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Critique d'album

Pink Floyd


The Piper at the Gates of Dawn


(04/08/1967 - EMI - Prog éthéré - Genre : Rock)
Produit par Norman Smith

1- Astronomy Domine / 2- Lucifer Sam / 3- Matilda Mother / 4- Flaming / 5- Pow R. Toc H. / 6- Take Up Thy Stethoscope and Walk / 7- Interstellar Overdrive / 8- The Gnome / 9- Chapter 24 / 10- Scarecrow / 11- Bike
Note de 4/5
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Note de 5.0/5 pour cet album
"Le joyau du psychédélisme naissant et son plus beau représentant. La source."
Geoffroy, le 16/01/2012
( mots)

Je mentirai si je disais que The Piper At The Gates Of Dawn est l’album le plus accessible du Floyd. Il est peut être celui qui voit ses auteurs user du moins de prouesses techniques dans une discographie où sont relativement rares les envolées virtuoses - exception faite de solos grandioses du beau David et de la fluidité naturelle des doigts de Rick Wright - mais son identité est tellement prononcée et novatrice dans son genre que beaucoup des amateurs disons classiques du quatuor se retrouvent au mieux désemparés sinon complètement hermétiques à cette première œuvre, trop libre pour être appréciée à sa juste valeur. A mon souvenir d’une soirée, de celles que l’on passe vautrés dans un fauteuil à regarder le monde s’amuser sans y croire une seconde mais dont on se fout royalement puisqu’on est maître de la sono, un mec que je sais pourtant amoureux de "Echoes" se ramène sur "Interstellar Overdrive" et me demande ce que c’est. 

« - Ben le Floyd », lui répondis-je.   
- Ouais… Pink Floyd débutant quoi… c’est naze. »
- C’est quoi ton souci ? »

Son souci était probablement Syd Barrett. 1967. Pink Floyd était la star underground des quartiers huppés de Londres, balançant des heures de set hautement psychédéliques dans les ombres de l’UFO sous les projections lumineuses de leur cru et tirant des sons hallucinants de leurs instruments sans se poser la moindre question de longueur ou même de musicalité. Lotis de seulement deux singles au succès respectable, "Arnold Layne" et "See Emily Play", il était grand temps pour ce groupe d’enregistrer un long format, un véritable album qui saurait représenter toute l’innovation de cette musique nouvelle et audacieuse qui faisait les joies de la jeunesse branchée du moment.

Travailler en studio à l’époque était bien différent des scènes de l’UFO et de la Roundhouse. Les morceaux se devaient d’être relativement conformes aux trois minutes en vigueur et tenir compte d’une certaine esthétique pop pour tenir le rythme des écoutes. Exercice compliqué pour un groupe encore amateur, habitué à partir de longues minutes dans des improvisations barrées et imprévisibles et peut être encore plus difficile pour le mec qui doit les enregistrer. Norman Smith fut un producteur exemplaire pour le Floyd qui le défendit devant la maison de disque, réticente à signer un groupe aussi peu fiable. Il les laissa exploiter tout le potentiel des studios d’Abbey Road, le Fab Four étant alors dans le studio du dessus à plancher sur Sergeant Pepper’s. Essayant de les cadrer au maximum tout en ménageant la personnalité fragile et le caractère têtu de Syd Barrett, il arrivera ainsi à concentrer tout le potentiel du quatuor dans une expression concise, parfois débordante de richesse mais toujours raffinée et amputée de ses excroissances habituelles, trop peu adaptées à un disque.


Quelques mois passés à travailler, expérimenter et The Piper At The Gates Of Dawn sort en août 1967. Des transes psychédéliques ne subsiste que la démente "Interstellar Overdrive", véritable ovni dans la production discographique du moment avec ses presque dix minutes de dissonances acides et pointues encadrées d’un riff improbable et fascinant. Le reste de l’album se retrouve être de vraies chansons teintées de poésie british et de toute l’inspiration et imagination dont fait preuve le quatuor, éloigné des codes imposés par le blues du simple fait de ce mystérieux chanteur au merveilleux accent cockney et au regard un peu trop profond.  Sous des allures de comptines se retrouvent des morceaux pop éclatés qui pourraient sembler conventionnels aux tous premiers abords mais se révèlent complètement écartelés, loin d’un schéma linéaire, parsemés de détails insolites et d’une ambiance aérienne riche, propice à l’improvisation où le Farfisa de Rick Wright se délecte de nappes sensibles et nuancées sous les roulements de toms de Nick Mason. En témoignent les accords fabuleux du monument "Astronomy Domine" et les harmonies superbes de "Mathilda Mother" et "Flamming".

Les instruments occupent un espace peu défini, chevauchant en permanence la limite entre mélodie pop et tension expérimentale jusqu‘à parfois tomber complètement du second côté avec "Pow R Toc H". Les lignes de basse de Roger Waters poursuivent la volonté des bassistes de ne plus seulement être un complément rythmique mais d’assumer un rôle mélodique essentiel, complément de la guitare de Syd Barrett qui s’échappe dans les volutes aigues d’un jeu insaisissable, presque impressionniste, tandis que ses paroles naïves et sincère, inspirées de ses rêves à tendances féériques - mélancolique "Scarecrow" - et de l’innocence enfantine, se retrouvent touchantes de beauté sincère et frappantes d’une inventivité surréaliste à l’écoute de "Chapter 24" ou de "Bike" et de sa ligne de chant trébuchante. Mais elles dévoilent également l’autre facette de Barrett, ce côté frêle et perdu qui l’accompagne en permanence durant l’enregistrement de Piper et qui le poursuivra sur ses deux albums solos avec un peu moins de magie.

Ce n’est plus un secret pour personne, Syd Barrett se la mettait sévère. Pourtant malgré les dires des mauvaises langues, il n’a pas fini schizophrène, s’est remis de ses abus et est mort il y a de ça cinq ans dans l’oubli un peu triste qu‘il a toujours cherché depuis. Simplement à l’époque, dans l’émulation et l’effervescence du mouvement il était facile de pousser jusqu’à l’excès et il est certain que Barrett y a laissé pas mal de sa lucidité dans les années qui suivirent. En attendant, sa personnalité musicale encore intacte, certainement renforcée par ses abandons lysergiques, possède et envahit la moindre note de cet album, reléguant les trois autres musiciens à ce qu’ils étaient au tout début: des interprètes. Malgré les talents certains de Rick Wright et Roger Waters en tant que musiciens et futurs compositeurs ("Take Up Thy Stethoscope and Walk" est d’ailleurs signée par ce dernier), jamais ils ne seraient arrivés à fonder quoi que ce soit d’original sans leur rencontre avec Syd. Le trio serait certainement resté à patauger dans des grilles de rhythm’n’blues quelques temps avant d’abandonner pour de bon la musique et retenter l‘école d‘archi’... Syd Barrett fut leur catalyseur et son ombre a hanté le Floyd jusqu’au derniers mots de The Wall, imposant d’abord ses idées, ses lignes mélodiques et son esprit espiègle, puis son déclin, son souvenir, mais surtout sa vision unique. Lui qui ne voulait qu’écrire des chansons et pouvoir les jouer, s’est vu dévoré par un succès jamais désiré qui a propulsé ses anciens camarades au rang de dinosaures du rock. « Rendre à César ce qui appartient à César ».

 
The Piper At The Gates Of Dawn est un album fantastique aux couleurs chatoyantes, véritable joyau de l’avènement de la musique psychédélique et certainement l‘un de ses plus beaux représentants. Il sera aussi le seul véritable témoignage de son principal auteur qui aura très mal vécu ces enregistrements bridés et le succès commercial qui en a découlé. Devenu trop peu fiable pour l’avenir du groupe, Barrett ne se présentant plus aux répétitions ni parfois même aux concerts, Mason, Wright et Waters durent prendre la difficile décision d’évincer leur principal compositeur, mais petit à petit, en intégrant au groupe un ami guitariste proche de Syd, un certain David Gilmour, et en devenant plus que présents dans l‘écriture des morceaux. Instants éphémères pour œuvre intemporelle, Piper est un pilier indestructible de la musique moderne, et vous qui vous extasiez sur les masturbations pathétiques de Roger Waters comme si elles étaient l‘aboutissement de Pink Floyd, sachez d’abord en apprécier les fondations et la clé de voute.


Commentaires
MitchdeCarn, le 15/07/2020 à 18:35
Tout à fait d'accord sur la très relative contribution de Waters... je les ai vu en 1967 à Londres, Syd Barrett emmenait le groupe très très haut. Waters n'était tout simplement pas au niveau. Plus tard, au UFO un set avec Hugh Hopper, c'était génial et on pouvait conclure à l'inutilité de Waters, dont les seuls talents sont d'être un pote d'un génie du rock et de savoir se mettre en avant...!!
Foulquier, le 02/10/2016 à 16:48
"Masturbations pathétiques de Roger Waters" ? Qu'est-ce que l'auteur de cet article entend par là ? J'avoue ne pas être d'accord avec cette vision des choses ; pour moi comme pour la plupart des fans le Floyd c'est avant tout l'immortel trio Gilmour-Waters-Wright et l'odyssée de cette formation mythique commence vraiment à partir de l'album "A saucerful of secrets ". Ceci dit je reconnais que "The piper at the gates of dawn" contient plusieurs joyaux, en particulier "Astronomy domine". Ce classique sera d'ailleurs repris par le groupe dans la partie live d'"Ummagumma" et lors de la tournée de 1994 ("Pulse").
STEM, le 14/09/2016 à 12:49
Excellente analyse de la création et de l'impact musical du groupe. Qui est décidément un OVNI dans la galerie Pop des quatre dernières décennies.