
La Femme
Après Pale Grey, précisément pâle et sans saveur (seul le single "Seaside" parvient à réveiller un peu les esprits amorphes) et avant CHVRCHES, soit le néant scénique avec une gamine emplâtrée et deux types qui s'agitent derrière leurs machines au son de basses pète-cerveau, il y eut donc La Femme. Ça débute avec "Amour Dans Le Motu". Scéniquement c'est assez fascinant : un batteur inexpressif au possible bat le rythme tribal tandis qu'à l'avant 4 synthés sont alignés, et derrière eux une fille qui porte la coupe de Mireille Matthieu avec une certaine classe, 3 types aux cheveux peroxydés tout de noir et blanc vêtus et un bassiste en retrait. La salle se réveille instantanément, ces gens savent tenir une scène et il semblerait qu'une bonne part du public se soit déplacée ce soir pour les voir. La présence de La Femme est impressionnante et être à 6 aide assurément, avec à l'avant une muraille de synthétiseurs tantôt mélodiques, tantôt percussifs. Le batteur, le chanteur et la chanteuse restent à leur poste pendant que les trois autres s'échangent les instruments : claviers, basse, guitare.
Entre le très flippant "Le Blues De Françoise" et ce "2023 (It's Time To Wake Up)" halluciné sur lequel l'un des musiciens passe au sitar, on se dit soudain qu'on n'avait pas totalement raison à propos de La Femme. On les avait pris pour de vulgaires passéistes, une petite blague de gens qui s'amusent à être Taxi Girl en 2013 en faisant péter les synthés eighties et la new wave émasculée. Or en assistant à cette hypnose quasi religieuse qu'est "2023" on se rend compte que Taxi Girl n'a jamais fait ça. Si sur disque la longueur des morceaux de La Femme est rapidement rébarbative, ces étirements prennent tout leur sens en concert et participe de la transe electro-pop que le groupe parvient à créer, entre Suicide et...Spacemen 3, peut-être bien finalement.
Avec leurs textes simples (simplistes?) et désuets ils parviennent à parler à tous. "Cette chanson parle de la vie" pour annoncer "Nous Étions Deux", assurément le moment fort du concert où l'on se sent effectivement faire partie de quelque chose. On se dit qu'il faut être là, voir La Femme en action maintenant, quand il est encore touchant d'entendre ces voix pas toujours justes batailler contre l'instrumentation rigoriste et parfois martiale. Ce collectif écrit des chansons d'amour bizarres et vivantes qui rendent fou. Alors qu'on craignait de se trouver face à des musiciens qui rechigneraient à verser la moindre goutte de sueur, La Femme propose à son public de "faire les sauvages" et lance un pogo sur "Antitaxi". Un pogo, avec des gens qui slamment, au son de claviers qui déversent un enthousiasme communicatif. Pendant ce temps le groupe se démène, la chanteuse s'agite d'une manière aussi gauche que sidérante, le type aux tambours synthétiques assure une force brute pendant que le chanteur montre un charisme affolant alors que le concert s'achève sur un "Télégraphe" incroyablement brutal.
Il faut aller voir La Femme sur scène. Bientôt ils coûteront trop chers, ou bien ils seront blasés, en tous cas on s'en lassera. Mais aujourd'hui ils sont rapides et excitants, soit les deux caractéristiques primordiales du rock 'n roll.