Maudits

Moins d'un an après la sortie de son dernier album, le groupe de post-metal parisien nous invite une nouvelle fois dans son univers sombre, toujours dominé par une beauté mélancolique et crépusculaire. Cette dernière transparaît à vue d’œil sur le superbe artwork de l'album représentant une ville en ruine envahie par les racines du trèfle à quatre feuilles, signature visuelle figurant par ailleurs sur chacune des pochettes du groupe.

Pour ce quatrième opus studio, le groupe a changé ses habitudes avec une approche musicale plus directe et spontanée, enregistrant les titres dans des conditions inhabituelles à l'instar du titre éponyme capté "in situ" en extérieur et intégrant au passage au trio originel le violoncelliste Raphael Verguin. Ce parti-prix n'altère en rien la qualité des compositions et on retrouve dès le titre d'ouverture "Leftovers" tous les ingrédients qui façonnent l'identité musicale du groupe, alternant finesse mélodique et puissance instrumentale avec un superbe travail de superposition des lignes de guitare au service d'une forte dimension cinématographique.

La nouveauté principale d'In Situ réside cependant dans l'intégration de deux titres chantés. Si la touche urbaine de "Carré d'As" portée un spoken word proche du hip-hop convainc moins (question de goût), le groupe ne tremble pas au moment de s'attaquer à la reprise d'un titre culte de Portishead. Force est de constater que "Roads" se fond parfaitement dans l'univers ténébreux de Maudits, la chanteuse Mayline Gautié (aka Lün) livrant une performance vocale de haute volée et le groupe remodelant le son brumeux de la formation de Bristol par une instrumentation de ballade metal à fleur de peau typée 90's, rappelant l'interprétation de groupes comme The Gathering ou Anathema.

Les Parisiens restent toutefois fidèles à leurs racines purement instrumentales et varient les atmosphères avec brio, de la symphonie nocturne "Précipice Part III" et son post-rock chargé en émotion qui stimule l'imagination à la lourdeur suffocante et monolithique de l'anxiogène "Fall Over" qui déploie ses atours sombres dans un ballet tentaculaire et hypnotisant. Cette diversité d'approches se retrouve dans le conclusif "Lev-ken" qui convie des membres des groupes Saar et Parlor et multiplie les ruptures de ton entre un thème majestueusement élégiaque et des sections plus tumultueuses jusqu'à un final doté d'une forte intensité émotionnelle. Ces contrastes sont une nouvelle fois habilement amenés, permettant à ce quatrième album de rester captivant sur la durée et à Maudits de s'affirmer une nouvelle fois comme l'un des groupes de post-metal français les plus en vue. Prometteur pour la suite, d'autant plus si les livraisons tendent à se rapprocher de la sorte avec le même degré de qualité.