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Critique d'album

Porcupine Tree


Closure/Continuation


(24/06/2022 - Music For Nation - Rock/metal progressif - Genre : Rock)
Produit par Porcupine Tree

1- Harridan / 2- Of The New Day / 3- Rats Return / 4- Dignity / 5- Herd Culling / 6- Walk The Plank / 7- Chimera's Wreck / 8- Population Three / 9- Never Have / 10- Love in the Past Tense
Note de 4/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Un miracle pas forcément des plus vertueux, mais qu'importe"
Nicolas, le 13/07/2022
( mots)

Celle-là, on ne l’avait pas vu venir. Qu’est-ce qui a bien pu pousser Steven Wilson à remettre le couvert avec Porcupine Tree attendu que l’homme a toujours voulu maîtriser artistiquement tout ce qu’il faisait et qu’il en a maintenant la possibilité par le biais de sa carrière solo ? Pas simple, vraiment pas simple de répondre. On pourra suivre l’idée voulant qu’en vérité Porcupine Tree n’a jamais été officiellement dissout - ce qui est vrai - et que le groupe a toujours continué à travailler en secret - ce qui est sans doute beaucoup moins vrai. On peut se laisser emporter par l’argument ultime voulant que finir une carrière discographique sur un disque moyen - The Incident - n’a rien de reluisant, ce qui s’entend. De là à voir en ce onzième album totalement inespéré une conclusion définitive (closure) ou l’ébauche d’une future réactivation plus pérenne (continuation) va plus loin que de simplement considérer le verre d’eau comme à moitié vide ou à moitié plein. Comme à son habitude, Wilson joue avec les attentes de ses auditeurs, il se confirme ouvert à tout et ne ferme la porte à rien. Dans les faits, pourtant, personne n’est dupe : Porcupine Tree n’est plus un groupe actif depuis bien longtemps, tout au plus un dinosaure extrait de son formol et qui y retournera une fois son affaire achevée… pour peut-être en ressortir d’ici une décennie. On peut d’ores et déjà prendre les paris.


Comprenez bien que l’entité de l’arbre à porc-épic n’a désormais, pour Steven Wilson, plus aucune raison d’être. Ce projet-avatar cachait par le passé une carrière solo qui ne s’assumait pas mais qui n’en était pas moins une, de carrière solo, avec un frontman qui contrôlait tout de A à Z, qui écrivait, composait, interprétait tout ce qu’il pouvait en studio et ne déléguait que ce qui le gonflait à ses partenaires. Côté batterie, SW est une bille en percussion et il l’assume, il a besoin d’un batteur pour vivre et on peut ainsi affirmer que Gavin Harrison incarnait pour lui, à une certaine époque, une présence vitale. Le côté clavier est nettement moins prégnant, mais attendu que les textures savantes développées par Richard Barbieri ont depuis longtemps intégré la palette de Porcupine Tree et qu’elles imprègnent l’ADN du groupe, le natif de Hemel Hempstead ne peut pas s’en priver. Pour le reste, encore une fois, Wilson est un control freak, il n’a pas envie de se plier à des compromissions, et c’est ce qu’il avait dû accepter à contrecœur sur The Incident avec des compos émanant justement de Barbieri, pas folichonnes d’ailleurs (et reléguées en mini-album B-Side). Sans compter que Porcupine Tree est désormais enfermé dans une image metal progressive que tout le monde s’attend à voir projetée, et Wilson a horreur de se sentir contraint. On peut adhérer seulement à moitié au discours voulant que le binoclard ne se trouve plus si intéressant que ça à la guitare et qu’il n’arrive plus à composer sur ce support (on croirait entendre Alex Turner, dites donc), car la vérité se situe sans doute entre ça et une volonté assumée de se refuser à porter des œillères contre son gré, aussi métalliques soient-elles. Dès lors, quelle voie de sortie honorable qui puisse justifier un tel virage à 180° par rapport à ses discours des dix dernières années ?


Peut-être celle offerte par l’idée d’un songwriting “partagé”, après tout, sachant tout de même que Wilson n’en est pas à ses premières collaborations à l’écriture - il forme un binôme tout à fait volontaire avec Tim Bowness dans No-Man et Aviv Geffen au sein de Blackfield. Qu’enfin Porcupine Tree soit devenu un groupe à part entière alors même que dans les faits il n’existe plus ? L’idée paraît incongrue, et c’est pourtant ce qui semble ressortir des diverses interviews des trois intéressés. Oui, trois, car le bassiste Colin Edwin manque à l’appel, cela n’aura échappé à personne. Pour l’expliquer, on prétexte des séances récurrentes de jam entre Wilson et Harrison à la batterie et à la basse - et en fait de songwriting partagé, cela ressemble davantage à un délire de section rythmique entre deux grands professionnels qui se tirent la bourre. On précise bien que l’idée de travailler à la quatre cordes plaisait particulièrement à Wilson, qui voyait en cet instrument un succédané à sa sempiternelle guitare. Et lui d’ajouter bon an mal an qu’il a quand même interprété la majorité des lignes de basse de Porcupine Tree en studio par le passé. Là-dessus, on regrette - plus que l’on déplore - qu’Edwin ne se soit pas manifesté de lui-même pour témoigner de sa volonté de relancer la machine de l’arbre. Ainsi donc, et même si cela peut sembler effarant, la défection de Colin Edwin semble résulter uniquement du fait… que l’on n’avait tout simplement pas besoin de lui cette fois-ci. Couleuvre un tant soit peu difficile à avaler…


Et Closure/Continuation, alors, est-il bien ? Compte tenu du tableau pas vraiment rose brossé ci-dessus ? Eh bien oui, il est bien. Il est même très très bien. Mais soyons honnête : qui en doutait ? On a affaire à trois musiciens d’exception, à un frontman surdoué qui paraît capable de changer tout ce qu'il touche en or, à un batteur plus colossal que jamais - que ce soit en termes de technique ou de musicalité, et à un claviériste qui, cantonné à un rôle purement décoratif, n’a pas à forcer son talent ni sa personnalité pour briller en toute majesté. De surcroît, n’oublions pas que Porcupine Tree jouit d’une discographie fabuleuse, qui possède un niveau qualitatif rarement retrouvé chez les autres groupes d’Albion comme d’ailleurs. Si The Incident fait en effet un peu tache dans le tableau, son échec (très relatif tout de même) a pu être longuement disséqué de manière à ne pas en reproduire les ressorts. À partir de là, la messe était dite avant même d’avoir démarré. Et l’histoire se répétera à l’avenir si tant est que le trio se décide un jour à se remettre en selle, n’en doutez pas. Seule ombre au tableau, là encore extrêmement relative : l’hétérogénéité de l’ensemble. Mais rien de dramatique dès lors que l’on accepte que ce disque s’est construit par petites étapes successives, quelques jours par-ci, quelques semaines par-là, durant presque dix années… D’ailleurs, In Absentia ne brille pas non plus par son homogénéité, so what?


“Harridan” se pose de manière caricaturale comme le fruit d’une section rythmique en connivence absolue. Les lignes nerveuses de Wilson - beaucoup plus sèches et véloces que celles d’Edwin - lancent en grandes pompes une partition de batterie absolument somptueuse de la part d’Harrison. On ne dira jamais à quel point Gavin est un batteur exceptionnel, mais jamais encore il n’avait à ce point brillé au sein de Porcupine Tree. Sa performance, sur les quelques huit minutes que durent le morceau, se révèle à couper le souffle, que ce soit en termes de sons, de technique, de feeling ou de musicalité. Pour le reste, “Harridan” réalise une entame puissante, complexe, riche en contrastes et en textures, parsemée des lignes pop en apnée d’un Steven Wilson revêche comme jamais. Tout le savoir-faire Porcupine Tree en hautement condensé : rien que ce léviathan mérite que l’on s’intéresse au disque, même s’il y a bien plus.


Pour tout vous dire, on ne retrouve pas ici d’œuvres réellement géniales en termes de songwrinting, pas de “Trains” ni de “Song Of Muzak”, pas de “Lazarus” ni de “Arriving Somewhere But Not Here”, pas de “Anesthetize” ni de “Sentimental”, ce qui donne à ce numéro onze un goût un tantinet inachevé. Mais l’ensemble des titres n’a pas à rougir et ferait même pâlir n’importe quel groupe de rock qui possède pignon sur rue. Qui arriverait à déployer un titre aussi touchant et nuancé que “Of The New Day”, wilsonnien jusqu’à l’âme, l’un de ces morceaux que l’Anglais semble capable de produire par brouettées entières - même s’il s’est montré assez avare en la matière sur son récent The Future Bites ? Pas grand-monde. Si la sensibilité de Wilson s’y exprime avec grande classe, on peut noter, s’émerveiller ou à l’inverse déplorer - que le chanteur se montre aussi à l’aise vocalement. Finie la timidité d’antan, SW s’assume comme artiste et chanteur, il nuance beaucoup ses phrasés. Cela peut troubler, c’est un fait. Côté métal, on se souvient que Porcupine Tree a mis bien longtemps à maximiser les effets des riffs de cette mouvance, avec des saillies un rien pataudes en particulier sur Fear of a Blank Planet. Rien à reprocher ici, c’est colossal. “Rats Return” cristallise cette mue achevée, avec des guitares d’une puissance et d’une percussion à en réveiller les morts. “Herd Culling” aussi, dans une moindre mesure, sachant qu’il s’agit sans doute du morceau le plus faible du lot car privé de refrain - mais non de pont, et c’est paradoxal. Surtout c’est ici que les maniérismes vocaux de Wilson peuvent un rien irriter - forcer sur certaines notes, why not, mais pourquoi toujours systématiser ?


D’autres titres permettent à Richard Barbieri de nous enivrer de ses synthétiseurs oniriques, même si on sent ici une certaine volonté de coller aux standards d’antan. Nombre de claviers de Closure/Continuation rappellent ceux d’In Absentia, ce qui n’a absolument rien d’un reproche, attention. “Dignity” pourrait même prétendre à intégrer ce chef d’œuvre d’il y a vingt ans, magnifié par les nappes mi soyeuses, mi dérangeantes de l’organiste à la barre. Globalement, tous les morceaux lents de l’album se montrent réussis, et l’on sent bien que c’est Wilson qui en est intégralement l’auteur. Cela fonctionne dans la lumière (qui cache un ciel d’orage) de “Dignity”, et cela fonctionne tout autant dans le glauque et les ambiances cauchemardesques de “Walk The Plank”, trip malaisant ramassé qui crée son petit effet. Et il n’y a plus lieu de réfréner cette étiquette progressive qui n’a aujourd’hui plus rien de péjoratif, en témoigne l’héritage considérable laissé par PT sur la scène prog contemporaine. A ce titre, “Chimera’s Wreck” ravit véritablement avec ses guitares sèches tintantes, ses chœurs gracieux et ses circonvolutions ténébreuses du plus bel effet pour un peu moins de dix minutes de bonheur, celui de retrouver l’un des plus grands groupes du monde aussi bon - ou presque - qu’à la grande époque.


Et pas question de s’arrêter là. Closure/Continuation est proposé en version simple ou extended, et nous vous en conjurons, jetez-vous, ruez-vous sur la version longue. Son hétérogénéité s’épanouit avec d’autant plus de bonheur dans les trois titres bonus ici proposés alors que c’était tout l’inverse avec l’EP s’ajoutant à The Incident. Superbissime, “Population Three” (les trois rescapés du groupe ?) délivre un instrumental à tomber, imprégné de King Crimson jusqu’au bout des ongles et ce solo de guitare suraigu à la “Starless” qui le conclut - et spéciale dédicace à François qui ne peut pas encadrer Steven Wilson en peinture. “Never Have” nous la joue Blackfield après l’heure, piano, voix, talent, la pop à son plus haut, c’est beau et c’est magique dans sa simplicité. Et “Love In The Past Tense” brille dans ses réappropriations folk (Wilson n’en est pas à son premier essai, on se rappellera du terrible “Nil Recurring” de l’EP éponyme), tout ça pour basculer sur un thème malin tout en syncopes et contre-temps. In-dis-pen-sable.


Certains auront peut-être été surpris du ton de cette chronique, un rien blasé et désabusé. Pourtant n’en doutez pas : Porcupine Tree est et reste un groupe culte, un groupe absolument majeur, l’un de ceux qui a révolutionné le rock progressif à la charnière des années 2000, un groupe fabuleux à l’œuvre fabuleuse. Non, cette reformation ne sent pas complètement la rose, non on n’en comprend pas vraiment tous les enjeux, non on ne s’imagine pas qu’elle restera pérenne. Mais qu’importe, en fait. Closure/Continuation, fruit de trois hommes au faîte de leur talent, se pose comme bien plus qu’un lot de consolation, bien plus. Si vous ne connaissiez pas Porcupine Tree et que vous l’abordez par ce disque, vous n’imaginez même pas dans quoi vous mettez les pieds. On frémit rien qu’à l’idée de vous voir découvrir des pépites comme In Absentia, Fear of a Blank Planet, Deadwing (oui, on laisse The Incident de côté) et, pour les plus curieux d’entre vous, les plus légers - mais non moins délectables - Lightbulb Sun, Stupid Dream, Signify, The Sky Moves Sideways et Up The Downstairs (oui, on laisse On The Sunday Of Life de côté). Bonne découverte, et revenez nombreux nous dire ce que vous en avez pensé. Quant aux autres… bah, vous ne nous avez pas attendus pour vous ruer sur ce disque, et on gage que personne ne le regrette.

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Commentaires
Chrysostome, le 01/08/2022 à 10:56
A noter que les 10.000£ de cette version limitée à un exemplaire de "The Future Bites" étaient à destination d'une association qui aide les petites salles de concert en Angleterre à subsister. Autre chose : "Of the New Day" reste encore à corriger dans le tracklist.
NicolasAR, le 25/07/2022 à 14:56
Merci pour vos commentaires ! Coquilles corrigées. Et en effet je partage votre opinion sur le montant exigé pour l'album "au complet" surtout au vu des opinions de Wilson sur les formats musicaux et la société de consommation. Remarquez l'homme a quand même été jusqu'à proposer une version ultra deluxe de son album solo en un seul exemplaire, il me semble à 10.000 livres sterling ou autre prix astronomique, justement pour souligner l'aberration des versions Deluxe collector... en oubliant de préciser que l'objet en question a trouvé acheteur et que le bénéficiaire n'est autre que SW lui-même qui, on le voit bien, n'a pas réussi à trouver le curseur entre critique du système et bénéfices de ce même système dont il profite. Trent Reznor est également dans le même registre. Bref, si vous en avez les moyens bien sûr, optez pour la version longue qui est sensiblement plus aboutie que la courte !
ixiil95, le 25/07/2022 à 09:48
Merci beaucoup pour cette très bonne chronique ! L'album est excellent mais j'ai vraiment du mal à digérer le braquage que constitue l'édition deluxe avec les 3 morceaux bonus. Comment justifier de ne pas avoir intégré ces titres, qui bénéficient de la même qualité de production, directement dans l'album si ce n'est pour nous faire passer au tiroir caisse ? Comment SW peut-il être crédible à dénoncer la société de consommation (cf. son dernier album solo notamment) et ses dérives après ça ? C'est vraiment un doigt en l'air en direction des fans qui attendent cet album depuis tellement longtemps. Dommage.
Chrysostome, le 23/07/2022 à 19:19
Excellente chronique, je partage cette analyse. En ce qui concerne les collaborations passées, on peut préciser que dans No-Man les tâches sont bien réparties (Wilson compose, Bowness écrit les textes) et que dans Blackfield c'est généralement chacun ses chansons. Finalement la collaboration passée avérée serait plutôt Storm Corrosion.
Chrysostome, le 23/07/2022 à 19:10
Je me permets de signaler quelques coquilles : -"beaucoup sèches et véloces que celles d’Edwin" il manque le mot "plus" je suppose - C'est Of the New Day et non pas Off The New Day
Proglover, le 15/07/2022 à 22:45
Merci pour cette excellente mise en contexte de ce nouvel Album de Porcupine Tree. J'apprécie beaucoup les travaux de SW voir même jusqu'à racheter les nombreux Remix effectué avec classe (Par contre la spacialisation en 5.1 je m'en fiche !) L'éviction du bassiste est regrettable. D'après une toute interview ( under the radar) Colin Edwin dit que quand il tournait avec son groupe ORK en première partie de Pineapple Thief en 2019, Gavin Harisson n'aurait jamais évoqué l'idée que le groupe se reformait de temps à autre pour jammer.. Dommage.. Colin a su 6 mois avant la sortie du nouvel album par Steven lui signifiant par Là-même sa non intégration au groupe... Music is business.. Dommage aussi le prix exorbitant pour avoir les 3 morceaux bonus, 65 €, de qui se moque t'on? Ah si, on peut les acheter en MP3, le support tant décrié par Mr Wilson en personne.... Music is Business... Et dire que critiquer le consumérisme ambiant faire partie de ses thèmes de prédilection... Sincère Mr Wilson? Bon, bonne écoute quand même ??