
Pinback
Autumn Of The Seraphs
Produit par
1- From Nothing To Nowhere / 2- Barnes / 3- Good To Sea / 4- How We Breathe / 5- Walters / 6- Subbing For Eden / 7- Devil You Know / 8- Blue Harvest / 9- Torch / 10- Bouquet / 11- Off By 50 / 12- Pretty Lady / 13- Kylie / 14- Autumn Of The Seraphs


Quand on tombe miraculeusement sur un album comme celui-ci, au terme d'une longue et inégale après-midi d'écoute tous azimuts chez le disquaire, impossible de ne pas éprouver une sorte de jubilation tranquille. Après avoir scruté de nombreux disques à la recherche de la moindre parcelle d'originalité, d'harmonie ou de force musicale, l'évidence avec laquelle s'égrène la pop légère de Pinback procure instantanément un apaisement opportun et salvateur.
La richesse de la scène indie américaine semble absolument inépuisable. Combien de groupes de qualité, inconnus sous nos longitudes, peuvent-ils encore s'y terrer ? Pour sa part, c'est sur la côte ouest que ce duo officie, à San Diego plus précisément, et le groupe en est déjà à sa quatrième réalisation. Certains petits malins ont même accordé un sobriquet au style de musique auquel appartient Pinback : le "Math Rock". Laissons donc les qualificatifs aux bibliothécaires et aux académiciens, et attardons-nous plutôt sur l'essentiel : le son. C'est plutôt de pop qu'il s'agit, quoi qu'en pensent les experts. La particularité principale du groupe est d'engendrer de la légèreté à partir de sonorités graves : rarement un album aux sonorités profondes n'avait abouti à des atmosphères aussi aériennes et planantes. A ce sujet, la musique est particulièrement bien mise en valeur par les voix douces et maîtrisées de Rob Crow (le chanteur principal), et de Zach Smith (Armistead Burwell Smith IV pour les intimes, et ça, ça ne s'invente pas). L'autre originalité de Pinback est de faire tenir l'ossature des ses airs sur des structures mélodiques répétitives à la guitare, en brodant par dessus des variations vocales et des arrangements sur diverses tonalités. Le concept peut sembler compliqué et surfait, énoncé de la sorte, et pourtant on ne peut que rester coi devant l'insolente simplicité qui inonde Autumn Of The Seraphs. Les titres coulent naturellement comme l'eau d'un ruisseau, souvent calmes et lents, parfois un peu plus énergiques. "From Nothing To Nowhere" en est d'ailleurs un excellent exemple : ses riffs piqués étourdissent par leur maîtrise et leur pertinence, avant que les couches successives d'harmonies ne se superposent sur un refrain exceptionnel. Ce titre est vraiment à deux doigts de la perfection ! Le début de l'album est d'ailleurs un modèle du genre, avec en point d'orgue le sublime "Good To Sea" à la rythmique sautillante et à la ritournelle imparable, en passant au préalable par un "Barnes" éthéré, aiguillonné par des pincements secs de cordes acérées. La suite ne démérite pas pour autant, loin de là. "Walters" commence sur des caresses acoustiques et change de mélodie en plein milieu pour aboutir à un final gonflé où même les guitares saturées impressionnent par leur pouvoir hypnotique. Quant à "Devil You Know", c'est une merveille de composition, un titre varié et profond alternant les volumes et les ambiances avec subtilité.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin, et malheureusement cet album n'arrive pas à déroger à la règle. Le gros défaut du CD tient dans ses 4 derniers titres, beaucoup plus dispensables. "Blue Harvest", notamment, est assez répétitif, tout comme "Off By 50", plutôt raté. Seul "Bouquet" émerge un peu de ce naufrage final. C'est d'autant plus dommage que le groupe offre dans la version collector de son album 3 titres supplémentaires qui sont, eux, bien meilleurs : notamment "Pretty Lady" et son génial arpège acoustique ornementé par des arrangements vocaux redoutables d'intelligence, sans oublier "Kylie" et son refrain lancinant construit avec un brio stupéfiant.
Qu'importe. Oubliez la fin de l'album, sautez les quelques titres décevants, faites vous une playlist en les remplaçant par les titres bonus, mais, par pitié, ne passez pas à côté d'Autumn of the Seraphs ! D'autant plus que le groupe est actuellement en tournée en France : n'hésitez donc pas à vous déplacer pour l'acclamer comme il se doit. Et surtout, ne vous laissez pas impressionner négativement par cet artwork kitch et hideux qui orne la pochette du disque : le contenu est à l'exact opposé de cette horreur, soyez-en assuré. Pour finir, je ne dirai qu'un seul mot : merci. Merci à Pinback pour le plaisir qu'il m'a procuré, et surtout merci à mon disquaire de m'avoir permis de découvrir cette pop divine. Comme quoi, même à l'heure du tout numérique et du piratage musical à grande échelle, et pour ceux qui en douteraient encore, un bon disquaire demeure le meilleur conseiller de l'audiophile.