Glass Hammer
Skallagrim Into the Breach
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Nous avions laissé Skallagrim dans la Cité des rêves et il nous tardait de connaître la suite de ses aventures. Composé en parallèle d’un roman en cours d’écriture, ce vingt-et-unième album de Glass Hammer poursuit le récit d’heroic-fantasy initié avec l’opus précédent, tout en s’attachant à maintenir un rythme de parution assez déconcertant (un album par an !), surtout au regard de la qualité de l’ouvrage. Jusqu’à la pochette très similaire à celle de Dreaming City (2020), ce nouvel album s’inscrit dans la lignée de son prédécesseur, notamment en matière stylistique, même s’il faut noter l’arrivée d’une nouvelle chanteuse comme membre à part entière du combo, Hannah Prior. Sa prestation remarquable en fait un des atouts indéniables de ce nouvel opus.
L’affirmation du tournant esthétique opéré sur Dreaming City se confirme et Glass Hammer déploie un ramage clairement metallique. Suite à l’introduction au piano, l’excellent "Anthem to Andorath" dévoile la mesure de cette mutation avec des riffs puissants et saturés, cette nouvelle coloration est d’autant plus marquée que le chant féminin dans le style d’Hannah Prior semble caractéristique d’une partie de cette scène. Que dire alors de l’introduction de "Sellsword", martelée et répétitive (il ne manque que du growl, mais ce sont des claviers typés 1970’s qui apparaissent), de la lourdeur doomesque de "The Dark" … Le groupe maintient sa progressivité en alternant les moments Heavy avec d’autres plus apaisés ou atmosphériques et des claviers très retro (on pense typiquement à "Into the Breach" ou plus encore "The Forlorn Hope").
Il est donc loin le temps où l’on pouvait qualifier le groupe de clone moderne de Yes (comme Starcastle le fut en son temps) même si quelques réminiscences sont à noter : en introduction, "Steel" renoue avec les sonorités yessiennes pour se modeler au son propre au groupe – du Glass Hammer dans le texte. On remarquera d’autres inspirations issues des années 1970, avec un hard-rock proche de Deep Purple sur "The Ogre of Archon" et bien sûr, Rush (cette fois-ci de façon exacerbée) sur "Hyperborea" ultra-référencé. Ce sont deux très belles pièces qui témoignent à la fois des substrats musicaux de Glass Hammer et de leur capacité à les mettre en valeur avec leur patte personnelle.
L’album reprend également le filon synthwave qu’on avait entendu sur Dreaming City, une musique désormais propre au style heroic-fantasy depuis l’essor de la dungeon-synth. Il s’agit ici d’ "A Spell Upon His Mind", puis son successeur minimaliste et jazzy "Moon Pool". Ces plages, qui permettent de calmer le récit et de favoriser l’immersion, sont à mettre en parallèle avec les illustrations réussies à l’intérieur du livret, des dessins sans couleur retraçant les péripéties de Skallagrim avec un trait très fantasy-1980’s.
Encore une fois, on déplorera (mais c’est un jugement tout personnel quoique partagé) la longueur du propos (largement plus d’une heure) d’autant plus que la fin de l’album aligne les titres plus copieux (au-delà des sept minutes). Néanmoins, il n’y a pas de réelle faiblesse parmi l’ensemble des dix titres proposés (on exclut volontairement les deux pistes très courtes en introduction et conclusion), si bien qu’on aurait de mal à voir exactement où trancher.
Skallagrim Into the Breach est donc une nouvelle réussite à mettre sur le compte des compositeurs hyperactifs de Glass Hammer, pilier du renouveau progressif US depuis les années 1990 et dans une période très faste quantitativement et qualitativement. Si on leur demandait d’où ils tirent cette inspiration, on connait d’avance leur réponse tant leur religiosité est exacerbée, mais on se contentera de les inciter à maintenir le cap pour nous conter la suite des aventures de leur vaillant guerrier.
A écouter : "Anthem to Andorath", "The Ogre of Archon", "Hyberborea"