Savage
Loose 'N Lethal
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Grâce à la volubilité de Lars Ulrich à propos de la passion que Metallica nourrie pour la NWOBHM, on sait combien cette dernière inspira la scène Thrash américaine qui émerge en 1983. Si Diamond Head est la référence la plus connue parmi les groupes ayant guidé les Américains, une petite formation joua également un rôle singulier : Savage. Le combo avait justement joué en première partie de Diamond Head au début de la décennie et si leur premier album ne paraît qu’en 1983, un peu après Kill ‘Em All, les membres de Metallica avaient eu connaissance de leurs compositions puisqu’ils avaient enregistrés leur propre version de "Let It Loose" en 1982 (voir le bootleg de 1990, One Last Visit).
Formé en 1978 à Mansfield, Savage figure parmi les nombreuses formations issues des Midlands, terre fertile de la NWOBHM, mais peine à se faire un nom avant sa rencontre avec le label Ebony en 1981. On note leur présence sur une compilation publiée par le label local Suspect Records (Scene of Crime, 1981) avant qu’ils n’apparaissent sur celle d’Ebony, Metal Fatigue, en 1982, avec le titre "Ain’t No Fit Place", assez typique de la NWOBHM (introduction en arpèges avec des guitares jumelles mélodiques et riff on ne peut plus calibré entre Saxon et Def Leppard). Parmi les nombreux groupes présents sur ces deux compilations, Savage sera le seul à enregistrer un album en bonne et due forme. La même année, Ebony leur permet de sortir un single sur lequel figurent deux morceaux ("Ain’t No Fit Place" / "The China Run") finalement présents sur leur premier album paru en 1983 qui comporte également des titres enregistrés en 1979 pour une démo artisanale. Bref, tout l’intérêt de cette histoire est de rappeler les difficultés rencontrées par de nombreux groupes de la NWOBHM, qui mirent parfois des années pour faire paraître un album quand des centaines d’autres disparurent après une seule apparition sur une compilation ou un single.
L’année 1983 est comme un retour de marée au sein de Nouvelle Vague Heavy, dans laquelle Savage n’est en rien remarquable par ses compositions : c’est son interprétation Thrash avant l’heure qui mérite l’attention de tout amateur et qui explique sûrement la séduction opérée sur les membres de Metallica. Certains morceaux sont très véloces, réellement agressifs, mais c’est surtout le son de guitare unique qui est mémorable, incisif comme une tronçonneuse ou comme l’arme tournoyante du motard de la pochette tout droit sorti de chez Mad Max. Rappelons une réalité triviale : cette sonorité est un vice de production, issue d’un mixage expédié en deux jours.
Illustration parfaite de la nature proto-Thrash de Savage, "Let It Loose", une fois passé le parallèle avec "Stand Up and Shoot" de Dio, libère une guitare tranchante voire même cisaillante sur le solo et un riff véloce et terrassant. Les dissonances du riff de "Cry Wolf" et le solo en shredding non maitrisé apportent ce même effet – réussi à défait d’être complétement volontaire.
Cependant, on relève de nombreuses compositions plus anecdotiques ("On the Rocks", "White Hot") et surtout tellement inscrites dans l’air du temps qu’elles apparaissent très référencées : les riffs de "Berlin" et "Dirty Money" évoquent Saxon, même si le second titre s'avance puissamment comme un bombardier, "The China Run" fait penser à Motörhead période Overkill dans une version perfusée à la NWOBHM. Il faut malgré tout rendre hommage aux soli de guitare qui se démarquent immanquablement sur chaque titre. Quant au chant, il est à rapprocher de celui de Jon Deverill (Tygers of Pan Tang).
Sans imiter l’enthousiasme débordant de certains amateurs pris dans une passion pour la NWOBHM vécue à rebours (ou de fans de Metallica attentifs aux conseils d’écoutes des pères du Thrash), nous partageons l’intérêt pour l’originalité sonore présente sur le premier album de Savage, qui en fait une pièce à ne pas négliger au sein de la nouvelle vague britannique.
À écouter : "Let It Loose", "Ain’t No Fit Place", "Cry Wolf"