Motörhead

Revenons au début des années 1990. Motörhead a sorti deux albums hybrides et variés (1916 et March ör Die) puis Bastards, qui indiquait un penchant vers une forme d’expression plus metallique sans abandonner pour autant la formule initiale (entendre rock’n’roll) du groupe. En trois sorties, Motörhead avait donc accompli sa transition entre deux décennies, même si l’âge d’or semblait être derrière eux. Rompant un peu avec le rythme productiviste des années précédentes (un album par an), Sacrifice paraît en 1995 dans le but, semble-t-il, d’affirmer la perspective metallique proposée dans Bastards.

Le cataclysmique "Sacrifice" ouvre les portes de l’enfer sur un rythme infernal et alambiqué, accompagné par Mikkey Dee aussi chirurgical que bourrin aux fûts. Que cela soit dit, le Sacrifice sera violent et spectaculairement Heavy. "Over Your Shoulder" reprend les codes du Metal indus’ dans l’écriture du riff et de la mélodie sans céder aux sirènes des claviers, et le mid-tempo "War for War" est vraiment agressif au regard de l’ensemble de leur répertoire. La production assez old school renforce le côté malsain des passages quasi doom d’"Order/Fade to Black", immédiatement en contraste avec les parties très rapides de ce même titre. Entre les couplets au riff plus moderne et les refrains typés Heavy 1980’s, Motörhead réalise l’œcuménisme métallique sur l'excellent "Dog-Faced Boy", comme pour prouver qu’il est la référence commune la mieux partagée par l’ensemble de la scène. Dans la veine Metal moderne, "In Another Time" n’a pas à rougir devant les formations plus récentes au point de pouvoir être considéré comme un des morceaux les plus enthousiasmants de l'ensemble de l'opus. 

La production étouffée peut donner à l’album un aspect monolithique, mais il n’en est rien malgré des titres moins mémorables comme "All Gone to Hell" et "Out of the Sun". On retrouvera quelques détours par le punk sur l’efficace "Sex & Death" et par le boogie-rock sur "Don’t Waste Your Time" (avec piano et saxophone). On savourera même un peu d’originalité avec l’excellent "Make’Em Blind" où Lemmy chante devant la seule batterie tribale avant un solo de guitare bruitiste et dispense même des parties de basse très bien composées.

Dernier opus du guitariste Würzel avec qui les rapports s’étaient tendus par son manque d’investissement, Sacrifice est l’ultime album avant que Motörhead ne trouve sa formation définitive, c’est-à-dire le trio Lemmy/Campbell/Dee. Musicalement, c’est une déflagration atomique lancée depuis le bombardier le plus habile de l’histoire, toujours aussi indomptable malgré ses heures de vol.

À écouter : "Sacrifice", "Make’Em Blind", "In Another Time", "Dog-Faced Boy"