
Messa
The Spin
Produit par Maurizio Baggio
1- Void Meridian / 2- At Races / 3- Fire on the Roof / 4- Immolation / 5- The Dress / 6- Reveal / 7- Thicker Blood


Mes pas portaient mon corps au rythme de mon errance méditative. Une marche solitaire, sans destination autre que la quête d'une déconnexion. Ma rébellion silencieuse contre une époque qui nous renvoie sans cesse à son buffet d'infinies interactions. Douze sons de cloche, ceux qui créent ce lien éphémère entre les réalisations d'hier et les promesses de demain, mettent fin à mon évasion en même temps que se referment les portes en fer forgé de la réalité.
Un vrombissement sourd se fait entendre. Une mélodie mécanique excessive qui s'arrête à ma hauteur. Je contemple ces machines chromées, peintures métalliques et coques anguleuses qui se dressent devant moi. Leurs phares carrés, fixés vers l'horizon, cherchent l’évasion. À leurs guidons, quatre chevaliers. Ou non. Plutôt trois chevaliers et une reine au visage de feu qui, dans un charisme mêlé d'une confiance glaciale, s'adresse à moi :
"Monte."
Le guitariste Alberto Piccolo ouvre la voie sur "At Races", son riff filant sur le bitume avec la célérité d’un éclair sauvage. Toutes les lumières sont distordues, fracassées à notre passage. Il ne subsiste dès lors que quelques néons luttant dans l’obscurité. Ces couleurs tamisées et suggestives portent en elles l’esprit d’une autre époque : l’ivresse d’un monde encore romantique. Cramponnée derrière la chanteuse Sara Bianchin, sa voix ne laisse aucune place au doute. La frénésie est totalement maîtrisée et confirmée par ces lignes :
"Wide open eyes, nowhere to crash. Heartbeat goes up, nothing to prove."
"Les yeux grands ouverts, nulle part où se planter. Le rythme cardiaque s’accélère, rien à prouver."
Nous sourions candidement sur la course-poursuite initiée sur "Fire On The Roof", pourchassés par le générique d'une série policière burlesque. Une caricature qui ne souffre d’aucune faute de goût. On retiendra l’explosion grandiose du monstre mécanique, transpirant de virilité, intervenue après que nous ayons dévalé une descente vertigineuse matérialisée par le solo en conclusion du titre. Ne subsiste alors que la beauté hypnotique des gyrophares dansant sur les murs défraîchis. Bleu et rouge tournoyant comme un cri sanguinolent dans la nuit.
Nos péripéties nous conduisent alors aux portes d'un club au nom aussi mystérieux qu'attirant : "Void Meridian". L’obscurité règne ici. Derrière la rondeur envoûtante du son de la basse, je jurerais apercevoir Robert Smith. Ce dernier pointe fièrement du doigt la scène pour m’inviter à fusionner avec le magnétisme chamanique qui émane de la voix de Sara Bianchin, entrelacée au flow rythmique. Une apnée ensorcelante à laquelle nous sommes irrémédiablement arrachés par la dimension épique et héroïque du solo joué par Alberto Piccolo. Sensationnel.
Je déambule dans ce caveau élégant, dansant avec la nuit avec, toujours, ces néons hémorragiques pour seuls guides luminescents. Les guitares froides d’une wave en cadence récitaient les psaumes de Killing Joke et autres Sisters Of Mercy. Il régnait une ambiance pacifique et tolérante au milieu de ces murs qui suintaient le cuir et la mélancolie. Cette mixité prévalait par la musique, à l’apparence d’un miroir fêlé, pour refléter la vie des âmes en transe. C’est ainsi que l’on s’enthousiasmait à l’écoute de "Reveal", avec son allure de Black Sabbath qui aurait ramassé un méchant coup de soleil.
L’aube allait bientôt percer lorsque mes compagnons s’avancèrent vers moi :
"Il y a un dernier endroit qu'on veut te montrer."
Virage à 360°, me voilà propulsé devant des portes aussi isolées qu’un secret bien gardé. À l’intérieur, cette fois-ci, les néons se taisent. Derrière les halos nostalgiques dessinés par la fumée, la voix de Sara Bianchin me parvient. Immaculée. En symbiose avec le chagrin élégant du lieu, et accompagnée d’un piano diffusant ses notes éreintées sur "Immolation". Plus loin, sur "The Dress", c’est une trompette fiévreuse qui prend vie dans ce lieu dédié au jazz. Mais il y a chez Messa cette volonté de s’approprier chaque instant. Ne pas s’offrir complètement à un registre. De l’assimilation vient l’appropriation. Sur "Immolation", c’est dans une nouvelle démonstration de maestria "guitaristique" que le groupe impose sa personnalité. Quant à "The Dress", la fureur du monde semble nous avoir rattrapé, jusqu’à ce pont jazzy, dans un morceau incandescent de sincérité.
Ne reste plus que l’irrémédiable ascension pour sortir de cette aventure d’un autre temps. Cette dernière se fera au son de "Thicker Blood" dans une ambiance doom, dont la lourdeur sonnera le glas de la sentence à venir. Un ultime fragment, forgé dans la violence, qui referme La Boucle.
The Spin est dorénavant complet.
Et ainsi, la boucle se ferme.
Les néons s’éteignent, alors que les cris de Sara Bianchin déchirent le ciel nocturne. Les hurlements propagateurs de l’aube qui nous arrachent à notre voyage au cœur de la mixité écoutée au travers des influences de Messa. Cette traversée à l’intérieur des rythmes, des sons et des images d’une époque révolue se termine là, laissant son empreinte véhiculée par l'authenticité contenue dans cet album.
A écouter : "Void Meridian" ; "At Races" ; "The Dress" ; "Immolation"