Sugarloaf
Sugarloaf
Produit par Frank Slay
1- Green-Eyed Lady / 2- The Train Kept A-Rollin' (Stroll On) / 3- Bach Doors Man / Chest Fever / 4- West Of Tomorrow / 5- Gold And The Blues / 6- Things Gonna Change Some
Le Colorado, Etat des Rocheuses, à plus de 1200 km de San Francisco, centre névralgique du rock US psychédélique dans les années 1960. C’est le décor dans lequel naquit Sugarloaf, dont les racines descendent des Moonrakers (dont il existe quelques traces), sur lesquels Chocolate Hair a bâti ses fondations : ils changent de nom au moment d’enregistrer leur premier album éponyme.
Si le groupe évoque peu de choses actuellement, il a connu un bref succès avec son tube "Green-Eyed Lady" (quand Van Morrison chantait "Brown-Eyed Girl" deux ans plus tôt), une découverte récente pour ma part à laquelle j’ai directement accrochée. Le titre ouvre l’album et il faut absolument écouter cette version plutôt que celle offerte aux radios, largement rabotée de plus de quatre minutes, et perdant ainsi tout son sel. Il faut s’arrêter sur le groove de la ligne de basse, dans l’esprit de ce que propose plus tard Herbie Hancock. Les claviers donnent une chaleur incroyable au morceau et proposent des chorus puissants, très bien composés, tandis que la guitare se lâche dans un solo en accords. Le contraste entre le côté funky et quelques passages légèrement angoissants (aux claviers, ou quelques choix tonals à peine étranges) apporte un relief à ce coup de maître. Bref, ce titre feel-good est un chef-d’œuvre de cette époque hippie.
Mais si Sugarloaf propose une musique typiquement américaine de la fin des 1960’s, il trouve également son inspiration chez les camarades anglais en reprenant le titre proto-hard-rock des Yardbyrds "Train Kept-a-Rolkin’" (qui est déjà déjà reprise de Tiny Bradshaw : un aller-retour transatlantique en somme). Ici par contre, les instruments sont rois puisque les paroles ont été enlevées. Cette inspiration britannique se retrouve dans quelques digressions progressives. Si "Bach-Doors Man/Chest Fever" demeure un titre psychédélique avec des claviers à la Deep Purple Mark 1 (il y a du "Hush » dans les claviers et la guitare), sa longueur et ses emprunts à Bach en introduction (remarquez le jeu de mot) témoignent d’audaces qui feront les belles heures de ce genre encore émergeant. Il en va de même pour les notes introductives de "West of Tomorrow" - titre plus quelconque par ailleurs -, des harmoniques dont Steve Howe fit une marque de fabrique de Yes.
La deuxième face est moins aventureuse et moins intéressante même si le tout est bien exécuté. On a le droit à un long blues agrémenté de claviers ("God and the Blues") qui permet au guitariste de se lâcher. "Things Gonna Change" possède de bonnes idées (bon feeling, bon chorus, quelques transitions intéressantes) mais demeure plus classique. C’est l’harmonie entre les musiciens qui se confirme sur ce titre. Car un élément revient finalement, c’est la qualité du jeu qui est, surtout pour l’époque, remarquable, et ce de la section rythmique en passant par les solistes.
Regardez par la fenêtre, il fait beau en ce moment, mais vous êtes enfermés chez vous. Prenez donc un peu de soleil dans les oreilles avec cette petite parenthèse à l’orée des 1970’s. Si ce n’est pas l’album de la décennie, c’est tout de même un vrai bon moment de rock en perspective.