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Biffy Clyro
Ellipsis
Produit par Rich Costey, Biffy Clyro
1- Wolves of Winter / 2- Friends and Enemies / 3- Animal Style / 4- Re-Arrange / 5- Herex / 6- Medicine / 7- Flammable / 8- On a Bang / 9- Small Wishes / 10- Howl / 11- People
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Même s’il reste très peu médiatisé dans l’hexagone, Biffy Clyro est actuellement l’un des groupes de pop-rock les plus populaires du Royaume-Uni. Personne n’aurait pu prévoir cette reconnaissance de la part du grand public il y a quelques années, tant leurs trois premiers opus développaient un post-hardcore indiscipliné à l’accessibilité discutable. En particulier, The Vertigo of Bliss et Infinity Land ne craignaient ni le vacarme vocal de Fugazi, ni les structures à tiroirs du rock progressif de Rush. Pourtant, le trio écossais remplit aujourd’hui les stades en plus de truster les meilleures places des charts nationaux. On doit bien sûr ces bouleversements aux trois disques suivants, qui abandonnent cette science attentive du contraste au profit d’une power pop très orientée vers les stades. Le groupe n’a ainsi jamais caché ses ambitions en termes de popularité, et compte alors franchir une nouvelle étape avec la prochaine trilogie d’album, dont Ellipsis en serait la première pierre. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec des fondations aussi fragiles, l’édifice semble déjà bien en peine.
La bande de Simon Neil a voulu se montrer plus moderne sur ce septième album : en effet, le chanteur et guitariste a clairement signifié son envie de diversifier les influences du groupe, car, selon lui, le rock au sens strict du terme se serait enfermé dans une sorte d’impasse créative, alors que la pop ou le hip-hop ne cesseraient plus de se surpasser. Au-delà du fait que cette assertion nous semble quelque peu réductrice vis à vis des innombrables scènes que recouvre aujourd’hui le rock, on commence véritablement à être dubitatif lorsque le bougre nous cite A$AP Rocky, Kanye West et Beyoncé en tant que modèles et inspirations dans la plupart de ses interviews. Non pas que nous remettons en question l’intérêt créatif de ces artistes - nous laisserons volontiers cette question à des personnes plus qualifiées - mais il paraît en effet difficile de faire le lien entre leurs univers et celui de Biffy Clyro. Néanmoins, un seul tour de piste suffira pour se rendre compte que le groupe ne tient ses engagements qu’à moitié, puisque la plupart des morceaux s'inscrivent totalement dans la continuité des disques précédents.
Les "expérimentations" promises sont bien présentes - un peu de funk sur "Flammable", un peu d’indie sur "Small Wishes", quelques touches électroniques à l’aventure - mais rien de tout ça n’est ici indispensable. D’une part, ces quelques nouveautés n'en sont pas vraiment, puisque leur dernier album, Opposites, soutenait déjà une certaine variété stylistique dans sa deuxième partie. D’autre part, celles-ci se mélangent difficilement au stadium rock qui empreint la majeure partie de l’album. En effet, lorsque le groupe décide enfin d’assumer pleinement son affection pour la pop contemporaine, cela donne "Re-arrange", une ballade mièvre et insupportable qui heurte irréversiblement la cohérence de l'ensemble, et dont la présence sur le produit final relève tout simplement de l’accident industriel. Avec sa boite à rythme façon trap rap et ses nappes de piano de seconde zone, l’accompagnement musical sonne étrangement comme une mauvaise instru de RnB. Pour couronner le tout, Neil enchaîne ici les complaintes les plus ridicules (“Listen to me when I say, darling you're my everything, I didn't mean to hesitate, please stay with me”) et réussit ainsi l’exploit de sonner plus niais que sur "Many of Horror (when we collide)", un titre pourtant suffisamment creux pour faire gagner un candidat de X-factor.
Au final, la seule vraie évolution de Biffy Clyro se situe du côté de la production. Le groupe a en effet attaché davantage d’importance aux possibilités d’un studio d’enregistrement moderne afin de créer une réelle frontière entre le son d’Ellipsis et celui de la trilogie Puzzle - Only Revolutions - Opposites. Il en résulte une production plus calibrée, plus précise, et aussi plus variée qu’à l’accoutumée (des filtres vocaux ainsi que des sons de guitare inhabituels pour le trio écossais font leur apparition), ce qui nous offre alors quelques bons moments, comme par exemple sur "Animal Style", avec sa basse méconnaissable et ses effets de distorsion assez fins. Mais comme souvent dans ce type de situation, le résultat global nous apparaît surtout très lisse et impersonnel, la faute à des instruments au rendu beaucoup trop synthétique pour être impactant. La quasi-totalité de "Friends and Enemies" est ainsi gâchée par cette guitare compressée à l’extrême, alors qu’un traitement plus organique aurait peut-être pu sauver le morceau de sa banalité.
On pourrait pourtant facilement excuser ces lacunes purement techniques si le soin habituellement porté aux compositions était toujours de mise, mais l’album n’est pas non plus irréprochable à ce niveau, malgré quelques fulgurances. Sur la trilogie précédente, Biffy Clyro a su imprégner ses hymnes pop-rock d’une certaine originalité, qui se caractérisait la plupart du temps par une aisance rythmique évidente ou par une maîtrise du riff assez singulière. Cette finesse se retrouve sur le morceau d’ouverture "Wolves of Winter", qui fait correctement le lien entre les derniers opus et les transformations annoncées en balançant une folle quantité de riffs à un rythme frénétique, le tout sur une production bien plus soignée qu’avant, notamment dans le traitement des parties vocales. On aurait pu s’extasier devant le caractère bagarreur et aventurier de ce single atypique, mais l’excitation s’éteindra rapidement puisque l’on doit aussi supporter la mollesse du stadium rock insipide de "Friends and Ennemies" ou "Herex", des morceaux complètement dénués de groove et d’idées qui feraient passer le groupe pour un erzatz de Twin Atlantic alors que dans les faits, il s’agit plutôt de l’inverse. Sans trajectoire ou volonté artistique définie, la deuxième moitié de l’album est catastrophique : "Medicine" et "People" ne sont que des ballades froides et inexpressives, et ce ne sont pas ces quelques tentatives d’accompagnement électronique qui changeront la donne. Quant à "Howl" et "Swall Wishes", elles irritent de par leur écriture paresseuse, malgré sans doute quelques trouvailles mélodiques. Le coup de grâce sera infligé par la section rythmique, qui semble sous-exploitée sur presque tous les morceaux du disque alors qu’elle a toujours formé l’un des meilleurs atouts du groupe par le passé. On retiendra ici seulement les couplets sautillants de "Flammable", ainsi que "On a Bang", d’une puissance et d’une férocité surprenante au vu de l’allure globale du disque.
Entre les lacunes en composition, le manque de personnalité évident et les mauvais choix de production, Ellipsis constitue indiscutablement le véritable premier faux pas du trio en sept albums. On a du mal à reconnaître un groupe qui a su enchaîner les succès avec autant de décontraction. Simon Neil s’est sans doute un peu perdu à force de vouloir toucher le plus de monde possible, et on regrettera que cet excès de confiance empiète autant sur la singularité du trio. A quoi bon vouloir forcer le succès en simplifiant sa musique à outrance si l’inspiration ne suit pas ? Il ne reste plus qu’à espérer pour Biffy Clyro que le titre du disque ait une réelle dimension prophétique, autrement dit, que ce dernier sera par la suite survolé voire oublié au milieu du reste de leur discographie.
Morceaux conseillés : "Wolves of Winter" ; "Animal Style" ; "On a Bang"
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