
Cabron
Compatriotes de Cabron, The Killbots se charge d’ouvrir le débat avec le set le plus copieux de la soirée, charbonnant un heavy rock des plus drus. Un côté heavy blues massif à la Five Horse Johnson ou Clutch pointe souvent le bout de son museau, l’un des deux chanteurs/guitaristes arborant une barbe et un t-shirt huileux très Neil Fallon fashion. Le groupe aime manifestement bousculer les atmosphères et multiplier les breaks, allumant le foyer au moyen de longs riffs distordus avant de rugir dans un orage de larsens à l’haleine chargée puis de rebondir sur des grooves kyussiens. Un potentiel et une puissance de feu incontestables, même si leur formule à la "je calme le jeu avant d’envoyer brutalement la sauce avant de re-calmer le jeu puis de re-envoyer…" tourne un peu trop au procédé systématique.
http://www.myspace.com/thekillbots
L’horloge tourne ! Les groupes devant débarrasser le plancher pour 23 heures et la montre indiquant une heure déjà avancée, Alcohsonic prend rapidement possession des lieux pour un set largement amputé (il suffit de jeter un coup d’œil à leur set-list où l’on distingue plus les titres raturés que leurs homologues plus chanceux). Avec la poignée de morceaux qu’on lui concède, le groupe choisit de tabler sur les compos qui figureront sur leur premier album (en cours de finition, ne restent que les voix à poser) : "Spam Me", "Stoned Morning" sont livrés en pâture à un public qui ne demande que ça, sans oublier un "Big City Life" libérateur en fin de set. Pierre Monjoin se régale comme d’habitude sur sa Les Paul, débite ses plans guitaristiques azimutés avec maestria et remporte tous les suffrages. Dommage que la batterie, très en retrait, pas assez percutante, ne soit pas au diapason. Au micro, Seb annonce une nouvelle composition, "You’re Not Rock’n’roll", relatant les diverses galères que peut traverser un groupe de rock jouant un peu trop fort. Titre on ne peut plus prémonitoire quand on connaît la suite…
Clou de la soirée, Cabron arrive tardivement pour un set lui aussi diminué, riche de seulement 5 titres. Alejandro Garrido, bide flottant, moustaches d’Asterix et crête d’iroquois, lance son heavy rock pêchu, puissamment épaulé par les frères Reynerds. Contraint à faire dans l’efficace vu le temps imparti, le quatuor lance le propos avec les deux titres ouvrant leur premier album. "Your Lessons Learned" et "Cabron" frisent les tympans et décalquent les amplis sous les yeux complices d’un aréopage de fans et amis belges qui multiplient les apartés en flamand avec le groupe tout en ignorant promptement les interdictions de fumer en vigueur depuis peu. Cabron s’y révèle tout aussi imparable sur scène que sur disque, aidé par un son des plus percutants. Trop aux yeux des propriétaires des lieux, qui se mettent rapidement à scruter la performance les sourcils froncés. On demande au guitariste de baisser le volume. Peine perdue, il restera sourd à toute intimation. Dans un ultime élan, le combo enquille sur "Parascending", son ultime cheval de bataille. Les vigiles allument alors brutalement les lumières de la salle, un autre se tient face aux enceintes, le doigt sur la prise, montrant bien qu’il est le patron et qu’il peut à tout moment interrompre le show. Et le morceau dure, dure… Les tenanciers vivent cela comme une provocation, ignorant complètement que le titre dure près de 9 minutes dans sa version studio. Du coup, les longs riffs répétés qui le composent, amenant une longue transe visant à être brutalement déchargée en fin de piste se teinte d’une tension manifeste, illustrant malgré elle le combat obstiné d’imperturbables rockeurs en milieu hostile. Le gig se clôt, des explications musclées s’engagent, sans aller jusqu’à la baston générale, les Reynders pratiquant avec assiduité l’éclat de rire salvateur. Tout ce petit monde range son matériel alors que partout dans la cave résonne l’eurodance pourrie des années 90 à volume maximal. Ce qui, là, ne semble déranger personne. Les yuppies peuvent enfin commander leur whisky-coke, les trublions videront bien vite les lieux. C’est donc avec un mélange de jubilation et de frustration que l’on a vu Cabron pendant une petite demi-heure, avec ce sentiment persistant qu’on est loin d’avoir jaugé l’impact scénique de la bande. Paris, you’re not rock’n’roll. Mais on a appris à faire avec.