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Critique d'album

An Abstract Illusion


The Sleeping City


(17/10/2025 - Willowtip - Death Metal - Genre : Hard / Métal)
Produit par Karl Westerlund

1- Blackmurmur / 2- No Dreams Beyond Empty Horizons / 3- Like A Geyser Ever Erupting / 4- Frost Flower / 5- Emmett / 6- Silverfields / 7- The Sleeping City
Note de /5
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Note de 4.5/5 pour cet album
"Metal sans limites"
Julien, le 26/10/2025
( mots)

Lorsqu’on évoque des albums issus des sphères death ou black du metal, ils sont bien souvent relégués d’emblée dans ce grand et laid panier de ronces qu’on appelle le "metal extrême".
Le metal, avec sa multitude d’affluents stylistiques, invite naturellement à les regrouper, au moins dans un premier temps, sous une même étiquette. Le terme "extrême", lui, m’a toujours dérangé pour sa charge politique et cette idée d’exclusion, de radicalité exacerbée. En musique, il crée une barrière invisible, une distance que le langage impose et qui s’oppose à une vertu trop souvent oubliée : la curiosité.
Soyons clairs, ces registres restent difficiles d’accès (voire rebutants), surtout si l’on se focalise sur deux de leurs marqueurs les plus clivants : le chant growl ou screaming, et la batterie en blast beat. Mais réduire cette musique à ces seuls éléments, c'est passer à côté de ses richesses et subtilités. Une conviction que je vous partage humblement depuis dix-huit mois à travers mes chroniques : tenter de trouver la beauté au-delà du vacarme. Ainsi The Sleeping City, le nouvel album de An Abstract Illusion, me semble être l’exemple parfait pour inviter à dissiper ces préjugés et ouvrir une brèche dans ces barrières d’exclusion.


Cette idée de catégorisation stylistique, les Suédois lui claquent violemment la porte sur les doigts. L’étiquette death metal progressif qu’on leur colle n’est qu’un repère de surface, un mot rassurant pour ranger l’inclassable. Car l’essence même du groupe se trouve dans le brassage des genres, dans la construction de fresques sonores où chaque nuance stylistique devient sa propore couleur.
Après le brillant EP Atonement Is Nigh, An Abstract Illusion dévoilait en 2016 Illuminate the Path, une œuvre progressive, rêveuse et captivante, à laquelle le groupe répondait six ans plus tard avec Woe, aux allures d’océan noir, suffocant et pénétrant. Une révolution constante dans les ambiances abordées sur chacune de leurs œuvres, un principe auquel ce nouvel album ne déroge pas, mais qu’il réinvente. The Sleeping City s'impose alors comme une expérience à part, sans jamais trahir un ADN affirmé.


Alors non, désolé, mais entrer dans La Cité Endormie ne rime pas avec une escapade édulcorée, ni avec un éloignement du growl et des blast beats. Le départ du morceau "Emmett" affirme cette position intransigeante avec un matraquage incessant et suffocant, en droite ligne du death metal tel qu’on pouvait l’entendre au début des années 90. Une filiation que le groupe revendique pleinement, à travers la sublime pochette du disque, véritable clin d’œil nostalgique aux œuvres pionnières de l’époque, comme Far Away from the Sun de Sacramentum.
Cette souveraineté dans la violence du registre atteint son paroxysme dans le premier tiers de "Like a Geyser Ever Erupting". An Abstract Illusion y déploie ses intentions les plus belliqueuses. L’ouverture creuse jusqu’à la substance même de la brutalité, d’où jaillissent des élans de death technique déchirants, portés par une maîtrise instrumentale vertigineuse. Mais les compositions des Suédois ne sauraient se satisfaire d’une ligne droite stylistique. Ainsi, sans qu’on s’en aperçoive, ce déferlement de violence se meut soudain en un passage onirique, scintillant d’étoiles électroniques, avant de s’évanouir dans les notes mélancoliques d’un piano.


Tout l’agrément et la singularité de An Abstract Illusion résident dans le dessein tissé au cœur de ses longs morceaux. Des titres qui s’étirent pour laisser apparaître la nature anticonformiste d’une musique pensée comme une fresque sonore, où chaque nuance stylistique devient couleur. L’œuvre éponyme, "The Sleeping City", sans doute la meilleure du disque, concentre cette révolution perpétuelle. Elle dévoile l’insolente maîtrise de ses auteurs : des arpèges délicats qui explosent sous la brutalité du chant, un solo d’une majesté épique, une conclusion lorgnant vers des aspirations de musique classique.
Chaque titre devient un véritable labyrinthe d’émotions, porté par une inventivité rare et bluffant par l’alchimie de ses transitions. Le groupe orchestre un ballet incessant d’opposés où tout s’effondre et renaît. Tout devient possible, comme ce désarçonnant et somptueux "Frost Flower", porté par une envolée progressive, accompagnée de la voix cristalline, presque pop, de Lukas Backeström. Puis tout s’éteint, avant que l’orage metal ne revienne, affichant un arc-en-ciel grandiose de pure expression musicale.


Cet être hétérogène qu’est The Sleeping City bat au cœur d’une direction insufflée par l’utilisation prépondérante mais toujours immersive des claviers. Ceux-ci ne laissent aucun doute quant à l’atmosphère 80’s de l’album, qui s’installe dès l’ouverture avec "Blackmurmur". Sur "Emmett", ils prennent des allures symphoniques, dans un concerto presque psychédélique à la fluidité imparable.
Au-delà de ces instants, l’album déploie une précision implacable. Cordes, synthés et textures électroniques se croisent et s’imbriquent harmonieusement, comme les pièces d’un vaste puzzle sonore. Chaque élément trouve sa place dans l’architecture globale, renforçant la densité et l’immersion, et traduisant l'éclat de la production. 


The Sleeping City illustre avec brio ce que An Abstract Illusion sait faire de mieux : repousser les limites d’un registre trop souvent réduit à ses excès pour mieux révéler la richesse insoupçonnée de ce metal qualifié d'extrême. La maîtrise technique et la précision du quatuor se déploient dans un univers éclectique, puisant dans une palette d’inspirations allant du death metal originel aux atmosphères progressives parsemées de touches électroniques ou symphoniques. Une richesse qui ne cherche pas à impressionner par sa virtuosité : elle est pensée pour l’oreille attentive, pour le mélomane curieux capable qui appréciera la recherche des textures et la cohérence des compositions. Des morceaux qui invitent à dépasser les étiquettes et les préjugés, offrant une expérience immersive où brutalité et poésie, technicité et émotion, se répondent en parfaite harmonie.
Avec ce disque, An Abstract Illusion illustre que le metal pensé avec une créativité sans limite peut se transformer en une expérience profondément musicale, capable de dépasser les barrières inconscientes.


 


A écouter : "The Sleeping City" et les six autres titres

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