
Aerosmith
Rock in Hard Place
Produit par Jack Douglas, Steven Tyler, Tony Bongiovi
1- Jailbait / 2- Lightning Strikes / 3- Bitch's Brew / 4- Bolivian Ragamuffin / 5- Cry Me a River / 6- Prelude to Joanie / 7- Joanie's Butterfly / 8- Rock in a Hard Place (Cheshire Cat) / 9- Jig Is Up / 10- Push Comes to Shove


Même face à l’adversité, Aerosmith a toujours su garder son sens de l’humour, particulièrement sensible sur les pochettes : après une contrepèterie de très bon goût (Night in the Ruts, 1979), voici le jeu de mots visuel d'une pochette qui reprend le titre de façon littérale dans un Stonehenge à l’équilibre scabreux.
Difficile de ne pas penser à la situation du groupe au regard de cet édifice branlant. En effet, Joe Perry avait quitté le combo en 1979, alors que l’enregistrement de Night in the Ruts n’était pas encore terminé, et il ne reviendra qu’en 1984, après la sortie de Rock in a Hard Place qui demeure le seul où l’on déplore l’absence du guitariste. Pire, il est imité en 1981 par son homologue Brad Whitford, qui part également en court de route, obligeant Jimmy Crespo, le remplaçant de Perry, à démultiplier son investissement à la guitare et à la composition – un second guitariste, Rick Dufay, n’arrivera qu’une fois l’album mis en boîte.
C’est là que se situe la principale faiblesse de Rock in a Hard Place, expliquant le désamour des fans : le groupe est alors une sorte de bateau de Thésée, amputé de plusieurs membres irremplaçables – ou du moins, considérés comme tels.
Car Rock in a Hard Place sonne vraiment comme un album d’Aerosmith. Il est un peu plus Heavy peut-être, mais rarement innovant, avec des titres qui, à défaut d’être remarquables, s’avèrent satisfaisant s’ils sont écoutés d’une oreille détachée. On retrouve les gimmicks du groupe sur "Bolivian Ragamuffin" (la scansion et les riffs cadencés) et sur le morceau-titre "Rock in a Hard Place (Cheshire Cat)". Certes, cela confine à l’auto-parodie ("Jig Is Up"), le résultat n’est pas exempt de mauvais goût ("Push Comes to Shove") et la reprise d’Arthur Hamilton, le slow tamisé "Cry Me a River", se contente seulement de renforcer le titre original de guitares puissantes.
En outre, Rock in a Hard Place est loin d’être un mauvais disque, décoiffant même l’auditeur avec "Jailbait", illustration d’une volonté de monter d’un cran au moment où le Heavy Metal se déploie sur les ondes britanniques et américaines, sans pour autant se couper du style d’Aerosmtih (période Rocks). Années 1980 obligent, les synthétiseurs sont de la partie, notamment sur l’introduction de "Lightning Strikes", bien plus prometteuse que ce qui n’est finalement qu’un titre de hard-rock américain somme toute assez classique. Les claviers sont bien mieux employés sur les refrains de l’efficace "Bitch's Brew", un très bon titre sans lien avec Miles Davis. Parmi les innovations sonores, les voix robotiques de "Prelude to Joanie" introduisent la power-ballad "Joanie's Butterfly", aux fortes touches acoustiques et aux orchestrations qui préfigurent les slows de Get a Grip (1993).
Sans réhabiliter à l’excès cet album, il demeure possible de céder au charme de Rock in a Hard Place, même si pour certains, il faudra faire fi de l’absence des deux six-cordistes qui, rappelons-le, avaient fait le choix, en toute conscience, de quitter le navire.
À écouter : "Jailbait", "Bitch's Brew", "Joanie's Butterfly"