
Gaz Coombes
Matador
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1- Buffalo / 2- 20/20 / 3- The English Ruse / 4- The Girl Who Fell to Earth / 5- Detroit / 6- Needle's Eye / 7- Seven Walls / 8- Oscillate / 9- To The Wire / 10- Is It On? / 11- Matador


Se réinventer après avoir connu le succès au sein d’un groupe n’est pas chose aisée. Comment trouver l’équilibre entre innovation et continuité, comment construire quelque chose de différent sans renier son héritage passé, telle est la question que beaucoup d’artistes ont eu à se poser. Des frères Gallagher à Jack White en passant par Damon Albarn (en occultant la reformation récente de Blur), tous ont cherché à y répondre en projets divers et variés, grâce à un nouveau groupe ou un projet solo dans le sens primaire du terme. Alors lorsque l’on s’appelle Gaz Coombes, qu’on a été leader pendant plusieurs années de l’une des formations britpop les plus excitantes jamais crées à savoir Supergrass, et que l’on décide de prendre le large en empruntant un nouveau cap, impossible de déroger à la règle. Trois ans après un premier essai plutôt concluant, le sympathique Here Come The Bombs, les rouflaquettes les plus célèbres de l’histoire du rock reviennent avec Matador, disque ambitieux et occasion en or pour Gaz Coombes de prouver qu’il sait exister en dehors de son ancien band.
Qu’on se le dise tout de suite, Matador ne possède ni la joyeuse folie des pop songs de Supergrass ni l’envergure un peu molle de son prédécesseur. Producteur et multi-instrumentiste, Gaz Coombes se révèle véritablement seul maître à bord et part naviguer sur des flots encore inexplorés, quitte à laisser perdue en mer une bonne partie de son auditoire. Dès l’écoute de "Buffalo", le ton est donné : chœurs hauts perchés, claviers que Thom Yorke n’aurait pas renié (époque Radiohead incluse), le tout nappé dans une grandiloquence jusque là insoupçonnée. Difficile de croire que ce disque a été conçu, selon les dires de son géniteur, à l’instinct, tant chaque ligne instrumentale, de la batterie aux guitares, semble avoir été choisie avec minutie et est dotée d’une précision chirurgicale. Coombes ne se refuse rien et surtout pas certains tics modernes musicaux quelque peu agaçants, comme cette spirale électro au milieu de "The English Ruse", ni un interlude présentant un intérêt minime voire inexistant ("Is It On ?") ou encore la suite directe d’un morceau ("Needle’s Eye", renvoyant à "Detroit"). Et que dire de la chanson titre, qui s’annonçait délicieuse mais qui s’arrête brutalement après à peine une minute 30 ? A trop vouloir être ambitieux, Coombes perd parfois légèrement le fil de la chanson et cette dernière finit par lui échapper inexorablement.
Cependant, n’allez pas croire que Matador s’écoute sans plaisir. On ne perd pas ses qualités de mélodiste du jour au lendemain et encore moins sa capacité à créer des ambiances sonores inégalées. Le disque contient de jolies pépites, comme ce "20/20" et son refrain envoutant, doté d’une rythmique endiablée et d’une mélodie imparable, "The Girl Who Fell To Earth" et sa touchante simplicité, guitare sèche en avant, ou encore et surtout "To The Wire", véritable pierre angulaire du disque qui donne envie de courir et de ne jamais s’arrêter, transcendante dans sa composition et fascinante dans son interprétation. Coombes n’a rien perdu de son inimitable voix et prouve qu’il est un chanteur plus que confirmé, capable de rivaliser avec bon nombre de ses confrères. Si le sentiment de frustration est de mise au vu de la dernière chanson, les excellents morceaux qui l’ont précédée ne peuvent laisser de marbre les puristes pop amateurs de sensations fortes.
Inégal mais bien foutu, parfois grandiloquent mais cohérent, Matador n’est pas un disque qui s’apprécie à la première écoute. Il ne sera probablement pas la grande œuvre d’un Gaz Coombes qui semble encore se chercher après le split de Supergrass, mais ses qualités intrinsèques et son ambition en font une agréable petite sucrerie. Le plat de résistance qui s’annonce n’en sera que meilleur.

