L'histoire retiendra que l'expression "
bête de scène" a été inventée pour Didier Wampas. Mais avant la démonstration attendue, deux groupes de la "
nouvelle scène parisienne" se voyaient offrir la délicate chance d'ouvrir la soirée. Face à un Zénith morne qui languissait dans l'attente du phénomène, Second Sex eut le mérite d'offrir un set attaqué la rage au ventre d'une excellente qualité. Habitués à des publics restreints totalement à leurs pieds, les quatre lycéens délivrèrent dans un débordement d'énergie leur punk efficace qui recueille déjà les suffrages d'une bonne poignée de fans (sans doute ravis par cet enchaînement sans pause de leurs "tubes" "Dis-moi Qui Je Suis" et "Je Ne Suis Pas Une Fille Facile"). Malheureusement pour ces apprentis, et il en sera de même pour Naast, le public demeurerait (tristement) peu réactif. Néanmoins, les deux groupes ne repartiraient pas bredouille, et allaient recevoir de bonne grâce une véritable leçon…
Alors que les milliers de spectateurs se fendaient du désormais classique "
Didier Wampas est le roi" (qu'ils reprendraient toute la soirée), on se dit rétrospectivement que ledit Didier aurait pu paraître coiffé d’une couronne que cela n'eut pas paru usurpé. En lieu et place, il lança les hostilités en se fendant d'un tonitruant (sans jeu de mot avec le talentueux guitariste du groupe) "
C’est noël ce soir !" qui laissait présager le meilleur. Pendant plus de deux heures (!), le chanteur allait faire exploser ce Zénith en ébullition d'une véritable démonstration de force, de celle qui laisse des traces. Le groupe, vingt-trois ans de carrière, alterna hymnes de leur dernier opus ("Tokyo Yaki", "Johnny", "Hélicoptère"…), et anciens titres tapageurs ("Manu Chao" pour ne citer que le plus connu), le tout dans une tension démentielle.
Au rayon évènementiel, notons la tentative du chanteur de slammer debout en hurlant compulsivement "
yeah-yeah, yeah-yeah yeah !" avant de s’effondrer, de remonter sur scène, de haranguer la foule d'un "
Ben alors, on tient pas d’bout ?", et de recommencer… On assista également à un slam sur une chaise, puis sur un fût, à Kevin, gagnant d'un concours Oui FM, chantant au côté du groupe le temps d'un morceau… Entre temps, la tornade Wampas jouait de la guitare à l'aide d’un pied de micro, s’essayait aux percussions sur ledit fût avec ce micro, puis pulvérisait consciencieusement une guitare pour enfant dont il s'était saisi pour une chanson. C’est alors que le technicien de la RATP pointa le bout de son nez : "
Suite à un problème technique indépendant de notre volonté"…
Vint le désormais célèbrement censuré "Chirac En Prison", qui déchaîna les foules sans que la moindre allusion à l'affaire Clearstream ne fut faite. Alors que le chanteur demandait à une adorable petite fille, déposée par une mère irresponsable sur un caisson de basse en bordure de scène, ce qu'elle pensait de Chirac (celle-ci le trouvant "
gentil"), la salle reprit spontanément le refrain du fameux titre, Didier Wampas se déhanchant et applaudissant en rythme.
Après "Vie, Mort Et Résurrection D’Un Papillon" ("
un grand classique du folklore traditionnel français") sur lequel, au milieu de la fosse, il ordonna à l’ensemble des spectateurs de s'asseoir, les traditionnels "
kiss" dans toute l’enceinte mirent fin au set. La pause fut brève avant un (long) rappel explosif qui vit réapparaître la sensation de la soirée en version "pochette de
Rock’N’Roll Part 9", drapeau américain en guise de cap et stetson sur la tête. On passera sur la reprise du tube de Patrick Juvet (!!!) "Où Sont Les Femmes" au cours de laquelle des dizains de jeunes filles envahirent la scène, ou encore sur celle de "Singin' In The Rain", tant l'accumulation d'anecdotes ne peut rendre fidèlement compte de l’ampleur des évènements. Une mention spéciale toutefois à ce roadie d’une dextérité et d’un sang froid à toute épreuve, capable d’attraper au vol guitares et micros fusant en pagaille.
Les Wampas ne sont pas le passé du punk français ; ils n'en sont même pas l'avenir. Ils
sont le punk français. Ne prévoyez pas d'autre concert dans les jours suivant une de leurs performances, tant après cet ouragan on a du mal à concevoir que ce qu’on voit habituellement sur scène est un groupe prenant plaisir à jouer.
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