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Roger Waters
The Pros & Cons Of Hitch Hiking
Produit par Roger Waters et Michael Kamen
1- 4:30AM (Apparently Were Traveling Abroad) / 2- 4:33AM (Running Shoes) / 3- 4:37AM (Arabs With Knives And West German Skies) / 4- 4:39AM (For The First Time Today, Part 2) / 5- 4:41AM (Sexual Revolution) / 6- 4:47AM (The Remains Of Our Love) / 7- 4:50AM (Go Fishing) / 8- 4:56AM (For The First Time Today, Part 1) / 9- 4:58AM (Dunroamin, Duncarin, Dunlivin) / 10- 5:01AM (The Pros An Cons Of Hitch Hiking Part 10) / 11- 5:06AM (Every Strangers Eyes) / 12- 5:11AM (The Moment Of Clarity)
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
C'est étrange, la police rouge qui décline le titre du premier album solo de Roger Waters nous rappelle sensiblement celle qui fut utilisée pour l'album The Wall (1979) ou le film Pink Floyd The Wall (1982). Au-delà de la motivation commerciale de cette "coïncidence", il apparaît que The Pros And Cons Of Hitch Hiking (comprenez "les avantages et inconvénients de l'auto-stop") et l'album aux briques blanches ont des histoires très liées.
En 1978, après la tournée In The Flesh assurant la promotion de leur dernier album Animals, Pink Floyd est fatigué. Chacun des membres prend des vacances de son côté et travaille à des projets solo. Mais Roger Waters souhaite poursuivre l'aventure floydienne et propose à ses comparses deux démos : l'une qui accouchera du chef d'œuvre inégal que l'on connaît et l'autre qui comprenait les esquisses de The Pros And Cons.
En effet, Mason, Gilmour et Wright préfèreront The Wall, n'accrochant pas au speech de l'autre. Ce dernier est pourtant simple. Il est question d'un homme, quadragénaire, qui, en pleine nuit, rêve d'une autre vie loin de la sienne et replonge de temps à autre dans la réalité qui l'entoure, pleine de névroses et de tortures psychologiques. Cela ne vous rappelle rien ? Je vous l'ai dit, les deux opus sont très liés.
Ce sont les thèmes que chérit Roger Waters qui refont surface, cinq ans après avoir été bercé trop près du Mur. Cet album est donc un album-concept, que l'on se doit d'écouter d'une traite pour parfaitement l'emmagasiner. Le rêve du protagoniste se déroule en temps réel, chacune des pistes représentant une heure précise qui nous transporte au fil de sa nuit agitée.
Côté zicos, Roger Waters sait s'entourer. On notera particulièrement la présence d'Andy Brown de Status Quo aux claviers et, last but not least, Eric Clapton à la guitare solo qui à cette époque traverse une phase difficile, le foie bien imbibé et les veines du bras encore boursouflées.
L'ensemble de l'album est assez cohérent et agréable à écouter. Déjà parce que comme tous les albums dirigés par l'ex Floyd, la production et les arrangements sont superbes. La répartition stéréo des effets sonores vous donne parfois l'impression d'entendre la musique en 3D. Au casque, cet album est une véritable expérience audiophile.
La musique en elle-même est également très bien exécutée. On profite de moments très apaisés dans l'ensemble ("4:30 AM - Apparently They Were Travelling Abroad", "4:47 AM - The Remains Of Our Love"). Bon, on sent que la composition de ces morceaux n'a pas pris trois heures dans la mesure où ils sont souvent calqués sur les mêmes accords bien connus qui ont construit "Mother" ou "Pigs On The Wing Pt1 & 2"... Et ça, on peut le reprocher. Entendre le riff d'intro d' "In The Flesh" sur la fin de "4:58 AM - Dunroamin, Duncarin, Dunlivin" repris à l'IDENTIQUE, c'est moyen...
On salue néanmoins les passages de Clapton qui donnent un peu de vivacité à cet opus et nous rappellent que l'on écoute un album rock. C'est le cas sur le très bon, mais très cru dans ses paroles (rare dans le songwritting de Waters), "4:41 AM - Sexual Revolution" où la guitare est bienvenue.
Le côté théâtral de l'album est sympathique, il nous transporte vraiment dans l'univers mais agace... On a l'impression de se retrouver dans un The Wall bas de gamme, redondant, dans lequel Waters nous resasse ses mêmes angoisses existentielles en gémissant et en pleurnichant comme c'est le cas sur "4:39 AM - For The First Time Today Pt. 2".
Le point culminant de l'album, et certainement le titre le plus abouti, est "4:50 AM - Go Fishing". Le protagoniste, qui s'est enfui avec femme et enfants dans le Wisconsin mener une vie paisible s'aperçoit que sa femme s'est entichée d'un autre. Toute la vie rêvée qu'il s'est construite au fil des titres précédents s'effondre. Roger Waters pleure, hurle, pleurniche mais il le fait en déclamant un texte très bien écrit au regard des circonstances. La progression des titres précédents jusqu'à ce moment de désillusion rattrape une bonne partie de l'album.
Le héros, seul, en est réduit à l'auto-stop. C'est là que le morceau-titre fait son entrée et Clapton en même temps. C'est rock, c'est rythmé, ça envoie comme il faut. On met de côté les chœurs féminins qui ont assez mal vieilli et l'attaque frontale à Yoko Ono que Roger Waters se fait un plaisir d'asséner : "Did you understand the music Yoko or was it all in vain ? Bicth said something mystical, So I stepped back on the kerb again." La guitare et le saxophone s'accordent bien et donnent un bon morceau diffusable sur les ondes FM de 1984 !
La fin de l'album arrive doucement avec "5:06 AM Every Strangers Eyes" sur lequel le protagoniste fait la synthèse de son aventure nocturne. Encore des hurlements de Waters mais ceux-ci ne nous agacent pas et se mêlent à une ambiance globale aussi apaisée que torturée. "5:11 AM - The Moment Of Clarity", qui reprend le thème du premier morceau clôt l'album sur une note optimiste : l'auteur avoue à sa chère et tendre qu'il a de la chance et qu'il ne pourrait plus rester un moment seul. Finir sur de l'amour et de l'espoir ? Au moins Roger Waters évolue bien...
Bilan, on peut conseiller cet album pour ceux qui aiment les obsessions névrotiques de l'ex bassiste de Pink Floyd et l'expérience du concept album dont il reste un des maîtres. Et, en même temps, on le déconseille pour les mêmes raisons car à l'image de Mike Oldfield et son Tubular Bells, Roger Waters ne semble jamais s'être remis d'avoir sauté du Mur...