
Lucifer's Friend
Lucifer's Friend
Produit par Herbert Hildebrandt
1- Ride The Sky / 2- Everybody's Clown / 3- Keep Goin' / 4- Toxic Shadows / 5- Free Baby / 6- Baby You're A Liar / 7- In The Time Of Job When Mammon Was A Yippie / 8- Lucifer's Friend / 9- Horla - Bonus Track / 10- Lucifer's Friend - Bonus Track


Quand vous aurez écouté "Ride the Sky", premier titre du premier album de Lucifer’s Friends, vous serez sûrement étonné d’entendre une parenté avec "Immigrant Song", pourtant sorti à peine un mois plus tôt (sauf que le cor d’harmonie hurleur remplace le chant de Plant). Surtout, vous serez ébahi par un groupe qui semble être en avance de dix ans sur son époque. En effet, que ce soit le chant, la guitare, les mélodies utilisées pour les chorus, tout renvoie au Heavy-Metal du début des années 1980 (NWOBHM en particulier). Une puissance rarement atteinte à l’époque. Pourtant, Lucifer’s Friend est bel et bien sorti en 1970, de l’esprit et des doigts de musiciens allemands, qui, depuis leur statut de simples faiseurs de studio, étaient bien décidés à prendre en main leur carrière en tant que groupe.
Les membres - John Lawton (chant), Peter Hesslein (chant, guitare et claviers), Peter Hecht (claviers), Dieter Horns (basse) et Joachim Rietenbach (batterie) – ont eu une première vie dans la formation Astérix, qui est en fait le premier nom de Lucifer’s Friend (avec un seul album, Astérix, en 1970). Un album devenu culte qui pouvait susciter bien des espoirs sans pour autant laisser présager d’un tel chef d’œuvre !
Inscrit dans son époque, le combo propose un hard-rock typique des années 1970, articulant guitares électriques saturées et claviers analogiques puissants, avec un chant n’hésitant pas à monter dans les tours. On est dans la veine de Deep Purple ou d’Uriah Heep, s’il est besoin de faire des parallèles. Une façon de repenser l’histoire de rock en décentrant le regard de l’aire anglo-américaine pour regarder à l’est (en l’occurrence), d’autant plus qu’il y a ici une circulation humaine : John Lawton est britannique, et fera d’ailleurs partie d’Uriah Heep à la fin des années 1970 ! Un destin assez prévisible, puisque stylistiquement, les deux groupes partagent un univers commun : "Everybody’s Clown", de la même façon que les titres de Very ‘Eavy … Very ‘Umble, possède une touche progressive, et les similarités se retrouvent dans les sonorités du chant (dont les cris), de la guitare et des claviers. On peut voir cette même parenté sur "Free Baby" ou sur l’aventureux "Lucifer’s Friend" avec son chorus de claviers virtuose.
Si cet album se démarque réellement, c’est non seulement parce que les mélodies et riffs sont génialement trouvés, mais également parce qu’il témoigne d’une grande inventivité dans la composition. Ainsi, on peut apprécier les contrastes entre le calme angoissant et les parties plus fiévreuses de "Keep Goin’", les tendances heavy-progressives à la Atomic Rooster sur "Toxic Shadows", un titre renversant (riffs terribles, lignes de claviers sensationnelles …). Une petite précision, les comparaisons avec des groupes plus connus ne doivent pas faire oublier une chose : ce sont des formations qui émergent à la même époque, voire la même année, Lucifer’s Friend n’est pas une bande d’imitateurs, il rassemble des acteurs à part entière qui participent aux évolutions de la période.
Ainsi, malgré une seconde face un peu plus faible – mais très honorable, ce premier album est, au regard des sorties de 1970, une des plus belles productions de l’année dans le sillon du hard-rock. Pour s’en convaincre, il suffit de détourner les yeux et les oreilles de la perfide Albion, au moins le temps d’un disque, et découvrir les merveilles d’une musique universelle. D’autres pays peuvent alors prétendre à des chefs-d’œuvre : en voilà un pour l’Allemagne.
A écouter : "Ride the Sky", "Keep Goin’", "Toxic Shadows"