
The Mars Volta
Lucro sucio; los ojos del vacío
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Dévoilé par surprise sans annonce ni battage médiatique, après une première fuite sur internet et une première partie surprise des revenants Deftones, le neuvième album de The Mars Volta, baptisé Lucro sucio ; Los ojos del vacio, forcera nécessairement les auditeurs à prendre une nouvelle fois une position tranchée.
Si nous avions fait un effort énorme pour tenter de sauver le soldat Mars Volta lors de notre chronique de leur dernier album en date, il semble que les forces nous manquent cette fois pour réitérer l'exercice. Car si The Mars Volta avec déjà enterré l'ADN originel du groupe, sonné le glas de la furie et de l'emportement, décapité ses racines punk et progressives pour laisser la place à une version 2.0 aseptisée, pour ne pas dire globalement fadasse, il y avait tout de même une vraie proposition musicale et une ligne claire à critiquer. Que l'on adhère ou non à ce revirement il y avait au moins un contenu à examiner. Or, que pourra retenir l'auditeur de Lucro sucio ; Los ojos del vacio ? A quoi peut-on bien s'accrocher pour retirer un peu de matière de cette petite heure de plage électro-jazz foireuse découpée de manière anarchique en 18 pistes qui ennuieront (au mieux) mais irriteront le plus souvent ?
Difficile de voir un groupe qu'on a tant aimé écouter se saborder à ce point. Non seulement Cedric Bixler-Zavala et Omar Rodríguez-López délivrent une musique totalement déconnectée et expurgée de son énergie originelle mais Lucro sucio ; Los ojos del vacio n'a plus grand chose de musical en soi. Il faut se coltiner une myriade d'élucubrations électronico-ambient expérimentales dont la faible durée empêche toute forme de développement intéressant. Si les guitares avaient déjà été passablement amputées et si Omar Rodríguez-López avait déjà disparu de la circulation sur The Mars Volta, il lui restait encore son talent d'arrangeur et de compositeur pour mettre en valeur la voix surnaturelle de son camarade. Difficile de dire si ce dernier a réellement participé à l'album tant sa contribution apparaît inexistante. Les premiers titres de l'album annoncent de fait la couleur : Omar sera littéralement au chômage technique, remplacé par des textures de synthé mal dégrossies. L'ampli de la guitare ne sera rebranché de manière anecdotique qu'une seule fois, sur le riff peu inspiré de "Un Disparo Al Vacío", avant de sombrer à nouveau dans un néant alimenté par des sonorités lo-fi bordéliques.
Quand à la voix si caractéristique de Cedric Bixler-Zavala, elle se perd dans une réverbération synonyme d'errements fantomatiques éreintants ("Enlazan los Tinieblas"), sert des mélodies ridicules au possible ("The Iron Rose"), et semble absente d'elle-même, comme si Cedric ne semblait même pas croire à ce qu'il chantait ("Mictlan"). Il faut attendre la sixième piste, "Cue the Sun" pour relever le début d'un titre intéressant, écrasé par son motif électro qui génère une atmosphère oppressante à souhait suivi d'un développement électro-planant sur "Alba del orate". Le découpage complètement artificiel des titres brouille cependant toute forme de cohérence à l'instar du duo latino "Voices in my Knives" / "Poseedora de mi Sombra" qui semble arbitrairement privé de son potentiel et sectionné en plein milieu. Le titre "Celaje" s'avère également bancal dans son écriture, oscillant entre des sonorités électroniques qui tâchent et un refrain plus doux et apaisé. Tout cela s'accorde assez mal et n'est aucunement servi par des interludes qui n'ont rien à relier et s'avèrent donc sans aucun intérêt autre que celui de faire du remplissage. On profitera au mieux de deux minutes écoutables avec les arpèges cristallins de "Vocifero".
Même en s’attachant méthodiquement à tout flinguer, les deux compères ne peuvent s'empêcher de sortir quelques pépites avec une fin d'album bien plus intéressante. Il leur en faut peu pour briller avec un "Maullidos" sensible et prenant et un "Morgana" entêtant. Pour conclure l'album, "Lucro Sucio" résume à lui seul la démarche entreprise avec une plage électro-jazz déroutante, agaçante et difficilement lisible.
Qui d’autre que Mars Volta pouvait se lancer une nouvelle fois dans une démarche aussi radicale ? Dans une folie de plus qui ne manquera certainement pas de heurter une fan base déjà meurtrie par un précédent opus difficilement digéré ? Pourtant la "soupe" décriée par les détracteurs du précédent album proposait, malgré toute notre déception, a minima une écoute qui restait agréable, parfois agrémentée de quelques très bons morceaux. Sans daigner nous donner de réelles compositions à écouter sur ce nouvel album, le duo tourne le dos à tout ce qui faisait l'essence de leur musicalité. De ce Lucro sucio ; Los ojos del vacio désespérément vide, il n'y a rien à retenir. Avec ce huitième album studio (on ne compte pas la reprise version latino du précédent album), on en vient à se demander si les deux compères n'auraient pas mieux fait de rester brouillés plutôt que de déconstruire méthodiquement leur héritage et d'ébranler ainsi leur légende...