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Compte-rendu de concert

Deep Purple


Date : 28/10/2024
Salle : Forest National (Bruxelles - BELGIQUE)
Première partie : Jefferson Starship

 

 
Daniel, le 01/11/2024
( mots)

Histoire (anecdotique) de fosse et de cabinets

Forest a bien changé depuis ma dernière visite. Les confortables sièges rouges d’antan (idéalement rembourrés) ont fait place à des assises plastiques spartiates. Malgré les efforts consentis pour rendre la salle agréable et malgré les efforts sincères du personnel pour se montrer plus qu’aimable, je ressens dans mes vieux os l’étrange froideur de la structure en béton.

C’est certainement ici que j’ai passé les meilleurs moments rock de ma vie (1).

Mais je n’ai jamais vraiment aimé les lieux.

Comme j’adore vaquer, je visite longuement la fosse, les stands de merchandising, les bars à bières puis les couloirs de service jusqu’à tomber sur les WC. Une bouffée de nostalgie m’étreint. Il m’est impossible de me remémorer le nombre de fois où je me suis retrouvé à faire la file dans ces vilains escaliers aux rampes métalliques. Les filles d’un côté. Les garçons de l’autre. Je me rends compte que le monde a évolué sans moi. Les madames pipi aux chignons compliqués, aux grosses lunettes, aux rondeurs maternelles et aux uniformes d’hôtesses (assortis aux sièges de la salle) ont disparu. J’aimais bien les entendre aboyer à chacun d’entre nous  : "Cinq francs, Mijnheer ! Et visez dans le trou ! Merci - Dank U !"

Je pénètre dans le lieu d’aisance presque désert. Une dame quinquagénaire hurle : "Attention Jessica, il y a un homme dans les WC..." Comme je suis d’un naturel accommodant, j’explique que je suis venu en paix (2) et que je pourrais aussi m’étonner de voir des dames en conversation devant un urinoir. Un vieux rocker pontifiant (il porte un magnifique t-shirt "End Of The Road" de Kiss) intervient alors pour nous expliquer que toutes les toilettes de Forest sont désormais "i.e.l.les" (3). Cette notion intrigue l’amie de Jessica. La tension retombe. L’incident est clos. Et Jessica conclut : "Je comprends le prix des billets ! Toutes les cuvettes sont des Villeroy & Boch.

Je vérifie et c’est exact. Sans Jessica, je n’y aurais même pas prêté attention.

Comme quoi...

Jefferson Starship

En parfait Ardennais arriéré, je suis toujours surpris de voir dans une salle beaucoup plus de personnes qu’il n’y a d’habitants dans ma propre contrée (si l’on ne tient pas compte des têtes de bétail).

Le public de Forest accueille distraitement les cinq musiciens qui se font appeler Jefferson Starship.

J’abomine les cover bands. Je les abomine d’autant plus lorsqu’ils usurpent un nom de légende alors qu’aucun membre du groupe n’a de réelle "légitimité"  (4). Cathy Richardson, l’auto-proclamée déesse du rock, qui reprend ici le micro de Grace Slick, est connue pour avoir incarné Janis Joplin dans une comédie musicale. Elle reproduit ici tout le côté maniéré de cet exercice de style.

Le combo va massacrer quelques classiques de Jefferson Airplane ("White Rabbit", "Somebody To Love") et de Jefferson Starship ("Sara", "We Built This City"), passant (sans transition, comme aurait dit l’autre) du rock lysergique des années soixante aux écœurantes boules à facettes des années quatre-vingts. A certains moments, l’ensemble ronronne comme un groupe syldave en répétition avant l’Eurovision de la chanson. Ma voisine fait des mots croisés sur son smartphone. Son compagnon parcourt le fil d’information de ses réseaux sociaux où l’on voit des chats qui font des cabrioles ou des jolis dessins dans la mousse de lait d’un cappuccino encore fumant.

Si on pouvait tricoter l’ennui, tout le monde aurait son écharpe et son bonnet pour l’hiver qui s’annonce.

Deep Purple

Pour Deep Purple, le problème de la légitimité ne se pose définitivement pas. Ian Paice, Ian Gillan et Roger Glover donnent l’impression d’avoir toujours été là (ce qui n’est réellement vrai que pour le batteur). Le génial Don Airey survole son art ; il est probablement le dernier keyboard-hero du monde rock (avec Phil Lanzon).

Il ne reste finalement à juger que du petit dernier, le six cordiste irlandais Simon McBride, à qui incombe la lourde tâche de succéder à l’américain Steve Morse, l’un des meilleurs guitaristes de l’univers.

En résumé, les choses se présentent plutôt bien.

Au son très cinématographique de "Mars : The Bringer Of War" de Gustav Holst (5), l’introduction du concert est majestueuse à souhait. Le son est parfait, le light-show est de toute beauté et les projections sont magnifiques.

Le groupe file directement à la limite du rupteur dans la zone rouge du compte-tour. Les premières mesures de "Highway Star" restent de pures bombes à fragmentation.

Puis Ian Gillan s’empare du micro et une gêne certaine s’installe. On sait que le bonhomme souffre d’une sévère baisse de régime vocal depuis plusieurs années. Mais ici, on dépasse le stade du malaise. Se pose alors la question de savoir à partir de quel moment un spectacle artistique devient pathétique (6). Le malheureux s’époumone réellement (il ira souvent s’asseoir entre le drumkit de Paice et les claviers d’Airey pour reprendre son souffle) mais rien de cohérent n’est émis par ses cordes vocales.

Il ne s’agit clairement pas d’un mauvais soir ou d’une faiblesse occasionnelle ; les échos des concerts précédents de la tournée évoquent (en employant des formules stylistiques plus ou moins édulcorées) cette voix dont il ne subsiste qu’un triste souffle. Objectivement, le phénomène est un peu moins gênant sur les nombreux titres du dernier album (= 1) qui ont été calibrés pour permettre à Gillan d’exister encore un peu. Mais, la plupart du temps, les vocals autrefois mythiques ressemblent à un écho surgi d’outre-tombe.  

C’est par conséquent avec un chanteur inexistant (ou presque) que le groupe va occuper la scène pendant toute la soirée, multipliant les soli de guitare et de claviers. Brillamment. Piochant dans tous les répertoires possibles et imaginables, Don Airey, souriant et goguenard, se régale et régale la foule à chaque intervention. Je reste un peu plus réservé au sujet des soli de Simon McBride. Le gaillard connaît ses gammes mais peine à établir un vrai contact avec le public. Il n’a ni l’aura elfique ni la versatilité virtuose de son prédécesseur. Mais, le moins que l’on puisse dire est qu’il assure sévèrement le job.

Pour le reste, le cerveau des vieux fans "complète" le chant, déroulant instinctivement le souvenir des lyrics aujourd’hui inaudibles. Ceux et celles qui éprouvent un peu d’empathie souffrent pour Gillan dont la main droite tremble douloureusement chaque fois qu’il porte le micro à ses lèvres.

Il n’y aura qu’un seul petit moment de grâce suspendue : "When A Blind Man Cries", la meilleure face B de l’histoire du rock. Pendant trois minutes, une voix revenue de nulle part va créer une émotion telle que le groupe sera le premier à applaudir son vieux chanteur avec une émotion sincère.

Pendant quatre-vingt-dix minutes, c’est le public de Forest, ce sixième homme (dans son acception épicène), qui va porter "son" groupe avec dévotion, faisant encore semblant d’y croire. Parce qu’avoir le privilège de contempler un dinosaure rock né à la fin des sixties est un signe qui permet de croire encore à une forme de vie (ou de jeunesse) éternelle. Comme si l’ambroisie avait remplacé le houblon dans la bière fraîche de l’entracte.

Être une heure, rien qu'une heure durant / Beau, beau, beau et con à la fois...

Set-List

Highway Star (Machine Head)
A Bit On The Side (= 1)
Into The Fire (In Rock)
Uncommon Man (Now What !?)
Lazy Sod (= 1)
Now You’re Talking (= 1)
Lazy (Machine Head)
When A Blind Man Cries (Face B du single « Never Before » de Machine Head)
Portable Door (= 1)
Anya (The Battle Rages On)
Bleeding Obvious (= 1)
Space Truckin’ (Machine Head)
Smoke On The Water (Machine Head)

Encore

Old-Fangled Thing (= 1)
Hush (Shades Of Deep Purple)
Black Night (single)
.
(1) Iron Maiden, Kiss, Dio, Rush, The Who, Status Quo, Queen, Styx, Boston, Marillion, Saxon, Def Leppard, Bon Jovi, Mötley Crue, Judas Priest, Page & Plant, Dream Theater, … Et toujours pas d’acouphènes. Miracle rock.

(2) Sous-entendant qu’aucun de mes amis proches ne s’appelle Gérard.

(3) Le logo est vraiment génial. La moitié gauche représente un monsieur en pantalon et la moitié droite une madame en jupe. Les "communicants" sont infatigables.

(4) C’en est au point, histoire d’ajouter à la confusion, qu’un autre groupe tourne également sous le simple nom de Starship. On en revient aux années cinquante durant lesquelles des dizaines de Glenn Miller Orchestra légitimes faisaient danser nos aînés.

(5) Petit insert de gay savoir : alors qu’il ne s’intéressait pas du tout au cinéma (plus qu’embryonnaire en son temps), le brave Gustav a jeté – sans le savoir – les bases essentielles de la bande originale de film. L’école "John Williams" (chère à nos oreilles) lui doit absolument tout. Sa musique a également été reprise (ou pillée) par Keith Emerson, Rainbow, Diamond Head, King Crimson, Symphony X, ...

(6) Je pensais sincèrement que nous avions touché le fond avec la dernière tournée de Genesis où le pauvre Phil Collins survivait, racrapoté sur une pauvre chaise empruntée à son hospice. 

Commentaires
DanielAR, le 04/11/2024 à 12:51
All Things Must Pass... comme disait l'autre.
FrancoisAR, le 03/11/2024 à 12:20
Voilà de quoi rendre mélancolique.