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The Coral
Roots & Echoes
Produit par
1- Who's Gonna Find Me / 2- Remember Me / 3- Put the Sun Back / 4- Jacqueline / 5- Fireflies / 6- In the Rain / 7- Not So Lonely / 8- Cobwebs / 9- Rebecca You / 10- She's Got a Reason / 11- Music at Night
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Même s’ils demeurent largement boudés du grand public, y compris chez eux en Albion, les liverpuldiens de The Coral peuvent se targuer de posséder une discographie exemplaire, dont vous pourrez retrouver les différents jalons chroniqués sur notre site jusqu’au dernier né, Sea of Mirrors, paru en 2023.
Distillant une pop intello classieuse et léchée flirtant selon les albums avec l’héritage folkeux et psychédélique, la bande de James Skelly est autant influencée qu’elle a influencé à son tour le petit monde du rock anglais renaissant au début des années 2000 sur les décombres de la britpop. Après la sortie de leurs trois premiers albums, le groupe est pourtant sur la corde raide. Le succès très confidentiel de la formation et les crises d’angoisses répétées du guitariste à fleur de peau Bill Ryder-Jones entraine le groupe vers la mauvaise pente. Ce dernier peut néanmoins compter sur le soutien indéfectible des frères Gallagher, et en particulier sur celui de Noel, qui leur prête même son studio d’enregistrement. La petite troupe encore convalescente réapprend le plaisir de jouer ensemble et enregistre l’album en prise directe, dans des conditions proches d’une jam session. S’éloignant quelque peu du côté expérimental des débuts, Roots & Echoes marque ainsi déjà en 2007 un tournant, s’adressant à un public très large embrassant une approche plus pop avec un goût certain pour les mélodies accrocheuses. Sans se départir d’un sens de l’écriture magistral et d’arrangements toujours aussi soignés, The Coral livre certainement avec ce quatrième album son œuvre la plus accessible, celle que nous vous recommandons pour découvrir le groupe.
Difficile en effet de ne pas être saisi par les riffs sémillants et les petits gimmick inventifs de Bill Ryder-Jones ainsi que par la présence vibrante de James Skelly qui habillent la fibre résolument romantique de cet album évoquant de long en large le spleen des relations amoureuses. A ce jeu, l’incisif "Who’s Gonna Find Me" séduit d’entrée par ses lignes de guitare serpentines et ses dérapages dégoulinants de fuzz, introduisant parfaitement l’esprit "power pop" de l’album que l’on retrouve également sur le riff accrocheur de la cavalcade revigorante "In The Rain".
Le groupe maîtrise également l’art des ballades à tomber, où sévit un Skelly en crooner élégant bien épaulé par un motif acoustique country à la légèreté sautillante sur "Jacqueline", une cascade d’arpèges et une flûte altière sur "Not So Lonely" ou encore des mouvements de cordes élégiaques qui abordent une énième facette de l’amour contrarié sur "Rebecca You". Des morceaux qui n’ont l’air de rien comme ça mais qui sont finement ciselés pour servir la mélodie dans le plus bel écrin possible, toujours avec une forme de légèreté dans la mélancolie. Un titre comme "Cobwebs", d’une simplicité chaleureuse et désarmante, s’avère ainsi diaboliquement efficace pour rentrer dans la tête de l’auditeur imprudent pendant que Bill Ryder-Jones nous transporte avec de voluptueuses arabesques de guitares aux sonorités estampillées sixties sur "Put the Sun Back". Et quand ce n’est pas la guitare, c’est la ligne de basse bondissante de "Remember Me" et son groove imparable qui prennent le relais pour traduire en musique cette impression de cœur qui s’emballe lorsque Skelly clame son amour pour l’inconnue qui attend le bus en face de lui.
Cette alternance de registres se fait avec une facilité révélatrice de la cohésion d’un groupe au sommet de son osmose instrumentale. Les changements de rythmes se font ainsi avec une fluidité déconcertante sur "She’s Got A Reason" lorsque le clavier lance l’assaut vers une seconde partie de morceau plus charpentée, rejoint par une six-cordes ardente. Le sommet est atteint sur le sublime "Fireflies" et son air de tango fébrile mené par un Skelly impérial jusqu’à l’envolée irradiante du refrain ce pont instrumental somptueux de grâce aérienne. La dernière chanson de l’album, "Music at Night" tenu tout du long par une section rythmique au cordeau, marie atmosphère psychédélique et échappée orchestrale de cordes et de vents façon pop soyeuse pour clore le disque avec une sorte de beauté crépusculaire.
Comme les autres disques de ce groupe définitivement sous-coté, Roots & Echoes fait preuve d’une écriture à la finesse exemplaire. Moins opaque que les autres œuvres du groupe, il constitue la porte d’entrée idéale pour qui aimerait découvrir l’un des groupes anglais les plus talentueux des années 2000. On ouvre les paris sur le fait que vous ne regretterez pas de vous être laissé tenter…