Stone Temple Pilots vs. Scott Weiland, round 1. Pendant que l’un tente tant bien que mal d’assurer la promotion de son dernier opus, dont la sortie le mois dernier fut tragiquement marquée par le décès de son guitariste, les autres, à l’inverse, balisent le terrain pour une septième production studio attendue pour la fin de l’année. De ce fait, passage obligatoire par cette belle ville de New York, qui baigne depuis quelques semaines dans les prémisses d’un doux printemps après un hiver pas tout à fait glacial - mais presque - pour un concert qui ce lundi affichait complet. C’est donc à l’Irving Plaza qu’un petit millier de fans s’est réuni pour assister à cette prestation des “nouveaux” Stone Temple Pilots.
De nouveau évincé par ses collègues en février 2013 après avoir été viré une première fois en 2002, Scott Weiland avait été remplacé par Chester Bennington, chanteur de
Linkin Park, pour livrer dès octobre un nouvel EP intitulé
High Rise et estampillé Stone Temple Pilots
with Chester Bennington, mais c’est finalement sous le nom de Stone Temple Pilots
tout court que leur prochaine galette verra officiellement le jour suite à la résolution d’un conflit légal avec Scott Weiland. Une manière pour le groupe de faire de Bennington un membre de l’effectif à part entière, mais aussi - et surtout - de prouver que personne n’est irremplaçable, sur scène comme en studio.
Toutefois, avant d’être en mesure d’approuver ou de crier haut et fort à l’esbroufe, il va falloir dans un premier temps avoir affaire à Dreamers, groupe local originaire de Brooklyn et chargé de l’ouverture des hostilités. Savant mélange entre grunge cradingue et harmonies et mélodies pop subtiles et étoffées, Dreamers n’est ni plus ni moins que
les frères Gallagher qui reprendraient
Nirvana déguisés en
Arctic Monkeys : arborant vestes en cuir saillantes et jeans slim cintrés et étant impeccablement coiffés, les trois zicos déballent un set calibré qui récoltera en fin de parcours les applaudissements honnêtes et enthousiastes d’un public très hétérogène, assez loin de ce que peut être celui d’
Alice in Chains ou
Soundgarden, à qui le groupe était pourtant souvent comparé à ses débuts - à tord ou à raison ? Ça se discute. En attendant, extinction des feux et lever de rideau.
Stone Temple Bennington...
Un à un, les frères DeLeo et Eric Kretz investissent la scène, empoignant respectivement guitare, basse et baguettes avant l’entrée en fanfare de Chester “P!nk” Bennington et de sa flamboyante crinière rose bonbon, tous deux accueillis par des exclamations en rafales. Lunettes de soleil vissées sur les yeux, celui-ci se saisit de son micro alors que résonnent les premières notes de “Lounge Fly” qui ouvre le set avec une certaine retenue. S’opère par la suite une montée en puissance progressive jusqu’à “Sex Type Thing” qui remet les pendules à l’heure et voit enfin le public remuer aux éclats d’une sono dantesque - dans laquelle la voix de Bennington a néanmoins beaucoup de mal à trouver sa place : point très dommageable, car n’en déplaise aux puristes qui se feront un malin plaisir de me lyncher en place publique avec toujours plus de venin, celui-ci s’approprie pourtant les chansons de Weiland avec une certaine aisance, délivrant avec un timbre pourtant radicalement différent de son prédécesseur autant de rengaines que le public reprendra allègrement en choeur - au mot près.
Le set suit son cours, évoluant entre immanquables classiques (“Crackerman”, “Sin”, “Big Bang Baby”) et morceaux plus confidentiels (“Pruno”, “Heaven and Hot Rods”, “Coma” - unique morceau issu de Shangri-La Dee Da). Intervient à mi-parcours un intermède calme et posé au cours duquel se suivent quelques ballades : “Adhesive”, pour laquelle Chester se saisit d’une guitare acoustique pour le plus grand bonheur de ces dames, “Creep”, puis “Big Empty”, interrompu par Dean DeLeo qui, dans un accès de rage, s’empare du micro de Bennington pour faire virer un spectateur un peu trop agité dans la fosse. “Pas de ça pendant mon concert, you fucking cunt.” Sitôt dit, sitôt fait : c’est encadré par deux mecs de la sécu que le “connard” se voit raccompagné jusqu’à la porte, hué par les uns tandis que les autres acclament Dean DeLeo qui se saisit simplement de son bottle neck une nouvelle fois pour reprendre là où il s’était arrêté. Show must go on.
Suit “Plush” pendant lequel Chester Bennington s’offre un bain de foule, s’aventurant jusqu’aux premiers rangs de la fosse pour prendre des selfies avec les uns et chanter avec les autres. Intense moment de communion lorsque celui-ci empoigne pendant très précisément onze secondes la main gauche qui pianote actuellement sur son clavier pour vous narrer la soirée. Le set a le droit à un coup de fouet final avec “Down”, “Sex & Violence” et “Trippin’ on a Hole in a Paper Heart” qui viennent le clôturer avec panache, avec pour résultat final un public extatique qui n’a à la bouche que les trois lettres “S”, “T” et “P”. Les Pilots remontent rapidement sur scène et entament le rappel avec “Piece of Pie”, avant que Bennington ne s'exclame : “Ready for one more?” À peine commence-t-il à chanter “I am…” que le public lui répond “…smellin’ like a rose that somebody gave me on my birthday deathbed” : c’est ainsi un véritable call and response qui s’opère entre lui et le public sur “Dead and Bloated” qui vient mettre fin à près de deux heures de concert de la part des Stone Temple Pilots et de Chester Bennington... ou de Scott Weiland ?
...ou Stone Temple Weiland ?
S’il est bien un fait irréfutable, c’est celui-ci : Chester Bennington est un chanteur charismatique. Son jeu de scène, son aura, sa présence : tous sont palpables à la second où celui-ci fait son apparition sur scène. Qu’il est de ce fait dommage de le voir donner dans l’imitation de Scott Weiland dans sa gestuelle et dans son jeu de scène - exception faite de l'utilisation du mégaphone : sur un plan purement vocal, Bennington a plus que prouvé sa légitimité et sa capacité à se glisser dans les bottes de Weiland tout en délivrant sa propre interprétation du répertoire chanté par ce-dernier. Encore une fois, au risque de m’attirer les foudres des puristes : Chester Bennington est un excellent remplaçant et a tout à fait sa place au sein des Stone Temple Pilots - même
Slash est du même avis que moi, c’est dire. Il est de ce fait assez décevant de le voir singer (avec justesse, certes, mais là n’est pas la question) Scott Weiland plutôt que de chercher à développer son propre personnage scénique.
Critique adressée aussi à l’encontre du set, non pas pour ce qu’il est mais plutôt pour ce qu’il représente : avec treize morceaux issus des deux premiers albums - Core se taillant la part belle avec pas moins de huit chansons - le groupe semble tout simplement être resté bloqué en 1995. Assez hallucinant quand on sait que les frères DeLeo n’ont de cesse de dire à quel point l’arrivée de Bennington dans le groupe les a revitalisés, leur a offert une nouvelle jeunesse... pour au final ne proposer aucun nouveau morceau aux fans et en jouer seulement un issu d’High Rise - le plus à plaindre restant l’éponyme de 2010 qui a tout simplement été boycotté en faveur de morceaux plus anciens.
En définitive, c’est le cul entre deux chaises qu’on finit par se trouver : bien qu’objectivement maîtrisé et brillamment exécuté, ce concert cru 2015 a pourtant un fort arrière-goût d’un millésime de 1995. N’en déplaise aux DeLeo : l’ombre de
Scott Weiland plane toujours au-dessus des Stone Temple Pilots. On reste néanmoins en droit de supposer que la sortie de ce septième opus énoncé dans les premières lignes saura enfin faire avancer le groupe et tirera un trait sur l’ère Weiland, pour de vrai cette fois-ci. D’ailleurs, quid du fantôme en question : a-t-il su se détacher de ses racines chez les Pilots, ou même chez
Velvet Revolver ? Affaire à suivre, mais ce sera dans un autre papier.
Malgré tous les reproches que l'on pourrait adresser aux frères DeLeo concernant la symbolique quelque peu à côté de la plaque de ce concert - et très certainement de toute cette tournée de printemps - on aurait néanmoins grandement tord de se plaindre : que ce soit avec un chanteur X ou Y, les Stone Temple Pilots ont malgré tout composé de véritables perles par le passé, et il est tout simplement planant de voir celles-ci interprétées par un chanteur aussi charismatique que compétant. Enfin, qu'il est rassurant de voir Chester Bennington chanter des morceaux qui lui font justice : même la plus mauvaise chanson des Stone Temple Pilots restera toujours infiniment meilleure que n'importe laquelle des immondes daubasses que Linkin Park a pu pondre dernièrement. On en viendrait presque à espérer que les Pilots deviennent pour lui un job à plein temps.
Setlist : 1. Lounge Fly - 2. Vasoline - 3. Wicked Garden - 4. Sex Type Thing - 5. Pruno - 6. Crackerman - 7. Coma - 8. Sin - 9. Big Bang Baby - 10. Out of Time - 11. Heaven and Hot Rods - 12. Meat Plow - 13. Adhesive - 14. Creep - 15. Big Empty - 16. Plush - 17. Interstate Love Song - 18. Down - 19. Sex & Violence - 10. Trippin’ on a Hole in a Paper Heart
Rappel : 21. Piece of Pie - 22. Dead & Bloated