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The Black Crowes
Happiness Bastards
Produit par
1- Bedside Manners / 2- Rats and Clowns / 3- Cross Your Fingers / 4- Wanting and Waiting / 5- Wilted Rose (feat. Lainey Wilson) / 6- Dirty Cold Sun / 7- Bleed It Dry / 8- Flesh Wound / 9- Follow the Moon / 10- Kindred Friend

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Les générations ayant savouré leur jeunesse dans les années 1970 et 1980 ont pu, des décennies plus tard, avoir le plaisir d’assister aux comebacks de certaines gloires de leur époque : il semble que ce soit désormais le tour des anciens adolescents des 90’s qui sont, eux aussi, devenus chenus. Après The Hellacopters en 2022, qui ont signé un magnifique retour discographique avec une pépite d’action-rock au doux nom d’Eyes of Oblivion, voici The Black Crowes, les frères ennemis du rock sudiste, qui proposent Happpiness Bastards, quinze ans après leur dernier album en date.
Pour ceux qui, ayant grandi dans ce vortex, ne verraient pas de qui il s’agit, The Black Crowes incarnent le retour en piste du Southern rock après des années 1980 honteuses. On pourrait même avancer que le combo est aussi important dans l’histoire du genre que The Allman Brothers, les fondateurs venus de Géorgie ayant associé le folk-rock à un léger psychédélisme et imposé la virtuosité guitaristique, et que Lynyrd Skynyrd, auteurs du tournant hard-rock et de nombreux gimmicks de composition (comme l’incontournable hymne sudiste). À leur suite, The Black Crowes ont proposé un rock sudiste certes revival mais assez innovant par ses traits accrocheurs puisés chez des groupes anglais comme Free. En huit albums, le combo a produit de nombreux tubes au point de devenir une formation incontournable des 90’s qui en inspirera bien d’autres par la suite (Blackberry Smoke en tête), à la hauteur des monstres sacrés du genre. Mais la mésentente entre les deux frères entraîna deux séparations en 2002 et 2015, et laissa leur production au point mort.
Or, depuis quelques années, The Black Crowes ont fait quelques réapparitions scéniques et célébraient leur histoire au fil de rééditions de leurs premiers opus : autant dire qu’on sentait venir Happpiness Bastards sans savoir vraiment quand il arriverait au terme.
Habiles vétérans, les corneilles commencent sur une composition sudiste qui remet en selle leur esthétique classique - le très bon "Bedside Manners", déployant l’énergie qui manque à Blackberry Smoke - et poursuit cette dynamique avec classe sur le single "Wanting and Waiting" au riff accrocheur, aux orgues robustes et au refrain imparable. Dans cette lignée, on ne saurait trop conseiller "Dirty Cold Sun", le groovy au chant soul "Follow the Moon" et le jouvenceau "Rats and Clowns" où la guitare possède l’attaque agressive d’un Ted Nugent époque "Stranglehold" (i.e. quand il faisait des choses intéressantes et oubliait de donner son avis politique).
Loin d’être nostalgiques, The Black Crowes innovent au moment du surprenant "Cross Your Fingers" qui, après une introduction folk, bascule sur un riff funk et choisit une scansion rap, puis avec "Flesh Wound" qui invente le punk à roulette sudiste (ou southern punk). Le groupe maintient tout de même le cap sudiste classique qui sent bon le saloon ("Bleed it Dry" qui combine le bottleneck, l’harmonica et le piano désaccordé) et glisse des ballades réussies (l’Americana "Wilted Rose") ou un peu mièvres ("Kindred Friend").
Si l’on excepte la pochette, The Black Crowes signent donc un retour très réussi, et ce d’autant plus que des formations plus récentes qu’ils ont inspirées se perdent dans des productions calibrées et bien fades (Be Right Here des Blackberry Smoke). Marching Through Georgia, disait le chant des vétérans de la Guerre de sécession.
À écouter : "Cross Your Fingers", "Flesh Wound", "Bedside Manners"