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Critique d'album

Beth Gibbons


Lives Outgrown


(17/05/2024 - Domino Records - - Genre : Autres)
Produit par

1- Tell Me Who You Are Today / 2- Floating on a Moment / 3- Burden of Life / 4- Lost Changes / 5- Rewind / 6- Reaching Out / 7- Oceans / 8- For Sale / 9- Beyond the Sun / 10- Whispering Love
Note de 4/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Le retour en grâce de la Britannique, qui livre un magnifique témoignage, amer et mélancolique, sur les ravages du temps."
Quentin, le 24/06/2024
( mots)

Si la rareté n'est pas toujours gage de préciosité, c'est effectivement un adage qui fonctionne avec les albums de Beth Gibbons. Outre la trilogie mythique du gang de Bristol dans les années 1990 puis un excellent opus en collaboration avec Rustin Man (bassiste de Talk Talk) en 2002, la chanteuse britannique s'était faite plutôt discrète avec quelques collaborations éparses. Les plus pugnaces auront suivi sa trace en 2019 dans un exercice périlleux sur la Symphonie N°3 d'Henryk Górecki interprété par l'Orchestre Symphonique National de la Radio Polonaise.


Qu’est ce qui a bien poussé l’Anglaise à reprendre le micro après toutes ces années ? Il semble que Beth Gibbons ait ressenti le besoin impérieux de coucher sur disque les effets du temps sur le corps et l’âme et de se mettre à nu pour livrer son expérience, en tant que femme approchant la soixantaine, des multiples épreuves de l’existence. Cet album s’est construit dans la durée, a pris le temps de la maturation sur une durée de 10 ans, pour transposer en musique un journal très intime où il est question d’anxiété face à la mort, de douleur avec la perte de ses proches mais également de confessions féminines sur la maternité ou le couperet de la ménopause. Autant de "vies dépassées" que la chanteuse s’attache à retranscrire avec une interprétation toujours aussi juste techniquement (une tessiture qui reste impressionnante) et une émotion prégnante qui s’incarne dans un spleen à la mélancolie pénétrante.


Accompagné dans cette aventure humaine par James Ford qui vient sertir, à l’instar de son travail sur le dernier Arctic Monkeys, les compositions d’une dimension lyrique très puissante avec des mouvements de cordes somptueux, et Lee Harris (Talk Talk), auteur d’un travail remarquable et subtil sur les éléments percussifs, Beth Gibbons délaisse l’approche électronique pour se recentrer son travail sur une essence acoustique. Lives Outgrown est ainsi un album de folk sophistiqué, qui bénéfice d’une instrumentation riche et variée (guitare, basse, percussions, cordes et vents mais aussi dulcimer, scie musicale et diverses sonorités de claviers comme l’orgue Hammond, l’harmonium, le mellotron etc.) et d’influences plus jazzy que rock.


Très cohérent dans sa construction, l’album se décompose ainsi en ballades troublantes et mystérieuses à l’instar de "Tell Me How You Are Today" qui ouvre l’album dans une ambiance feutrée et acoustique bénéficiant d’arrangements d’une grande finesse (écoute au casque recommandée). La superposition des couches sonores et des lignes de chant forme une incantation qui rappelle les complaintes élégiaques et habitées de Thom Yorke, tout comme "Reaching Out" et sa mélopée lancinante qui renvoie aux expérimentations Radioheadiennes post-Kid A ou plus récemment de The Smile. Si l’album s’avère globalement très accessible, en témoigne le single "Floating On A Moment", accrocheur avec ses chœurs enfantins, ses petits arpèges bien placés sur les refrains et une section rythmique entraînante et chaloupée, certains titres étonnent et permettent d’éviter toute forme de facilité ou de redondance. On pense notamment à "Beyond The Sun" qui dénote avec son traitement à la fois tribal et ses montées psychédéliques aux passages free-jazz ou encore "Rewind", menaçant et électrique, qui joue sur des sonorités un peu distordues et dissonantes. Adepte du clair-obscur, Beth Gibbons disperse par moments les nuages et déploie une image plus pastorale avec "Lost Changes" qui procure une respiration apaisante en milieu de disque. Cette éclaircie se prolonge jusque dans le conclusif "Whispering Love" qui clôt l’album sur une note plus positive avec sa flûte légère et ses sifflements bucoliques malgré la présence d’un violon qui résonne comme un avertissement face à des lendemains incertains.


Mais là où la Britannique excelle, c’est lorsqu’elle interprète des morceaux à la beauté souveraine, de sa voix fragile et délicate, comme suspendue à un fil, pliant sous le poids de la mélancolie. On pense en particulier à "Ocean", bouleversante, qui porte un regard cru sur l’infertilité mais aussi à "For Sale" et ses arrangements à la splendeur funeste. Enfin, comment ne pas dire un mot de "Burden of Life", qui résume la démarche entreprise par la chanteuse et qui nous révèle dans un refrain scotchant notre condition d’être humain perdu et désemparé face à dureté de l’existence : "No answers are there, no answers of why the burden of life just won’t leave us alone".


Beth Gibbons sort un des grands albums de 2024 pour qui aime se perdre dans les tréfonds mélancoliques du vague à l’âme. Un retour inespéré et éclatant pour une artiste réservée qui livre pourtant un témoignage intime très puissant sur sa condition de femme, qui plus est, âgée, dans notre société. Un récit ô combien important dans le contexte d’une industrie musicale qui fournit quotidiennement le carburant alimentant la société du paraître et de la vanité plastique et dont l’utilisation du corps féminin constitue un élément marketing central. Une chose est certaine, si le temps dévore tout sur son passage, le talent de la chanteuse britannique lui a indubitablement résisté.

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