Motörhead
Overkill
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1- Overkill / 2- Stay Clean / 3- (I Won't) Pay Your Price / 4- I'll Be Your Sister / 5- Capricorn / 6- No Class / 7- Damage Case / 8- Tear Ya Down / 9- Metropolis / 10- Limb from Limb
A la veille de l’émergence de la NWOBHM et en queue de comète de la révolte punk, Motörhead fit figure de groupe de transition entre deux époques, tout en apparaissant comme une expression fougueuse et intemporelle du rock. Le rejet d’On Parole par United Artists, puis le premier album qui reprenait en grande partie les titres issus de ce faux-départ, avaient affiché l’ambition du combo qui demeurait pour autant velléitaire. En 1979, Overkill fait figure de véritable manifeste, un chef-d’œuvre qui incarne Motörhead au sommet de son inspiration, et s’il apparait pour certains comme le brouillon de l’excellent Ace of Spades, il est en réalité le véritable acte révolutionnaire du groupe. Dans l’histoire du rock, Overkill est une pièce maîtresse, un jalon, un moment de redéfinition.
Sans être acteur du mouvement punk, Motörhead a toujours eu le respect des séides de ce courant musical pourtant sectaires. Cela tient en partie à l’attitude du trio évidemment, mais il y a aussi une raison musicale : l’intégrité et le côté pur rock’n’roll, sans fioriture, ne pouvait que séduire la réaction esthétique des punks. Ainsi, "Tear Ya Down" aurait pu être un motif d’intégration à ce mouvement, et la simplicité du riff de "Stay Clean" associée son solo de basse rudimentaire mais ô combien satisfaisant, pouvait parler aux punks les plus intransigeants. En outre, le sautillant et rebelle "(I Won’t) Pay Your Price" était un écho à cet esprit frondeur.
Malgré tout, Motörhead propose une musique moins caricaturale ou minimaliste que les punks. C’est pourquoi d’un autre côté, le trio fut, avec Judas Priest, le chainon indispensable au passage de la génération hard-rock des 1970’s à la NWOBHM des 1980’s. Là encore, il y a des liens humains, puisque Lemmy fut un chaperon généreux pour de nombreux groupes (Saxon, Girlschool …), mais également esthétiques quand Motörhead radicalise l’abord du rock très saturé. La vélocité et la rudesse d’"Overkill", quintessence de l’approche motörheadienne du rock, surprend par son solo rapide et sa batterie mitraillant l’auditoire. "I’ll Be Your Sister" est un bon témoignage de l’efficacité du combo, et l’obscur "Capricorn" montre un univers parfois plus complexe, peut-être nourri des restes d’Hawkwind. Il y a enfin la pochette, avec son effigie centrale (un snaggletooth lumineux et cosmique), dont l’aspect préfigure celui des années à venir au sein de la NWOBHM.
Enfin, Motörhead s’affirme comme un conservatoire de l’esprit rock des origines, avec des racines enfuies dans les 1950’s, dans le blues et le rock’n’roll, associées à la tradition du hard-rock britannique. Qu’est-ce que "Limb from Limb" sinon un blues-rock rocailleux mais lancinant qui se transforme en rock’n’roll ? Comment qualifier l’inspiration puisée chez ZZ Top sur le brumeux "Metropolis", ou l’hommage rendu à "Tush" sur "No Class" ? Derrière sa tournure saccadée et Heavy, "Damage Case" est en réalité une subversion métallique du rock’n’roll : écoutez le rythme et la mélodie du chant de Lemmy, notamment sur le refrain, on se croirait au tournant des 1950’s américaines.
Le hard-rock’n’roll simple mais brillant (quand le groupe est inspiré) de Motörhead, assez immédiatement jouissif et addictif, rend parfois la tâche difficile pour le chroniqueur : que dire d’un album exceptionnel qui accumule les excellents titres mais qui, stylistiquement, est assez canonique ? Le remettre dans son contexte esthétique permet au moins d’évaluer la portée d’Overkill : c’est ici que les choses commencent pour Motörhead, et que l’histoire s’écrit avec un grand H.
À écouter : "Overkill", "Capricorn", "Stay Clean", "Damage Case", "(I Won’t) Pay Your Price"