Alice Cooper
Raise Your Fist and Yell
Produit par Michael Wagener
1- Freedom / 2- Lock Me Up / 3- Give The Radio Back / 4- Step On You / 5- Not That Kind Of Love / 6- Prince of Darkness / 7- Time To Kill / 8- Chop, Chop, Chop / 9- Gail / 10- Roses on White Lace
Parmi les grands noms du cinéma de genre (voire du cinéma tout court), John Carpenter a une place à part, tant son œuvre, bien que certains effets spéciaux aient vieilli, semble trouver l'essence de ce qui pourrait être un univers façonné par l’angoisse (notamment à travers son inspiration lovecraftienne). Sa filmographie culmine dans les années 1980 avec la "Trilogie de l’Apocalypse" dont le deuxième volet, sortit en 1987, s'intitule Prince des Ténèbres (L’Antre de la folie, son successeur, sera son acmé). Quoi de mieux, pour susciter l’épouvante avec un peu de décalage, qu’un vampire d’Hollywood, entendre Alice Cooper, alors en plein retour en grâce ? Il apparaît brièvement comme un leader d'une horde possédée et avait compose un titre pour l’occasion (qu’on entend à peine dans le film), "Prince of Darkness". Ouvrant la deuxième face de Raise Your Fist and Yell (1987), le morceau, volontiers cinématographique, s’inscrit dans la nouvelle esthétique cooperienne, quoique plus incisive et proche du Metal (la dureté des riffs, le solo et le pont qui le précède), ainsi que plus dense (le passage arpégé), évoquant à la marge "Mr Crowley" d’Osbourne. Il démontre surtout un regain d’inspiration chez Furnier qui n’est pas pour déplaire.
Dans cette fin des années 1980, le cinéma d’horreur devient un leitmotiv de l’œuvre d’Alice Cooper. "Step On You" possède quelque chose d’assez angoissant, surtout dans son passage dissonant, quand, en ouverture de "Lock Me Up", Freddy Krueger pose sa griffe. En outre, les orgues de "Gail" nous ramènent dans l’univers cauchemardesque du théâtre d’Alice Cooper, depuis longtemps laissé de côté. La plupart des titres sont marqués par cette thématique globale et tournent autour des différentes faces de la série B ("Time to Kill").
Si, comme son prédécesseur, l’album maintient un cap très hard-rock avec un petit côté US grand-public typique de l’époque, il le fait avec davantage d’inspiration dans les mélodies qui restent terriblement addictives en tombant plus rarement dans les maladresses FM. "Time to Kill" en est l’exemple parfait tant il joue sur des thèmes accessibles tout en se rendant difficilement résistible et échappant au kitsch propre au genre. Le provocateur "Freedom", taillé pour faire hurler les stades, a tout du tube en puissance pour l’époque qui le voit naître : riff simple mais entraînant, mélodies aguicheuses, refrain fédérateur … Pour autant, il demeure puissamment évocateur et souffre bien l’écoulement du temps : c’est pour cela qu’on est bien plus dans un dépassement que dans la continuité de Constrictor. Il va sans dire que ce titre est d'autant plus jouissif qu'il s'agit d'un pied-de-nez aux associations de censeurs puritains (en l'occurrence la PMRC) partis en croisade contre le rock et le Metal : "You want to rule us with an iron hand / You change the lyrics and become big brother /This ain't Russia, you ain't my dad or mother". Ironie du sort, le morceau ne fut pas censuré et le manifeste, plein d'humour et de mauvais esprit, put se diffuser.
L’autre point réellement positif, c’est Kane Roberts qui se lâche complétement : ses interventions à la guitare sont absolument époustouflantes, et pas seulement sur les soli qui sont d’une virtuosité fort louable, en témoignent le chorus du rythmé et véloce "Not That Kind of Love" ou celui du sommet métallique de l’opus qu’est "Roses on White Lace", voire même de l’introduction de "Chop Chop Chop". Bref, Raise Your Fist and Yell est bien plus abouti et bien moins pataud que Constrictor, bien plus inspiré et bien plus metallique, même sur des titres plus convenus qui demeurent souvent bien pensés ("Lock Me Up", "Give The Radio Back").
Si Constrictor était la résurrection formelle d’Alice Cooper, Raise Your Fist and Yell est sa renaissance artistique, tant il surpasse son prédécesseur et comporte des titres de belle facture sans être pollué par des compositions gênantes. Bref, le nouvel âge d’or d’Alice Cooper est en marche.
A écouter : "Freedom", "Roses on White Lace"