
Neu!
Neu! '75
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En 1972, Klaus Dinger et Michael Rother, autrement dit Neu!, duo iconique de la scène Krautrock, s’étaient séparés après avoir fait paraître deux albums emblématiques de la fougue qui dynamisait alors la scène allemande. Leur départ de Kraftwerk pour emprunter leur propre voie, fût-elle parallèle, se trouvait rétrospectivement plus que justifié. Néanmoins, des désaccords animaient les deux hommes au point de les pousser à un divorce également consenti - mais il s’agissait d’une belle séparation, fondée sur des désaccords esthétiques plutôt que sur des conflits de personne. Rother souhaitait suivre le chemin tracé par la scène électro-rock berlinoise, rejoignant ainsi Cluster et Harmonia, tandis que Dinger préférait retrouver des ambiances plus rock, voire proto-punk, expliquant l’influence de Neu! sur ce courant à venir.
Cette ligne de partage esthétique demeure très marquée quand, deux ans plus tard, les comparses retournent en studio pour enregistrer un troisième album : leur réunion se fait au pris d’un compromis exigeant la répartition de chacune des deux faces entre les deux musiciens qui gardent les mains libres sur la composition. Afin de laisser Klaus Dinger se concentrer sur la guitare, en particulier sur la seconde partie de l’album résolument rock, deux batteurs sont invités dont son frère, Thomas Dinger, avec lequel Klaus avait déjà fondé une première ébauche de La Düsseldorf, une formation qui s’épanouira après la seconde séparation de Neu!.
Par conséquent, il est impossible d’aborder l’album sans le traiter face par face, qui font toutes deux preuve d’une inventivité remarquable. Côté ambient, le piano intimiste d’"Isi" préfigure la new wave, la langueur répétitive de "Seeland" est élégamment fleurie par des interventions de guitare et de synthétiseurs, quand l’océanique et métronomique "Leb' Wohl" est un exemple même de ce nouveau genre, étendu sur de longues minutes.
Ainsi, la rupture est assez nette lorsque le riff d’"Hero" ouvre la seconde face. C’est ce titre qui, par son chant et son riffing, vaut à Neu! la reconnaissance de la scène punk et de bien d’autres artistes dans la postérité. Sa longueur (sept minutes), n’empêche pas cette filiation car la structure est fondée sur la répétition des mêmes plans – comme une variation rock du motorisme propre au combo. Cette seconde face comporte également le long "E-Musik", sorte de motorik’n’roll oppressif qui s’achemine vers un étrange final éthéré, et se conclut par le mentholé "After Eight" sur lequel se rencontrent les Rolling Stones et le Krautrock
Plus facile d’accès que ses deux prédécesseurs, preuve d’une modération générale de la scène Krautrock à partir de 1975 (nous renvoyons à Rubycon de Tangerine Dream, Landed de Can ou à Made in Germany d’Amon Düül II), Neu! ‘75 est également l’album le plus apprécié du duo, qui affirme définitivement sa place dans l’histoire des musiques populaires.
À écouter : "Seeland", "Hero"