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Critique d'album

PRESIDENT


King Of Terrors


(26/09/2025 - PRESIDENT - Dark Pop - Genre : Pop Rock)
Produit par PRESIDENT

1- In the Name of the Father / 2- Fearless / 3- rage / 4- destroy me / 5- dionysus / 6- Conclave
Note de /5
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Note de 1.5/5 pour cet album
"Des Jonas Brothers à Sleep Token : l'histoire lunaire de Charlie Simpson"
Valentin, le 09/11/2025
( mots)

Les fabuleuses aventures de C. Simpson


Vous ne vous souvenez probablement pas de Busted, trio de pop-rock anglais du début des années 2000 composé de James Bourne, Matt Willis et Charlie Simpson, qui a tristement servi de modèle musical aux bien plus célèbres Jonas Brothers, et donc indirectement à One Direction et 5 Seconds of Summer. Avec la nouvelle vague de boy bands des années 90 et la popularité croissante du pop-punk de Blink 182, The Offspring et Green Day, il était logique que la nouvelle génération du genre incarnée par Sum 41 ou Good Charlotte donne aussi naissance à des produits encore plus légers et purement commerciaux, explicitement orientés vers un public adolescent. Busted rentre complètement dans ce dernier cadre, dessiné grossièrement par des communicants de chez Universal, avec une identité musicale plus lisse que celle des pourtant déjà très gentils canadiens de Simple Plan


Le collectif défend son statut d’anti-boy band en capitalisant sur un humour régressif digne des auteurs de Enema of The State, tout en étant promu aussi agressivement que les Backstreet Boys auprès des plus jeunes. Pendant leur courte existence d’à peine trois ans et deux albums, le groupe défile sans interruption sur les scènes anglaises, très souvent devant des stades pleins à craquer. L’aisance déconcertante des trois garçons – à peine adultes à la sortie du disque auto-nommé – dissimule cependant des contraintes créatives dramatiques, qui provoquent rapidement une séparation explosive. Les membres de Busted laisseront surtout une trace dans l’esprit des cadres de Disney Channel, qui identifient aussitôt le potentiel mercantile de la formule pop-punk juvénile : ainsi seront exploités jusqu’à la moelle les frères Jonas tout au long des années 2000, dans une version évidemment bien plus consensuelle.


Peut-être que vous vous souvenez davantage de Fightstar, quatuor de post-hardcore actif dès 2005, forgé sur les cendres de Busted par sa marionnette la moins docile. Simpson se montre bien plus frustré que ses camarades de ne pas pouvoir jouer ses propres compositions, jugées trop “rock” par la major. Il rencontre par hasard Alex Westaway et Omar Abidi et décide, après une seule répétition, qu’il est enfin temps de s’assumer : l’EP They Liked You Better When You Were Dead sort en février 2005, avec une attitude à des années-lumières de l’ingénuité du projet précédent. Dès l’introduction "Palahniuk’s Laughter", on y découvre un croisement maîtrisé des différentes tendances de l’emo et du post-hardcore de l’époque, évoquant Thrice, Thursday et Silverstein, mais porté par des riffs massifs dont le son rappelle davantage la lourdeur de Pantera ou de Deftones. Simpson renaît dans ce nouvel environnement et son timbre de voix incarne l’essence de collectif, avec cette texture rauque et voilée, presque grunge dans l’âme. Plus loin, "Mono" honore le groupe japonais du même nom en invitant sobrement le post-rock dans leur univers musical, pour un résultat captivant, presque en avance sur son temps.


L’intérêt de Fightstar dépasse celui de la transition stylistique vertigineuse opérée par son frontman : Grand Unification (2006), qui complète l’expérience du premier EP, reste aujourd’hui l’un des meilleurs disques de post-hardcore anglais de cette décennie, porté par des performances édifiantes et un mélange d’influences unique en son genre. Le succès de la formation londonienne reste pourtant très loin de celui de Busted : non seulement il reste cantonné au Royaume-Uni, mais la vingtième place des charts locaux ne sera jamais dépassée. Face à ce plafond de verre relatif et un troisième opus très dispersé, un premier hiatus est décrété. Il laisse place à la carrière solo de Simpson, qui s’improvise artiste folk sur une poignée d’albums assez inoffensifs, tandis que Westaway et Abidi soulèvent un intérêt inattendu à travers leur projet électronique Gunship. On a ensuite bien du mal à suivre : Fightstar se reforme pour Behind The Devil’s Back en 2015, un quatrième effort inégal qui pousse davantage vers le metalcore et la synthwave, puis se re-sépare l’année suivante au profit de … Busted ?


Oui. Après avoir tout fait pour se dissocier de cette industrie, le chanteur replonge de lui-même dans la fosse aux requins en prétextant la nostalgie. S’agit-il d’une première trahison, ou bien d’une simple errance ?


Le masque sans visage


Aux yeux de tous, PRESIDENT se compose d’un unique membre masqué. PRESIDENT ne donne pas des concerts, mais invite à des "rassemblements". PRESIDENT ne dévoile pas des singles, mais des "déclarations publiques". PRESIDENT ne vend pas des t-shirts avec des logos de groupe, mais des "uniformes pour rassemblements". Et ainsi de suite : rien qu’avec ce procédé, PRESIDENT attire l’attention et touche le million d’écoutes mensuelles sur Spotify après le partage d’un unique titre, puis se trouve une place au Download Festival avant même l’existence de leur site internet. Quelques semaines après leur premier concert, la tournée européenne de PRESIDENT affiche déjà complet avec seulement trois morceaux disponibles en streaming, et ils officieront l’année prochaine en première partie d’Architects aux côtés de Landmvrks, soit respectivement la référence stable du metalcore moderne et le meilleur espoir français de cette scène. 


Derrière ce succès grandissant et la sortie d'un premier EP mi-septembre, PRESIDENT cache surtout un coup monté, et certainement une double, voire une triple arnaque. Premier niveau de tromperie : la formation décalque du mieux qu’ils peuvent l’ensemble de la formule Sleep Token, déjà à travers toutes les techniques de marketing décrites précédemment, mais également par la musique elle-même, avec la culture de ces mêmes contrastes stylistiques très appuyés. “Conclave” aurait ainsi pu se faire une place dans la tracklist de Even In Arcadia, avec son pathos post-grunge à la Breaking Benjamin, ses embryons de drum and bass et ses harmonies empruntées à The Weeknd ou Khalid. Pour autant, cette composition, comme le reste de ce premier EP, se révèle bien plus prévisible et succincte que ce qu’on pourrait imaginer. 


Il s’agit-là du second niveau d’escroquerie : l’imitation se montre aussi évidente qu’elle n’est superficielle. De toutes les expérimentations de Sleep TokenPRESIDENT n’en a retenu que la surface, découpée mollement sur des formes tristement entendues avoisinant les trois minutes et trente secondes. On se contente ici d’un crossover mélancolique de metal et de pop, comme on en voit de plus en plus ces dernières années, avec des breakdowns metalcore hurlés, poussés au bout de couplets auto-tunés, presque R&B dans l’interprétation. Malgré la promesse dissonante de son motif initial, "Fearless" n’est finalement qu’un ersatz de Bring Me The Horizon période Amo, enterré par ces cœurs d’enfants corrompus dont on commence à faire l’overdose depuis qu’on a entendu "Happy Song" du même groupe il y a déjà dix ans. 


Certes, ce n’est probablement pas une si mauvaise chose que PRESIDENT fasse preuve de retenue par rapport à l’instabilité maladive de Sleep Token. Mais que reste-t-il à ce Kings Of Terrors si on met de côté les rares atouts de leurs camarades anglais, soit le caractère jusqu’au-boutiste de l’entreprise de fusion, un savoir-faire technique au top de la profession et une science rythmique indéniable ? Il ne peut subsister qu’une pop austère, déshydratée, titubante de fatigue derrière un masque aussi étouffant qu’il n’est prétentieux, une musique aussi anonyme que ne le suggère le projet. C’est le troisième et dernier niveau de cette imposture, celui qui nous atterre définitivement : PRESIDENT n’est pas l'œuvre d’une poignée d’inconnus propulsée au premier plan, mais bien celle du vétéran Charlie Simpson, seul maître à bord de cette catastrophe créative. 


N’importe quelle personne qui chérit un souvenir tendre pour Grand Unification reconnaîtra la tessiture du chanteur dès le premier refrain de "In The Name of The Father", si ce n’est plus tôt. Le secret que cultive le "groupe" n’a donc dès le départ que très peu de substance, d’autant plus que l’espace choisi – celui d’une campagne présidentielle – ne fait sans doute plus rêver grand monde. Pour autant, la présence de Simpson derrière les manettes n’est pas aussi insensée qu’il n’y paraît, puisque l’on devine la filiation avec Fightstar à travers la juxtaposition de guitares lourdes et de tracés mélancoliques : le procédé n’a clairement rien de singulier aujourd’hui, mais ce semblant de lien permet au moins de relativiser un temps les airs opportunistes du projet. Non, ce qui consterne véritablement, c’est la qualité générale de l’EP : King Of Terrors enchaîne les faux-semblants et les maladresses d’une production amateure avec une naïveté déconcertante, à un point où l’on est trop souvent incapable d’y reconnaitre les talents de son géniteur.


Concrètement, le disque souffre d’une grave absence de synergies musicales, avec des guitares au rendu numérique, écrasé, sans relief ("In The Name of The Father"), collées sur une batterie en cryostase ("Dionysus") ou sur des boîtes à rythmes en pilotage automatique ("Conclave"). L’introduction décourage d’emblée, avec ce deuxième couplet honteux, qui empile au hasard arpégiateur, textures faussement profondes et dubstep ronflant sur un rythme définitivement inadapté. Mais on s’en détournerait presque à cause d’une erreur encore plus grossière qui parasite le titre : ces voix, ces affreuses voix aux fréquences bousculées, étirées, déformées directement sur les pistes à grand coup de pelleteuse, qui donnent à l’ensemble un aspect fantaisiste et maladroit. Probablement que l’intention de base était de renforcer le caractère mystérieux de l’identité du chanteur, mais le résultat s’approche bien plus de ce qu’on obtient lorsque l’on joue pour la première fois avec l’auto-tuning sur FL Studio que de ce qu’on attend d’une production professionnelle.


Ainsi, on a du mal à voir comment l’ambition de Charlie Simpson se concrétisera et comment cette campagne résistera à la pression des concurrents. Le musicien aurait composé, produit et enregistré lui-même l’intégralité de King Of Terrors – fait qui semble confirmé par le manque de réalisme de l’ensemble. Toujours sur ce "In The Name of The Father", on passe d’ébauches de refrains respectables et d’harmonies soignées à des catastrophes rythmiques affaiblissantes : on entend ainsi quelques éclairs de talent frapper ces compositions, capturées par un chasseur d’éclairs fâcheusement débutant. L’anglais reste un chanteur plus que correct, même si on peine à le constater sous toutes ces couches cosmétiques audio bon marché (le dernier acte de "Fearless"), et les tentatives électroniques ne méritent pas toutes d’être condamnées ("RAGE", décent malgré sa longueur excessive). Mais ces rares promesses ne suffisent pas à faire oublier le désastre, depuis le fondement du projet jusqu’à sa réalisation, sans parler du discours critique très léger sur la religion qui est censé justifier l’ensemble du procédé – comme si le sujet était si délicat qu’il fallait se cacher derrière un masque pour le développer. Et si la seule crise de foi qui importait ici était celle de l’auteur envers sa propre identité artistique ?


“Le masque tombe, l’homme reste et le héros s’évanouit”


Au-delà de motivations probablement organiques, on pouvait déjà voir dans la reformation de Busted un lâcher-prise, voire un abandon de cette vieille émotion qui avait poussé Charlie Simpson à s’émanciper. Le spectre de la tension entre “succès” et liberté se révèle pourtant indissociable de la musique de Fightstar : à commencer par le nom du collectif, on pouvait tracer de nombreux parallèles entre, d’une part, son esthétique dystopique, ses visuels et textes qui citent abondamment Blade Runner, Neon Genesis Evangelion ou autres sujets transhumanistes, et d’autre part, le fait que Simpson se soit échappé d’Universal, de cette grande et indomptable machine marketing qui dépouille les adolescents de leur jeunesse pour en faire des hommes-sandwichs. 


Avec une stratégie commerciale aussi opportuniste, découpée sur les codes d’une formation on ne peut plus populaire, l’existence de PRESIDENT semble alors confirmer le revirement du musicien. L’amertume d’un ancien fan peut donc se justifier, quel que soit le jugement de la qualité dudit projet : pourquoi continuer de suivre la carrière d’un homme qui semble davantage inquiété par des considérations extra-musicales que par la concrétisation d’une vision artistique personnelle ? Mais sur quoi se base cette amertume, si ce n’est le récit qu’un homme a lui-même construit de ses contradictions, passé sous le filtre de notre affection ? Pour donner un seul exemple, on peut en effet considérer différemment son départ de Busted pour Fightstar, qui s’est opéré dans un temps où les différentes scènes musicales étaient encore assez cloisonnées les unes des autres, et donc où la crédibilité d’un artiste par rapport à celles-ci pouvait déterminer ses perspectives d’évolution : ainsi, quitter l’anti boy-band avant d’y être définitivement associé relève d’une stratégie comme une autre pour s’assurer un futur et une légitimé.


Ni la contradiction n'est marque de fausseté, ni l'incontradiction n'est marque de vérité.
Blaise Pascal


Qui est le vrai Charlie Simpson derrière cette succession de masques, et qui sommes-nous pour hiérarchiser la pertinence de ces déguisements ? Le jugement de l'honnêteté d’un artiste constitue toujours un piège : parfois, un intérêt concret pour un style populaire devient un opportunisme de circonstance, tandis qu’on peut facilement confondre qualité et intégrité sans que les deux soient liés. Charlie Simpson ne doit donc rien à personne sur ce point-là : qu’il rassemble Busted si cela lui chante, qu’il se range derrière Sleep Token si cela l’inspire, peu importe. Mais il faut comprendre que son histoire particulière dans l’industrie musicale fut la raison d’être d’une formation à part, ou en tout cas que certains ont fini par s’approprier ce récit en même temps que les compositions de cette dernière. Il s’agit là de l’ultime contradiction dans laquelle le vieil amateur de Fightstar se perdra éternellement. 


Désormais, il ne peut rester à ces réflexions qu’une issue intime et doucement tragique : malgré notre passif avec la musique de Charlie Simpson, notre enthousiasme demeurera étranger à un éventuel raz-de-marée PRESIDENT, pour lequel on se désolera s’il venait à se réaliser. Cette déception, touchant un artiste qui nous a jadis ému, est évidemment familière pour tout mélomane qui se respecte ; mais le contexte de la déconvenue évoque ici un sentiment un petit peu plus fort, proche de la mélancolie ou du desenchantement. Impossible, malgré tout cela, de renier entièrement ce qui nous apparaissait il y a quinze ans comme de l’héroïsme, lorsque l’on découvrait un tout autre univers au travers d’une certaine voix au timbre tiraillé…


A écouter : Fightstar 

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