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Charlotte Gainsbourg
5'55
Produit par
1- 5:55 / 2- AF607105 / 3- The Operation / 4- Tel Que Tu Es / 5- The Songs That We Sing / 6- Beauty Mark / 7- Little Monsters / 8- Jamais / 9- Night-Time Intermission / 10- Everything I Cannot See / 11- Morning Song

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Charlotte Gainsbourg fait partie de ces gens qu'il est de bon ton d'apprécier. Parce que dotée d'un charme indéniable, parce que fille d'un génie, parce qu'elle n’accepte pas le premier rôle venu au cinéma et qu'émane d’elle un talent certain dans ce domaine.
On serait tenté d'ajouter parce qu'elle sait s’entourer, et pourtant cette évidence martelée ne semble pas aller de soi. Une constellation à ses pieds pour ce second essai musical, la fille de… s'est donc prise au jeu en tant qu'interprète pure d'un album qui n'est apparemment pas le sien. Air (musique), Jarvis Cocker (textes), ou encore Nigel Godrich (production) n'y peuvent rien, ou plutôt en sont responsables.
Le disque en lui-même n'est pas à proprement parler mauvais, il est en revanche mystérieusement plat, d'une étrange fadeur. Etrange car ce n'est pas l'impression que dégagerait la voix seule de Charlotte Gainsbourg. On se retrouve pourtant face à un disque sans personnalité propre, survolé par une voix que ne semble pas à sa place. Tout le problème vient de là. Qu'un artiste se consacre à l'interprétation, rien de particulièrement dissonant là-dedans. A l'exception notable de Chuck Berry, la très grande majorité des héros des années 1950 s'en contentaient et le faisaient avec brio. Seulement lorsqu'un Elvis faisait vibrer ses cordes vocales, on se moquait de l’auteur de la chanson, du compositeur de l’ombre, tant le King s'appropriait le morceau.
C'est ici tout le contraire. La voix, si elle jolie et se permet des envolées qui font étrangement penser à la génitrice de la demoiselle, n'en demeure pas moins dénuée de ce petit trait de caractère, de cette personnalité qui font que le titre est intégralement devenu sien. C'est certainement fort regrettable, tant à l’écoute de certaines pistes le disque aurait pu être prometteur.
Prenons "AF607105", chronique d'un vol en hautes sphères, pour l'exemple. La chanson est jolie, mais l’on aurait aimé que la chanteuse fasse éclater cet avion en plein vol, au propre comme au figuré. Tout semble joliment policé, trop joliment policé ; on aimerait sentir quelque relief qui réveillerait notre oreille - qui se lasse d’être ainsi inlassablement caressée.
"The Songs That We Sing", en revanche, fonctionne plutôt bien, non parce que la voix s'est décidée à sortir de son terrain de jeu privilégié, mais parce que portée par des vagues musicales et une production tout à fait plaisantes. La fusion musique – texte – chant n'opère toujours pas à la perfection, mais un progrès notable est fait.
Le seul hic vient de l'évidence de ce titre comme single de l’album, tant on s'aperçoit qu'il est le seul à se démarquer. Ces 5’55 en compagnie de Charlotte Gainsbourg ne sont pas désagréables, mais n’en font certainement pas ce que l’on appellerait un "bon" disque. Un disque plaisant à la limite, et encore cette affirmation devient-elle fragile - voire caduque - à partir des seconde et troisième écoutes…