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Critique d'album

Ace Frehley


Kiss


(16/09/1978 - - Heavy Metal - Genre : Hard / Métal)
Produit par Eddie Kramer

Note de /5
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Note de 3.0/5 pour cet album
"Le destin a décrété que l’homme qui préférait voyager dans l’espace resterait dans l’espace pour y reposer en paix... "
Daniel, le 19/11/2025
( mots)

Prélude

Il se raconte que briser un miroir porte malheur sept années durant. 

Alors, quand on en fracture plusieurs...

Si tu enlèves l’oxygène de l’air, les oiseaux tombent...

… et les voyageurs spatiaux psychédéliques aussi.

En janvier 2009 une vague d’ovnis venus (probablement) des confins de l’univers a terrorisé la population locale du Comté de Morris, dans le New-Jersey (1). 

Le 16 octobre 2025, dans le même Comté, Paul Daniel (chouette second prénom !) Frehley est tombé dans son studio. Son crâne fracturé a laissé s’échapper une âme qui s’est empressée de rejoindre l’hyper-espace, d’où provenaient toutes les notes de musique qu’il interprétait jusqu’alors sur sa six-cordes.

Il n’y a jamais de coïncidences. Rien que des synchronicités. Paroles du Docteur Futurity.

Après avoir passé soixante-quatorze années-lumière sur la planète Terre, Space Ace, l’homme qui jouait de la guitare électrique comme Jean-Claude Van Damme parle en français, a cessé de vivre sous son enveloppe matérielle. 

Qu’il navigue en paix vers l’infini. Et au-delà.

Ground Control to Major Tom
Your circuit's dead
There's something wrong
Can you hear me, Major Tom ?
Can you hear me, Major Tom ?
Can you hear me, Major Tom ? 

Flash-back 

1977. Kiss est au faîte absolu de sa gloire. Les quatre gamins du Bronx planent au-dessus du monde. Au-delà de leurs désirs les plus dingues. 

Et... ils commencent sérieusement à se détester. 

Tandis que Paul et Gene entendent gérer le groupe comme une entreprise, Ace et Peter s’adonnent assidûment à la défonce, aux groupies et aux festivités avinées. 

Peter ne parvient plus à imprimer des rythmes cohérents sur scène. Ace oublie ses soli et s’écroule souvent en plein concert, trahi par les vents cosmiques.

Sur le tournage de Kiss Meets The Phanton Of The Park, un navet abyssal qui sera commercialisé en 1978, le six-cordiste est tellement souvent "absent" que la production fait appel à une doublure. C’est un acteur afro-américain, pour le moins "dissemblable" de son modèle, qui endosse alors le costume du Spaceman. 

Ace s’en fout. Il est ailleurs. Dans l’espace infini. Il y restera longtemps.

Flairant le désastre, les responsables de Casablanca Records ont alors une idée de génie. Comme il semble désormais quasiment impossible de réunir les quatre masqués pour enregistrer un album collectif, la décision est prise de sortir simultanément (2) quatre opus en solo.

A l’issue d’une réunion de travail où chacun marque son accord sur ce projet, Paul Stanley et Gene Simmons s’exclament : "Oh, Ace ! A tout hasard, si tu as besoin d’aide pour ton album solo, n’hésite pas à nous appeler !" Et Ace Frehley se contente de marmonner : "Je n’ai vraiment pas besoin d’aide pour enregistrer… Et surtout pas de votre foutue aide à vous deux !"

Et il se casse en claquant la porte…

A priori, le Spaceman ne part pourtant pas avec un statut de vainqueur dans ce qui ressemble vraiment à une compétition entre quatre egos devenus surdimensionnés. 

Seul sur Mars (et en studio)

Ace Frehley déteste son étrange voix de canard... 

A l’origine, Kiss avait été conçu comme un projet fraternel et collectif "à la Beatles". Chacun était supposé composer et chanter. Mais il faudra attendre "Shock Me" (sur Love Gun – 1977) pour que le soliste accepte enfin de se planter devant un micro.

Comme le bonhomme est également un compositeur plutôt navrant (3) et un guitariste fort approximatif, ses fans s’attendent logiquement au pire…

Et le pire aurait pu arriver s’il n’y avait pas eu Eddie Kramer (4) pour produire l’album,  et Anton Fig pour tenir les drumsticks.

Anton, tout d’abord : sans être vraiment novateur, le Sud-Africain (comme Kramer) est un session-man exceptionnel. Il a cette rare capacité de se mettre modestement au service des autres. Sur l’album solo de Ace Frehley, le batteur donne au monde une solide leçon de drumming hard. 

Et il ne faut pas chercher longtemps pour s’en persuader : son boulot sur "Rip It Out", la plage d’ouverture, démontre à suffisance qu’il plane au-dessus du lot de ses contemporains. 

Il deviendra par la suite la doublure studio d’un Peter Criss totalement aux fraises pour les albums suivants de Kiss (5). 

Ensuite Eddie. L’homme est un amateur de sons bruts de décoffrage. Au départ des compositions indigentes de Ace, il concocte un univers sonore cohérent, entre hard-rock, hard FM et garage. Adepte de la philosophie qui veut que le mieux soit l’ennemi du bien, il évite de corriger les pains du guitaristes, ses approximations rythmiques et certains dérapages incontrôlés lors des descentes de gammes. 

C’est lui qui suggère à Ace Frehley de jouer de tous les instruments (hormis la batterie). Autant que ce soient les mêmes mains qui se plantent à l’unisson sur toutes les pistes (6). 

Eddie Kramer va enregistrer un album simplissime et maladroit. Mais un album d’une honnêteté confondante qui reste à ce jour le meilleur des neuf efforts en solo du Spaceman. 

Et c’est probablement cette "authenticité" qui écrira l’histoire étrange qui va suivre… Mais n’anticipons pas ! 

Confronté à la banalité répétitive des titres écrits par Ace (7), Eddie a l’idée déterminante de proposer au guitariste la reprise d’un mauvais titre de Russ Ballard, popularisé en 1975 par Hello, un groupe de glam anglais aussitôt disparu dans la grande corbeille de l’histoire.

"New-York Groove" avait été inspiré à Ballard tandis que l’avion qui le conduisait aux States passait à basse altitude au dessus de la Grosse Pomme. Il s’agit d’un titre assez primitif, basé sur un texte indigent (mais mémorable), un riff idiot à la Bo Diddley et un piétinement rythmique tribal. 

Dans un premier temps, Ace Frehley, très sûr de "son" art et probablement un peu vexé par la proposition du producteur, rejette l’idée qu’il juge complètement stupide. Mais il se laisse finalement convaincre. Sans vraiment trop y croire...

Il ne faudra que cinq heures à Eddie pour mettre en boîte la version simplissime de Ace.


Poum-Tchak-Poum.


Mais un miracle se produit : c’est vraiment le gamin du Bronx qui s’approprie le texte. Ce même gamin qui a quitté son quartier cinq années plus tôt dans l’espoir chimérique d’embrasser le rêve du rock’n’roll. 

Et qui sera bientôt de retour en triomphateur à New-York. 

Ça fait des années que je ne suis pas venu ici
Avant, je traînais dans ces rues, 
Parfois à gauche, parfois à droite
Tous ces immeubles qui se dressent vers le ciel
Sont tellement impressionnants au cœur de la nuit
Je suis de retour dans cette ville
Avec une poignée de dollars en poche
Et, bébé, crois-moi
Je retrouve enfin le rythme de New-York 
Cet endroit a été bâti pour moi...

Le titre va devenir un classique US instantané. Parce que l’histoire qui est contée est celle de Ace Frehley. Et aussi celle de tous les membres de la Kiss Army qui ont été moqués et brimés des années durant par tous les fans des gangs rivaux qui considéreraient les quatre masqués comme des losers.

Miroirs brisés

Si l’on excepte "New-York Groove", les huit autres titres que contient l’album peinent à convaincre.  On peut éprouver un peu de compassion pour "Rip It Out", pour le très correct "Speedin’ Back To My Baby" (coécrit avec Madame Frehley) ou encore pour "What’s On Your Mind?"... 

Mais le reste frôle en permanence la sortie de route ou la caricature. 

Il n’y a qu’une seule exception : l’extraordinaire "Fractured Mirrors", un long instrumental conclusif, enregistré (un peu dans l’esprit de Mike Oldfield) en superposant ad libitum des pistes de guitare pour une fois fort inspirées. Le titre, à la fois mystérieux, allégorique, mélodieux et apaisé, vaut une écoute attentive. Il représente une parenthèse unique dans la carrière du Spaceman. Un coup de génie. 

En l’absence de lyrics (ce qui n’est certainement pas un défaut), c’est peut-être le titre qui illustre le mieux les sentiments étranges qu’un gamin de la zone pouvait éprouver après être soudainement devenu une star mondialement connue et un personnage iconique de bande dessinée. 

L’expérience qui avait pour objectif de rapprocher les quatre masqués creusera au contraire un fossé infranchissable entre les musiciens. "New-York Groove" sera le seul hit-single des quatre albums en solo. Une forme de dramaturgie frustrante pour Stanley et Simmons, quand on sait que le titre de Kiss le plus vendu auparavant était "Beth" un effort solo chanté par Peter Criss sur l’album Destroyer... 

Et, comble de la misère humaine, durant la tournée qui suivra en 1979, Stanley et Simmons deviendront, chaque soir, le backing band d’un Ace Frehley hilare qui ravira ses fans en hurlant à tue-tête, avec un sourire vengeur, "I’m back to the New-York groove !"

La malédiction des miroirs

La suite s’apparentera malheureusement à une très longue descente aux Enfers. Comme je le rappelais dans le prélude, on ne fracture pas impunément les miroirs...

Ace claquera la porte de Kiss, sera remplacé par des seconds couteaux, reviendra (par l’entrée de service et en qualité de simple "employé") avant d’être définitivement viré. 

Il connaîtra la honte ultime quand Stanley et Simmons lui chiperont son costume de légende (et son personnage) pour en vêtir Tommy Thayer, leur jeune tour manager (8). 

Depuis le 16 octobre 2025, je me suis demandé ce qu’il serait opportun de graver sur la pierre tombale du Spaceman… 

Tu as été pris entre deux feux, l’enfance et la célébrité
Tu as été confronté trop tôt au grand secret
Tu as chialé à la Lune
Alors, continue de briller, diamant cinglé (9)

Briller ! Comme une planète de plus dans le cosmos !


Ciao, Major Tom !


Et merde à la Mort !


(1) On apprendra quelques mois plus tard qu’il s’agissait d’un génial canular orchestré par deux gugusses bricoleurs qui ont bien mérité que leurs patronymes passent à la postérité. God bless Chris Russo et Joe Rudy !

(2) Commercialement, l’idée est aussi innovante que géniale. Pour renforcer un faux sentiment d’unité dans le groupe, Casablanca décide en outre d’imposer un design commun. L’extraordinaire artwork est l’œuvre d’un artiste fort énigmatique, Eraldo Carugati. Les portraits sont proprement magnifiques. Cela fait maintenant quarante-sept ans que les quatre pochettes sont affichées dans les pièces de vie où j’ai habité successivement. Je n’imagine pas vivre sans…

(3) Ace construit tous ses titres sur trois accords (parfois dissonants) et aborde systématiquement des sujets fort convenus comme les filles faciles, l’alcool à profusion ou les bolides. Thématiques rock basiques ! C’est tellement idiot que ça se comprend sans traduire et que ça donne envie de donner un Goncourt à, par exemple, Jeff Lynne. Un exemple : "Speeding back to my baby / And I don’t mean maybe / She’s my only girl / And to me she’s just the world / So maybe, aha !"

(4) Après avoir produit les albums historiques de Jimi Hendrix, le Sud-Africain a modelé le son de quelques albums mythiques de Kiss, dont le célébrissime Alive (1975) qui a été la première pierre angulaire de la carrière du groupe.

(5) Il faut (ré)écouter "Two Sides Of The Coin" sur Unmasked (1980) pour mesurer la précision fascinante du drummer. Pour la petite histoire, Anton Fig a collaboré avec Mick Jagger, Gary Moore, Joe Cocker, Rosanna Cash, Joe Satriani, Bob Dylan, Chris Spedding… Trop stylé, non ?

(6) Les trois autres masqués choisiront de s’entourer plus commodément d’une kyrielle de pointures (et/ou de parasites people).

(7) Ace Frehley n’avait dans sa besace que quelques pauvres titres que les trois autres avaient refusé d’enregistrer sous le label "Kiss".

(8) Comme il était impossible de savoir si Ace Frehley se présenterait ou non au concert du soir, Tommy Thayer revêtait la tenue et le maquillage du Spaceman et attendait patiemment dans les coulisses. L’ex-guitariste de Black And Blue connaissait tout le répertoire. C’est lui qui avait "réappris" ses soli au Spaceman original chez qui l’abus d’alcool provoquait des "absences" et des "oublis". Tommy Thayer a joué à plusieurs reprises à la place de son modèle sans que le public ne soupçonne la supercherie…

(9) Je ne ferai pas l’injure aux petits rockers de citer ici mes sources !
 

Cette chronique AlbumRock, labellisée « IA Free », a été manufacturée sur un clavier Azerty en plastique fabriqué à vil prix en Chine.

Je remercie sincèrement Fabienne qui partage ma vie et relit patiemment toutes mes chroniques à la recherche d’erreurs orthographiques ou de contresens. 

Je remercie également The Spaceman (dont je suis particulièrement fier de maîtriser tous les soli classiques en « air guitar »), The Demon, The Starchild et The Catman. Ils accompagnent mon existence depuis… très longtemps. Et je suis très honoré de porter leurs quatre portraits tatoués sur ma vieille peau (Ludo – Shinra Ink - est un artiste inspiré). 


 

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