13th Floor Elevators
The Psychedelic Sounds of the 13th Floor Elevators
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1- You're Gonna Miss Me / 2- Roller Coaster / 3- Splash 1 (Now I'm Home) / 4- Reverberation / 5- Don't Fall Down / 6- Fire Engine / 7- Thru the Rhythm / 8- You Don't Know / 9- Kingdom of Heaven / 10- Monkey Island / 11- Tried to Hide
Le chroniqueur rock entretient un rapport ambigu avec l’histoire de son genre musical de prédilection. S’il veut pouvoir écrire des critiques pertinentes et informées, il doit maîtriser l’Histoire du rock (avec un grand H) avec une érudition suffisamment développée, connaître ses grandes scansions, ses grands sous-genres, les grandes formations, pour avoir une vue d’ensemble sans laquelle il ne percevrait pas tous les enjeux d’un album et surtout, sans laquelle il serait amené à crier trop vite au génie, à la nouveauté révolutionnaire. Parallèlement, le chroniqueur s’est construit en tant qu'auditeur grâce à sa propre histoire avec le rock, un parcours mélomane et personnel fait de rencontres musicales réalisées depuis l’enfance ou l’adolescence, de revirements, de sectarismes, de choix contradictoires, puis d’une relation apaisée avec ses mauvais goûts et ses obsessions. Ces deux récits entrent parfois en contradiction mais de leur chevauchement émerge un tiers récit, une Histoire cette fois-ci subjective, qui essaye d’articuler les propres tropismes du chroniqueur avec la grande marche de ce style musical. Si les Rock studies et les Metal studies commencent à gagner en légitimité sur le terrain académique, le chemin à parcourir est encore suffisamment long pour que l’amateur sans gallons scientifiques puisse proposer ses propres théories et ses propres épopées - où Wishbone Ash devient l’un des principaux protagonistes de l’histoire du rock et où Bowie, Kiss ou Queen sont relégués au rayon disque des supermarchés.
Mon histoire subjective du rock ne commence pas au milieu des années 1950 au Tennessee. Elle ne commence pas non plus à Liverpool au début des années 1960. Mon histoire subjective du rock commence en 1966 au Texas, avec la formation et la sortie du premier album du 13th Floor Elevators. Il va de soi que je n’ignore pas tout ce que s’était joué auparavant et que j’apprécie des morceaux plus anciens. Néanmoins, The Psychedelic Sounds of the 13th Floor Elevators est le premier album à trouver grâce à mes yeux en tant qu’album, et il me semble poser des bases esthétiques qui serviront à soutenir les nombreuses évolutions qui me plaisent dans le rock puis le Metal.
Devenu un groupe culte, The 13th Floor Elevators a le mérite d’extraire l’histoire du rock psychédélique de la seule Californie : ces Texans fous furieux participent largement à diffuser le terme "psychédélique" pour qualifier cette musique et à imposer une esthétique à la fois visuelle et sonore pour l’ensemble de la scène. L’inventivité instrumentale du combo est également à souligner, qu’il s’agisse des effets utilisés, de leur version très saturée du garage rock et de la fameuse cruche électrique qui donne au groupe une saveur particulière.
L’un des exemples les plus représentatifs et mémorables est l’hypnotique "Roller Coaster" : le riff est immédiatement marquant (dont on perçoit des réminiscences dans une fameuse reprise de "Sweet Dreams"), la jarre électrique est très présente et le chant est possédé. Dans le même esprit, l’excellent "Reverberation (Doubt)" a tout du tube psychédélique - le genre de morceau que les Rolling Stones essaieront d’imiter sans jamais y parvenir. En somme, The 13th Floor Elevators s’essaye à une version saturée du surf rock (particulièrement sensible sur "Fire Engine") et parvient à trouver des tics de composition caractéristiques qui lui donnent sa propre identité (voir aussi "Tried to Hide").
De façon plus conventionnelle, le groupe propose aussi de beaux titres inscrits dans l’ère du décollage du rock psychédélique et de la révolution musicale des 60’s : "You’re Gonna Miss Me" (un "Gloria" fougueux avec un pont surf-rock à la basse), les très classiques "Thru the Rhythm" et "Monkey Island", "You Don’t Know (How Young You Are)" dont la naïveté évoque Jefferson Airplane. Le combo n’échappe pas à certains travers de l'époque sur "Splash 1 (Now I’m Home)", une ballade assez typique des sixties (dans l’esprit des Byrds), sur le langoureux "Kingdom of Heaven" qui plane un peu trop et sur le répétitif "Don’t Fall Down". Mais pouvait-il en être autrement ?
Aussi imparfait que novateur, candide que subversif, entreprenant que calibré, The Psychedelic Sounds of the 13th Floor Elevators ne peut-il pas être considéré comme un choix pertinent de point de départ du rock enfin émancipé ? Il revient à chaque mélomane de répondre à cette question et d'écrire sa propre histoire subjective du rock.
À écouter : "You’re Gonna Miss Me", "Roller Coaster", "Reveberation (Doubt)"