trainer ses morceaux sur une dizaine de minutes et s’octroyant même un quart d’heure en plus, foutant un bordel monstre dans l’organisation pointilleuse du Hellfest.

Long live Space Rock !


La clique de Dave Brock et Tim Blake apparait pour ses balances devant un public loin d’être clairsemé. Apparemment Hawkwind est suffisamment respecté en tant que premier groupe de Lemmy pour remplir la Terrorizer Tent avec son space rock survolté et planant. Yawning Man n’avait pas eu cette chance. Les papys ont toujours une pêche d’enfer, entament le show sur une lecture surréaliste avant d’enchainer sur "Warriors At The Edge Of Time" et ses purs élans de psychédélisme sous amphétamines. Deux nanas se trémoussent dans des costumes luminaires, dansant au rythme des secousses aux côtés d’un Tim Blake chaud comme la braise se détachant en frontman pour se taper de gros solos de claviers. En voilà du rock merde ! On parle souvent du pouvoir destructeur des drogues mais pas de leur capacité conservatrice - il est tout de même particulier qu’à cet âge avancé Motörhead et Hawkwind aient toujours la fièvre - bien que pour un groupe comme les Stones, cela ne suffise pas. Malheureusement, retardé par les déboires électroniques du clavier pendant les balances et les débordements fuzzés de Electric Wizard, Hawkwind ne pourra pas finir son set et se retire avant d’avoir pu lancer "Silver Machine". Triste conclusion.

Entre doutes et orgasmes: Kyuss Lives!


Un an après l’extase provoquée par Garcia Plays Kyuss, les parrains du stoner rock ont décidé d’en découdre à nouveau. Le plaisir palpable qu’avaient éprouvé Nick Oliveri, Brant Bjork et John Garcia à reprendre leurs morceaux de jeunesse sur cette scène l’an dernier les a finalement décidé à se reformer pour de bon, n’ayant même pas pris la peine de proposer la chose au rouquin au vu de ses bien connues positions sur la chose.

Il est vrai que l’on était en droit de se poser des questions. Quelle valeur peut bien avoir une reformation de Kyuss quatorze ou quinze ans après cette mise à mort ? Fin dramatique qui a sans doute claqué Scott Reeder dans une dépression nerveuse terrible, ayant à la fois fait partie d’un groupe aussi extraordinaire qu’éphémère puis s’étant fait gicler des auditions de Tool et de Metallica pour voir Oliveri rafler tous les honneurs, massacrer ses sublimes parties de basse à la souplesse nuancée des plus délectables, et ce sans même un coup de fil. Sans déconner, c’est bien le genre de news qui te foutent une grosse montée d’adrénaline quand tu l’apprends mais qui te filent les jetons en pensant à ce que ça pourrait engendrer: Kyuss, un groupe à succès post-mortem qui attire les foules en exhibant son cadavre, se servant d’un membre amputé pour se faire remarquer. Où comment gâcher ce qui faisait le charme mystérieux de cette musique. Peut être cette réunion n’aurait elle du être qu’une exception.

Se cachant derrière la même intro chiante à laquelle j’ai déjà eu droit en Suisse, Brant Bjork est le premier à s’installer derrière ses futs, très vite rejoint par Nick Oliveri, Bruno Fevery et John Garcia pour un "Gardenia" d’enfer. Le truc gonflant c’est que ce morceau est toujours gâché par les réglages de son en direct et c’est seulement sur « Hurricane » que la balance semble enfin terminée bien que l’ensemble manque encore cruellement de basse, un comble pour Kyuss. Oliveri colle sa Fender à l’ampli et Fevery ouvre la guitare sinueuse de "Thumb" qui voit le public se réveiller seulement maintenant pour une raison qui m’échappe. « Genre ça bougeait pas avant ? ». Le groove de "One Inch Man" crée les premières vagues lysergiques, le quatuor commençant enfin à se foutre dedans sérieusement. On sent encore de la retenue dans l’interprétation comme si tout était nouveau, qu’ils n’avaient pas eu le temps de vraiment se retrouver avant d’entamer cette tournée. Pourtant "Freedom Run" est encore un des purs moments du show, voyant Garcia dans ses grands jours, poussant sa voix à l’extrême dans des variations terribles, loin des chant timide des nineties.

Alors c’est vrai je fais le difficile, j’en attends beaucoup, mais tant d’années à se repasser les albums au casque, en soirée, en disque laser et en vinyle, ça forge quelque chose de dingue à quoi nous ne pensions assister. Ici ça nous tend gentiment les bras, disant « Eh les gars, on est là, c’est cool ! » quand on voudrait que ça nous chope par le col et nous foute dans le sable chaud, les oreilles bousillées par le volume et la vue troublée par la chaleur, enfiévré par un soleil de plomb qui te ravage la tronche. Mais là, sur les planches, ça fait bouger la tête, ça éveille le sentiment endormi sans vraiment lui faire ouvrir les deux yeux. On voudrait bouger, s’exprimer physiquement, mais la foule est trop dense pour lever un bras. Le break chaotique de "Asteroid" est bâclé, conclu au plus vite pour retomber sur ce riff de malade qui lui ressort bien, relance le sentiment et arrive enfin à le faire exulter sur un "Supa Scoopa" qui dégonde, maitrisé et liquoreux, Garcia jouant de son organe le regard au cieux, le trio groovant derrière lui comme un seul homme pour s’amuser avec un final imposant.

"Molten Universe" surprend mais manque l’intention pure qui la transcenderait. Bjork frappe en douceur, attendant patiemment les lignes de "Whitewater" imprégnant lentement la Terrorizer. Une nouvelle fois points d’orgue du concert, les couplets s’envolent, flirtent avec le ciel et ce « I’m going home », beau et puissant. Le break est incroyable, chacun a sa place, et on retrouve Kyuss, cette entité rare et unique, dans ses moments éphémères de beauté nuancée aux contrastes picturaux, dégradant toutes les teintes de l‘orange clair au rouge profond. "El Rodeo" s’avère un peu rêche mais est superbement relevée par les instants de tension que sont l’attente du cri de Garcia et de l’explosion finale enchainée à un "100°" fougueux et tellurique.

Rappel à la con et retour logique. Pas tant que ça. La basse d’Oliveri frémit au son de la ligne de "Odyssey" et recèle de talents cachés. Au final ce sont les morceaux de Blues For The Red Sun et de Sky Valley qui s’en sortent le mieux, Nick arrivant à s’adapter au jeu de Scott Reeder quand il le faut, mais Garcia étant le seul des quatre à jouer sur And The Circus Leaves Town, il faut avouer une certaine sécheresse quand ils viennent à l’œuvre. Bruno Fevery balance l’ultime riff de la soirée, celui de "Green Machine" et la Terrorizer se soulève face aux derniers coups de butoir des Desert Sons, Oliveri éclatant dans son solo et le groupe assénant les derniers offices avant de se retirer, le temps d’un au revoir et la scène est déjà investie de roadies et techniciens. Mesdames, Messieurs, la fête est finie.

Il fallait au moins ça pour pouvoir en juger. Les avoir vu quatre fois a fini par dévoiler les forces et les faiblesses de cette réunion. Des concerts inégaux mais toujours respectables, des humeurs et des conditions changeantes mais une envie claire et sincère de jouer, notamment ce concert à Paris au son et à la présence dantesque qui a vu le pourtant froid et posé John Garcia extatique, exalté et trempé de sueur comme jamais, comparant le Bataclan a son désert natal, donnant le meilleur de toute sa fièvre vocale dans des variations intenses à se déchirer le crâne. Une chose est sure, ce n'est pas à un concert de Kyuss que vous assisterez, mais bel et bien à une réminiscence, à la sensation vraie de toucher à ce que nous n'avons pas pu connaitre, une parcelle de ce qui fut le plus grand groupe de rock 'n' roll au monde, et merde ce déjà n'est pas rien. Kyuss est mort ! Vive Kyuss !



Pour ce deuxième passage en terre sainte de Clisson, un constat se pose. La chose prend de l’ampleur. Comme tous les grands festivals, les sponsors se font de plus en plus voyants, exhibant leur putréfaction publicitaire aux quatre coins du site. Les prix ne font qu’augmenter et s’il est vrai que l’évènement se révèle beaucoup mieux géré que les Eurockéennes ou le Rock Am Ring pour une programmation autrement plus riche et méritante, Ben Barbaud ne serait il pas en train de créer un monstre dont il pourrait perdre le contrôle au fil des années ? En attendant, le Hellfest a une nouvelle fois rempli son office, invitant le monde entier à son banquet, de Sapporo à Jérusalem en passant par Buenos Aires. Ainsi s’achèvent ces trois jours de vie en noir, de ciel gris et surtout et avant tout, de bruit.

"C'est décidé, l'an prochain, j'y ouvre un stand de café"




Crédit photos: Matthieu Ezan - Matthieu Ezan
Eric Bagnaro - Ozirith
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