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Critique d'album

Status Quo


Hello!


(28/09/1973 - Vertigo - - Genre : Rock)
Produit par Status Quo

Note de 5/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"La résistance au changement engendre le statu quo. – principe économique capitalistique"
Daniel, le 29/07/2023
( mots)


Où il est question d’un 78 tours fondateur et d’un lectorat pressé

Tout Status Quo (de Piledriver à Back To Back) tient dans les trois minutes de "Pinetop’s Boogie Woogie" de Clarence Pine Top Smith (1),

Le passant pressé peut par conséquent arrêter ici sa lecture de la chronique et s’en retourner à ses occupations.

Où il est question de Miami Steve Van Zandt, d’un Big Bang et d’un mur blanc

Il y a eu un Big Bang. Comme l’explique le prodigieux historien qu’est Steve Van Zandt, la culture rock blanche (2) est restée unitaire (sous le nom générique de pop art) jusqu’à la charnière entre les sixties et les seventies. Puis il y a eu un Big Bang. Le rock blanc s’est scindé en deux mondes inconciliables : le monde des assis et le monde des debout…

La question assis-debout se posait vraiment chez les plus savants des journalistes rock qui définissaient nos codes ancestraux. En concert, il y avait les "Genesis", fans intellectuels d’un rock « planant » qui restaient assis en fumant des tabacs qui font rire d’un air compassé et les "Slade" amateurs prolétaires d’un rock couillu qui se tenaient debout en hurlant et en buvant des bières (3).

L’affaire n’est pas banale puisqu’elle est à l’origine de l’"autre album blanc", à savoir The Wall. C’est la présence d’un "debout" excité, dans un concert destiné à des "assis" qui a fait péter une durite à Roger Waters, lui inspirant l’idée compulsive de construire un mur infranchissable entre le groupe et son public.

Où l’on reparle enfin de Status Quo

Après avoir vainement cherché pendant dix ans à coller à toutes les modes (4), toujours avec un sillon de retard sur l’actualité, le Quo a choisi de consacrer toute son énergie à l’art pauvre, ramenant son look, sa communication et sa musique au degré zéro (5) de l’inventivité.

L’absence de concept (6) frôle la simplicité biblique : jeans denim, tops immaculés (avec les pans sagement rangés dans la culotte), boots et ceintures en cuir, tignasses hirsutes et, pour couronner le tout, gilets du plus haut chic, chinés sur une brocante de vieux gentlemen déchus.

Il en va de même pour la musique, réduite à une expression rythmique minimaliste soutenant des textes qui exploitent un vocabulaire de 121 mots. C’en est au point que chaque titre (interchangeable) de la période la plus productive du quatuor aurait pu figurer sur n’importe lequel de ses albums "classiques". Même la pochette de Hello vaut son pesant de créativité nihiliste avec ses quatre silhouettes noires sur un fond noir. On n’avait plus vu ça depuis… l’album blanc (encore lui).

Mais, en concert, Status Quo a littéralement explosé le monde des debout. Sur la scène vide, il y avait juste quatre gaillards volontiers souriants, une batterie très minimaliste et trois longs câbles que deux roadies passaient leur soirée à détricoter tant était frénétique le ballet improvisé de Lancaster, Rossi et Parfitt. Pas de mur d’amplis (les Marshall étaient planqués dans l’arrière-boutique). Pas de jeux de lumières (à part "éteint/allumé"). Juste Status Quo, son boogie et son public. Et le public de Status Quo a longtemps été le meilleur public du monde. Dès la première note, tous les petits rockers en jeans débutaient un pogo endiablé qui se poursuivait même au-delà du dernier rappel plus de deux heures plus tard.

Si un tour de passe-passe a permis de graver la folie des concerts de Kiss sur Alive I, les courants d’énergie phénoménaux qui unissaient le Quo et sa fan base (courants d’énergie qui vibraient sans cesse de la scène à la salle et de la salle à la scène) n’ont jamais été correctement documentés Parce qu’il fallait y être. Parce qu’une goutte de sueur chargée de décibels, de houblon et de testostérone qui s’écrase sur les planches n’est visible ni sur un vinyle, ni sur un CD, ni sur un support dématérialisé.

Cela dit, si l’amour charnel et absolu qui liait le Quo à son public était digne d’un conte de fées, la fraternité affichée sur scène par les deux guitaristes était une attitude de façade. En 1973, Rossi et Parfitt vivaient déjà dans le désaccord. C’est probablement le succès tardif de l’entreprise Status Quo qui a maintenu le vieux ménage soudé contre vents et marées. En apparence, du moins…

L’exemple de "Forty Five Hundred Times", le titre (fleuve) le plus réussi qui clôture Hello, illustre précisément ces vents et marées. Le propos (un peu plus sophistiqué qu’à l’ordinaire) évoque une relation "amour/haine". Et, si le titre ne veut rien dire (7), le propos est plutôt sombre et révélateur (ce qui est inhabituel chez Status Quo). Symboliquement, "FFHT" exprime un divorce précoce et mal vécu des deux hommes. Et ce sera en effet leur dernière composition commune, les gaillards ayant par ailleurs passé plus de temps à s’engueuler en studio qu’à écrire cet étrange testament d’amitié (8).

Il est difficile d’extraire d’autres titres de cette bande-son particulière qui a été au rock, alors emporté dans des courants musicaux progressifs, ce que le cinéma muet avait été à la comédie musicale en Dolby stéréo.

On peut écrire aujourd’hui que Status Quo a inventé le rock régressif (le reg-rock). De Hello, l’histoire a surtout retenu (outre l’atomique "FFHT") "Caroline" et "Roll Over Lay Down". Mais les autres compositions peuvent également tourner en boucle avec la même pertinence et sans jamais générer le moindre effet de surprise.

S’il s’avère que le temps est relatif, en ce sens qu’il s’écoule plus rapidement pour un système fixe que pour un système en mouvement, l’œuvre de Status Quo est un monument futuriste et visionnaire. Mais tout le monde ne s’accorde pas sur les théories d’Einstein.

J’éprouvais l’envie d’être aimé
Alors je me suis adossé contre un mur
J’ai essayé de trouver une raison de vivre
Mais je n’en ai trouvé aucune
Alors je me suis tourné vers mon Créateur
Et j’ai commencé à prier
Mais il n’y avait personne pour m’écouter (9)

Et rien n’a changé depuis lors…


(1) Ce 78 tours a été publié en décembre 1928 chez Vocalion Records sous la référence 1245. Ahmet Ertegun l’a écouté longuement et a piqué le texte de Clarence pour écrire "Messin’ Around" qu’il placera chez Ray Charles. Pour l’anecdote, Pine Top était mort en 1929, à l’âge de 24 ans. Terrassé par une balle dont personne ne sait si elle était perdue ou si elle lui était destinée. Après, on s’étonne de trouver une pancarte "Don’t Shot The Piano Player !" sur le clavier des musiciens de bars.

(2) La "culture pop" avait déjà perdu son métissage blanc-noir en 1969. Il faut toujours un élément déclencheur et, symboliquement, ce fut Altamont. Un ange de l’enfer blanc (Alan Passaro) a assassiné un jeune noir (Meredith Hunter) qui, plombé aux métamphétamines, aurait pointé un revolver calibre 22 en direction d’un chanteur blanc (Mick Jagger). Passaro a été acquitté. Hunter est toujours mort. Jagger est resté le chanteur de The Rolling Stones. Et, pour les amateurs de gay savoir, les plans larges étaient filmés par Georges Lucas.

(3) Et il existait des non engagés qui bouffaient aux deux râteliers, s’encanaillant parmi les "Slade" (debout) et partageant poliment des joints avec les "Genesis" (assis).

(4) Pas de bête zéro qui fleure à peine le frimas ! Le zéro absolu, vers -450 degrés Fahrenheit.

(5) La longue adolescence du Quo est vraiment digne de Spinal Tap et mériterait un jour d’être racontée. Pour s’en persuader, il faut au moins écouter une fois dans sa vie "Laticia", une composition d’Alan Lancaster enregistrée en 1966 sous le nom The Spectres.

(6) C’est une trouvaille du bassiste Alan Lancaster.

(7) Dans la pure veine du "Hard Day’s Night" de Ringo Starr… Rédigé dans un anglais plus cohérent, le texte de départ était "Four Thousand Five Hundred Times". Mais le nombre de syllabes ne tombait pas dans le rythme.  

(8) Les propos tenus par Rossi en interview après le décès de son "complice" sont parfois même irrévérencieux.

(9) Extrait fascinant de "Reason For Living".


 

Commentaires
DanielAR, le 31/07/2023 à 12:45
Merci beaucoup pour les commentaires bien agréables à lire. J'attends le bon moment pour parler d'un autre schisme (et d'une pure traîtrise). Lorsque le disco a envahi la planète (circa 1977), il s'est trouvé des rockers (toutes obédiences confondues) qui, après les concerts, changeaient de fringues, de déodorant et de coiffure pour aller hanter en cachette les soirées disco. Il est vrai que les demoiselles étaient plus nombreuses et plus affriolantes chez les discos. Mais bon, un soldat ne devrait jamais trahir son armée pour un peu de dentelle fluo... Si ? Ah bon ! Mais tout de même, s'échapper d'un concert de Blue Oyster Cult pour aller secouer son derrière sur du Village People reste un acte impardonnable...
SpiritOfSummer, le 29/07/2023 à 22:05
Waouh, encore chapeau Daniel et tous les rédacteurs d’Albumrock en général pour la qualité des chroniques ! Merci d’avoir précisé qu’il peut y avoir, comme moi, des adeptes des deux camps (ok j’avoue, avec quand même une petite tendance « Genesis » au quotidien, le punk anar c’est sympa mais ça fait vite mal à la tête).