
Grobschnitt
Ballermann
Produit par
1- Sahara / 2- Nickel-Odeon / 3- Drummer's Dream / 4- Morning Song / 5- Magic Train / 6- Solar Music, Part 1 / 7- Solar-Music, Part 2


A la suite de son premier album de rock progressif éclectique paru en 1972, Grobschnitt ne retrouve les studios qu’en 1974 après avoir essuyé les départs de son batteur et de son claviériste. Cette séparation est largement compensée par l’arrivée de Mist (Volker Kahrs de son vrai nom), pianiste inventif à qui le groupe doit son premier grand succès et titre le plus connu, "Solar Music".
Sur ce double album, Grobschnitt change également d’attitude. En effet, le groupe opte pour un jeu humoristique et dramaturgique dont témoignent les tenues de ses membres sur la pochette qui laissent imaginer des spectacles décalées dignes d’une Commedia dell’arte germanique. Si ces grimages peuvent évoquer Peter Gabriel et Genesis, oubliez le sérieux au profit d’une pantalonnade. Pour un auditeur du XXIème siècle et non allemand, cet écart temporel et culturel peut rendre le résultat parfois difficilement compréhensible, comme l’est l’agitprop dramatico-musicale de Floh de Cologne.
Ainsi, "Hello my Dear Friend" est un zapping entre des stations de radios françaises ("l’équipe de rugby de Toulon") et espagnoles, jusqu’à ce qu’une voix introduise l’album en anglais avec un accent à couper au couteau. Puis, "Sahara" s’avère encore plus barré que Gong, du moins en ce qui concerne le "chant" puisque les lignes musicales sont d’un heavy-prog’ plutôt conventionnel – comme peut l’être "Nickelodeon" qui rappelle l’esthétique d’Eloy à la même époque. Mais même sur ces titres somme toute classiques, il y a des bizarreries qui viennent perturber l’auditeur, comme le chant étrange de la ballade "Morning Song" et les élans progressifs imaginatifs du soft-rock cotonneux "Drummer’s Dream". Néanmoins, il y a des limites aux entreprises expérimentales de Grobschnitt qui, par bien des aspects, rappelle plutôt la première vague progressive du tout début de la décennie : la pièce classicisante "Magic Train" gorgée de pseudo-citations et dominée par le piano en dehors d’un solo de guitare assez Heavy, apparaît assez rudimentaire au regard d’un genre musical qui a désormais une demi-décennie, malgré un détour camélien en dernière partie.
Vous l’aurez compris, ce premier disque est assez anecdotique, d’autant plus que le second renferme une pièce culte, "Solar Music", dont les deux parties d’étendent sur l’ensemble des deux faces pendant plus de trente-trois minutes. Ce monstre commence sur une tonalité Heavy prog’, entre riff musclé, mélodies de guitare saturée et orgues, accompagnant un chant habité semblant faire des invocations au Soleil. Puis, la question "Do You Hear Solar Music?" est assénée par une répétitivité robotique avant qu’une longue épopée entre space-rock et psychédélisme (pour les rythmes tribaux et les longs chorus de guitare), dont la structure repose sur un crescendo qui laisse entendre l’inventivité de Mist aux claviers. "Solar Music" gagne en intensité jusqu’au moment où, au milieu de la deuxième partie, se déploient des arpèges sublimes qui mènent à un final imposant.
Selon beaucoup d’amateurs, "Solar Music" sera sublimée en 1978 dans sa version live (sur l‘album Solar Music – Live). Cette première version studio est déjà impressionnante et constitue le meilleur argument, si ce n’est le seul, pour se pencher sur Ballerman.
À écouter : "Solar Music (part 1 & 2)"