
Lofofora
Le Fond Et La Forme
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1- Le Fond et la Forme / 2- Série Z / 3- Social Killer / 4- Histoire Naturelle / 5- Auto-pilote / 6- Ici ou ailleurs / 7- Comme à la Guerre / 8- Requiem Pour Moi-même / 9- Psaume Cac 40 / 10- Bienvenue / 11- Alarme Citoyens / 12- Carapace / 13- L'emprise / 14- [untitled]


Si nos compères anglophones nourrissaient l’envie de s’intéresser à notre culture musicale d’aussi près que nous la leur, ils seraient tout autant bluffés par la teneur de cet album que nous l’avons été avec les Ramones. Pas vraiment du punk, pas exactement du metal, peut être un peu de hardcore, mais Lofofora est sans aucun doute la valeur la plus sûre de la fusion hexagonale. Un style incisif, des paroles à couper le souffle et un chanteur au charisme dantesque, fascinant quiconque choisit de s’imprégner de la musique du quatuor. Avec cet album, Lofofora change un peu la donne et se dirige vers des sphères plus personnelles, continuant à cracher son venin tout en y conférant une valeur introspective et viscérale. Deux nouveaux musiciens y font leur introduction en les personnes de Daniel Descieux et Pierre Belleville, respectivement guitariste et batteur, faisant ainsi évoluer le son dans une direction plus lourde, plus puissante mais aussi plus technique.
Une intro triballe d’une précision redoutable, une déferlante de saturation soutenue par un chant grave et direct ("Le Fond et La Forme"), suivie d’une structure lente propice aux phrasés hip-hop ("Série Z") montrent que Lofofora a porté à maturité tout ce qu’il a construit cette dernière décennie. On se rapproche d’un metal teinté de passages plus subtils qui n’oublient nullement le groove d’antan et les parties sensuelles qui font de Reuno Wangermez l’un des chanteurs les plus incroyables de la scène rock française. Une touche d’espoir s’insinue dans des textes courroucés, d'abord explicites et soudain imagés, une teneur plus poétique enlaçant une renaissance mélodique touchante dans des envolées intenses et éthérées ("Autopilote"). La basse de Phil Curty est agressive et mélodieuse, ses doigts se déplaçant sur le manche avec une fluidité dingue et complétant parfaitement le rythme mis en place par Pierre Belleville ("Alarme Citoyens"). Comme toujours, la rythmique sait se faire de plomb, ravageant tout sur son passage à coup de riffs coupants et de paroles déchirées, témoins d’un renouveau sonore et d’une verve qui n’en démord pas ("Psaume Cac 40", "Carapace"), mais apprend également à se faire calme et réfléchie, permettant à Reuno d’user de sa voix suave et lascive sous des guitares aux notes charnelles ("Histoire Naturelle"), voire de s’essayer aux accents ragga, jouant la mélodie sur un rythme simple et basique ("Comme A La Guerre").
Plus rentre dedans qu’auparavant, jouant plus sur l’atmosphère, en tout cas toujours acerbe et acide, Lofofora change la forme mais pas le fond, faisant de cet opus un véritable pavé dans le paysage sonore français. Si vous passez outre le mur de son et la grande gueule de Reuno, vous pourriez facilement tomber dans la fougue d’un groupe humble et humain à la gamberge des plus respectables qui vous fera vibrer de toute sa puissance et virulence. Une parfaite harmonie entre violence et sensibilité.