Strawbs
Grave New World
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1- Benedictus / 2- Hey Little Man... Thursday's Child / 3- Queen Of Dreams / 4- Heavy Disguise / 5- Is It Today, Lord? / 6- Hey Little Man... Wednesday's Child / 7- The Flower And The Young Man / 8- Tomorrow / 9- On Growing Older / 10- Ah Me, Ah My / 11- New World / 12- The Journey's End
Comme de nombreux groupes britanniques de folk de la période, si ce n’est un peu plus en ce qui les concerne, Strawbs a côtoyé les rivages du rock progressif quand le style connaissait son âge d’or. On aurait pu se dire que la présence de Rick Wakeman avait eu une influence sur ce penchant esthétique, après tout le claviériste est devenu un parangon d’organiste progressif au sein de Yes, mais on aurait bien tort : Grave New World, l’opus le plus progressif du combo, est réalisé après son départ. Il s’ouvre d’ailleurs sur "Benedictus", messe pompeusement religieuse célébrant les nouvelles aventures de Wakeman. Le mellotron est roi et le groupe se permet même de brancher un dulcimer, preuve du tropisme progressif qui entoure l’album.
Strawbs ne souhaitant pas faire les choses à moitié, il adopte l’armature progressive du concept-album (l’histoire d’un homme, étape par étape, qui est également le récit de la condition humaine), et accumule les références du champ intellectuel (un tableau de William Blake en couverture, et un jeu de mots autour du roman d’Aldous Huxley – deux très convenues pour la scène rock).
Musicalement, le tournant progressif est clairement pris. "Queen of Dreams" propulse le psychédélisme dans des sphères très expérimentales avec un faux sitar sûrement simulé par une guitare ou un dulcimer en reverse tape, ainsi que des passages bruitistes. "It Is Today Lord ?", avec son véritable sitar, insiste davantage sur la touche hindoustani pour évoquer un voyage vers le nirvana. Du reste, c’est la forte présence des claviers analogiques qui engagent Grave New World dans les sentiers progressifs : le baroque "The Flower and the Young Man", le Heavy prog’ "Tomorrow" où les claviers (variés) sont associés à une forte présence de la guitare électrique (chose assez rare chez Strawbs donc agréablement surprenante). On évoquera également ce petit intermède cinématographique tout à fait inattendu qu’est "Ah Me Ah My" dans un style années 1920.
Le groupe ne perd en rien son identité folk, loin s’en faut puisqu’il multiplie les intermèdes en forme de petites pièces folks, très brèves, comme "Hey Little Man … Thursday’s Child" doucement arpégée, repris plus loin ("Hey Little Man … Wednesday’s Child"), "On Growing Older". Strawbs brille toujours sur ce registre, entre "Heavy Disguise", titre folk assez sautillant dans une veine Jethro Tull et le très puissant "New World". Il s’agit là d’un des exemples présent sur l’album qui semble anticiper le Barclay James Harvest post-1975, tout se passant comme si Strawbs faisait ici le pont entre Moody Blues et BJH …
Plus progressif mais toujours folk, Strawbs signe ici l’un de ses plus grands succès au moment même où il se sépare d’un membre éminent, Tony Hooper. Un nouveau départ bien plus traumatisant que celui de Wakeman qui avait finalement prouvé que nul n’était irremplaçable. Même pour faire du rock progressif, même un roi en son domaine.
A écouter : "Benedictus", "Heavy Disguise", "New World", "Tomorrow"