Molly Hatchet
Molly Hatchet
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1- Bounty Hunter / 2- Gator Country / 3- Big Apple / 4- The Creeper / 5- The Price You Pay / 6- Dreams I'll Never See / 7- I'll Be Running / 8- Cheatin' Woman / 9- Trust Your Old Friend
En 1978, le rock sudiste ressemble à un champ de ruines. Si les Allman Brothers décident de se reformer cette année-là, cela fait longtemps qu’ils ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes, laissant la Géorgie à la traîne de la dynamique. Quant aux leaders du genre, Lynyrd Skynyrd, ils ont été décimés en 1977, à la suite d’un terrible accident d’avion qui faucha plusieurs membres et compagnons d’infortunes, obligeant le combo à se mettre en pause pour dix ans.
Mais la Floride n’a pas dit son dernier mot. Blackfoot s’améliore d’album en album depuis le milieu de la décennie et s’apprête à mettre au monde sa trilogie animalière culte. 38 Special commence doucement sa carrière alors qu’Outlaws poursuit la sienne dans un registre plus apaisé. Enfin, à Jacksonville toujours, une autre formation débarque dans les bacs cette même année après une longue période d’activité souterraine dans l’arrière-pays floridien : Molly Hatchet.
Si le nom du combo est assez original (il fait référence à une meurtrière à la hache), la plus grande surprise reste la magnifique pochette choisie par le groupe : le Death Dealer de Frank Frazetta, personnage devenu depuis une icône de la pop culture américaine au sens large. Elle est en effet assez peu adaptée au registre southern-rock, dont le mauvais goût est légendaire, et pourrait laisser croire à une œuvre proto-métallique à la Manilla Road. Il n’en est rien évidemment, mais l’univers heroïc-fantasy de Frazetta (ou de ses imitateurs) deviendra la marque de fabrique visuelle définitive (ou presque) du combo, pour le plus grand plaisir de nos yeux.
Leur musique par contre, s’apparente pleinement au rock sudiste saturé tel qu'inventé par Lynyrd Skynyrd, puis réarmé de riffs un peu plus musclés par ses successeurs dont Blackfoot et justement Molly Hatchet. Sur ce premier opus néanmoins, ces derniers restent attachés à leurs racines, soit les Allman Brothers, comme en témoignent une très belle reprise de "Dreams I'll Never See", fidèle mais épique, et "Gator Country", qui se situe bien à la jonction entre les frères Allman et les frères Van Zant.
L’ambiance boogie ("Big Apple", "I'll Be Running") et hard-blues ("The Creeper", à la "Gimme Back My Bullets") s’impose, de même que les refrains enjoués et les thématiques classiques et bas du front propres au genre : Molly Hatchet n’a pas encore dévoilé tout son potentiel et plusieurs morceaux frisent la caricature ("Trust Your Old Friend") ou manquent de fougue ("The Price You Pay"). L’album est indéniablement dénué de tubes, mais "Bounty Hunter" est une très belle entrée en matière et "Cheatin' Woman" dispose d’une progression accrocheuse et de parties classieuses (les chœurs sont bien utilisés, le solo est mélodieux).
L’histoire du rock, et notamment du rock sudiste, aura connu des départs plus marquants que celui de Molly Hatchet, mais ce premier opus présentait suffisamment d’éléments attrayants pour fonder son placement sous surveillance de tout bon mélomane – la suite justifiera cette attention.
À écouter : "Dreams I'll Never See", "Bounty Hunter", "Cheatin' Woman"