
Wishbone Ash
There's The Rub
Produit par
1- Silver Shoes / 2- Don't Come Back / 3- Persephone / 4- Hometown / 5- Lady Jay / 6- F.U.B.B.


A sa sortie, Argus était déjà couronné d’un succès qui en faisait un chef-d’œuvre intemporel de la musique rock, pour ses innovations musicales et sa mélodicité, pour sa virtuosité et son savant mélange entre progressif et hard-rock. Difficile pour le groupe de prétendre à une suite qui ne soit ni en demi-teinte, ni une redite : le choix de voir ses ambitions à la baisse avait permis à Wishbone Four de se présenter comme une œuvre solide et très appréciable. En outre, des clins d’œil parsemaient l’album vert.
Sans mauvais jeu de mot avec le titre, il y a pourtant un problème. Ted Turner quitte Wishbone Ash pour d’autres projets (paradoxalement, ses voyages l’entraînent aussi aux Etats-Unis) puis est remplacé (pour plusieurs années) par Laurie Wisefield, guitariste venu de Home. Cela aura un effet positif sur le groupe qui regagne en créativité. Il y a un autre point à souligner, le départ vers les Etats-Unis pour professionnaliser la production et sûrement gagner en popularité. La pochette (signer par les fameux Hipgnosis) semble rappeler cette nation, mais il ne s’agit pas d’une balle de baseball sinon de cricket. "Hometown", blues-rock efficace, est plus symbolique de cette traversée de l’Atlantique.
There’s the Rub sait satisfaire les amateurs du groupe et de hard-rock mélodique. Au niveau des guitares, c’est le retour des jumelles qui dialogues, des longs soli endiablés, des riffs impeccables et variés, des arpèges imaginés par des génies de la composition. Ainsi, "Silver Shoes" est un petit bijou qui rappelle les saveurs d’Argus tout en étant plus direct : en six minutes, le groupe atteint une telle variété de cellules avec un talent imparable pour coordonner le tout qu’on ne peut que rester pantois. Dans un hard-rock plus classique mais toujours aussi audacieux, "Don’t Come Back" est remarquable : son introduction pose un style qui fera des émules.
Mais le sommet est peut-être "Lady Jay", titre qui s’inscrit le plus dans la tradition d’Argus : le groupe ne sera plus aussi bon jusqu’à No Smoke Without Fire. On est ici dans ce qui fait l’identité même de Wishbone Ash, des rythmes aux mélodies en passant par les traits de guitare forgés dans leur moule. Doux et épique, en arpèges ou en riffs plus lourds, "Lady Jay" est épatant. Ecoutez le solo en twin-guitars, puis l’accompagnement en lap-steel …
Si There’s the Rub est si bon, c’est qu’il est d’une grande variété et complexité : le slow "Persephone" par exemple, amène une nouvelle ambiance par rapport à ses deux prédécesseurs tout en se maintenant dans l’esprit de l’album. Le passage en tremolo qui annonce le premier solo est un détail qui témoigne encore de la richesse dans la composition.
Wishbone Ash tombe parfois dans la démonstration avec la longue improvisation qu’est "F.U.B.B", parfois dissonante, assez progressive, mais soigne son style (mélodies sautillantes médiévales) et tente une montée en puissance laissant les guitares déferler sur l’auditeur. Une belle pièce beaucoup plus convaincante que "Where Were You Tomorrow".
There’s the Rub est un album très apprécié par les amateurs du groupe et pour cause, sans être une redite par rapport à Argus et tout en renouvelant le style, il réinvestit la couleur musicale qui avait fait le succès et l’identité de Wishbone Ash. Hélas, le milieu des années 1970 sera plus compliqué à négocier pour la bande de Powell.