
B.O.
Sound City : Real to Reel
Produit par
1- Heaven And All / 2- Time Slowing Down / 3- You Can't Fix This / 4- The Man That Never Was / 5- Your Wife Is Calling / 6- From Can To Can't / 7- Centipede / 8- A Trick With No Sleeve / 9- Cut Me Some Slack / 10- If I Were Me / 11- Mantra


Le père Dave Grohl, il ne fait pas les choses à moitié. Alors quand  il sort un documentaire sur le mythique studio californien Sound City,  il convoque ses potes pour en faire la B.O. C'est la dite B.O qui nous préoccupe aujourd'hui, puisqu'elle est éditée sous le titre Sound City : Real to Reel.  Comme prévu, une avalanche de guests se joint au barbu : Josh Homme,  Paul McCartney, la section rythmique de RATM, deux des membres du Black Rebel Motorcycle Club,  Stevie Nicks de Fleetwood Mac, sans compter des musiciens moins connus  du "grand public", mais impliqués dans les nombreuses réussites des  courants Grunge et Stoner. Que du beau linge donc. Ce petit monde se  retrouve sur un album hommage extrêmement éclectique et très inégal.  Cette galette nous permet surtout d'entrevoir l'immensité du réseau de  Dave Grohl. Ce dernier occupe une position de pivot dans le rock de ces  20 dernières années, qu'illustre parfaitement la diversité des artistes  conviés sur ce disque. 
    
"Sound City ? That's it man"  : Dave Grohl met une pièce dans la Juke-box, et en avant pour la  visite. Le panorama musical des courants qu'ont vu passer les studios  débute par un bon riff de guitare bien gras, bien râpeux comme on aime.  Les p'tits gars de BRMC envoient leur sauce blues-rock relevée par la  pincée de psychédélisme qui les caractérise. Les guitares sont en  majesté sur ce "Heaven and All" bulldozer : pas question de changer de  cap, on fonce droit dans le tas sur ce morceau autoroute. Malgré son bon  décollage final, le morceau pèche par sa longueur. On entrevoit déjà le  défaut majeur de l'album : un manque de richesse dans certaines  compositions qui donne l'impression d'écouter des ébauches, des jams,  plus que des morceaux finis. On ne peut évidemment pas reprocher à  l'album son manque d'unité, mais on était en droit, vu le casting, de  s'attendre à un meilleur niveau. Pas d'affolement, ce premier titre  reste de bonne facture, d'autant plus que sa production est  irréprochable (ce qui, étant donnée la nature du projet, est quand même  la moindre des choses). Non moins longuet, "Time Slowing Down" réunit  pourtant de sacrées pointures : Brad Wilk et Tim Commerford de Rage Against The Machine / Audioslave et Chris Goss, incontournable producteur Stoner et fondateur de Masters Of Reality,  se joignent à Dave Godillot (dit Grohl). Sans être fondamentalement  mauvais, le titre manque cruellement d'énergie : les grattes s'étalent,  la batterie est un poil poussive, la basse méconnaissable. Où est passé  le son tendu et agressif de Tim Commerford ? Par dessus le marché, les  chœurs du refrain sont pour le moins approximatifs et disgracieux. Seule  la partie solo en fin de morceau échappe au sentiment de déception que  provoque ce titre exsangue qui assure à peine le minimum syndical.
À  cent lieues du rock anesthésié qui précède, "You Can't Fix This" est un  petit bijou FM, une perle portée par la voix de Stevie Nicks.  Mélancolique sans être guimauve, ce titre est une belle réussite qui  montre, s'il fallait le prouver, que Dave Grohl est un excellent  songwriter. On retrouve ici une qualité commune aux Foo Fighters et  à Fleetwood Mac : l'attention constante portée aux chœurs et autres  doubles voix. Sans jamais abandonner sa pudeur, la chanson dégage  pourtant une grande puissance. En hôtes convenables, les instrumentistes  montrent une grande retenue et offrent un espace confortable à la voix  de Nicks. Si la perfection est dans les détails, "You Can't Fix This"  est un exemple à suivre : guitares furtives, claviers discrets et voix  éphémères participent à l'atmosphère sublime d'une mélodie qui ne se  dévoile jamais complètement. "The Man That Never Was" retourne à un  style plus énervé avec la collaboration Rick Springfield / Foo Fighters.  Hélas un peu trop banal pour marquer durablement, le titre est pourtant  serti d'un solo furibond. La section rythmique, toujours à son aise sur  les riffs tarabiscotés de mister Grohl, se repaît de contre-temps  presque trop présents. La production mal équilibrée de ce quatrième  morceau ne met pas assez en valeur la partie soliste par rapport au  brouhaha de l'ensemble voix / guitare rythmique. Dans la même veine  "matraquage et dissonance", "Your Wife Is Calling" présente toutefois  plus d'intérêt. Moins brouillon dans son mixage, cet effort est tracté  par une basse pesante et survoltée. Mention spéciale pour l'harmonica et  l'amorce d'un pont complètement allumé. Adoptant pour la énième fois la  formule du 2000 à l'heure, silence, et re 2000 à l'heure, la piste  devient toutefois lassante. Dans chacun de ses projets, le réalisateur  de Sound City use et abuse de cet effet qui a tendance à hacher les morceaux au point de les rendre agaçants. Ce "Deus Ex Machina" de la composition ressemble de plus en plus à un cache-misère. 
Arrivé  à "From Can to Can't", on est finalement assez soulagé de pouvoir  s'installer dans une mélodie "constante". C'est assez prévisible, mais  on a au moins le temps de suivre sans hémorragie auditive la montée en  puissance du morceau. Un Slipknot (Corey Taylor), un Cheap Trick (Rick Nielsen) et un Kyuss (Scott Reeder) se joignent à l’incontournable Grohl pour ce titre encore une fois très "Foo Fighteresque". L'ancien de Nirvana invite  ses trois complices sur une plage au tempo relativement lent où la  puissance de chacun peut s'exprimer. Difficile de faire plus mastoc à la  batterie tant la frappe de Dave Grohl est sauvage. Le titre est lourd,  sombre, mais conserve grâce à sa deuxième guitare acoustique, son solo  plutôt classique et ses voix softs une dimension pop qui le rend  accessible. Ce punk-rock sous stéroïde accouche d'une fin déjà entendue  mais assez efficace. Sir McCartney et Krist Novoselic rallient l'équipe  de Sound City pour un hard rock psychédélique qui ne  va pas sans rappeler... "Helter Skelter", tiens donc. C'est lourd,  gargantuesque, et finalement pas très intéressant. On est rassuré de  voir qu'oncle Paul est toujours capable de beugler un bon coup quand  l'occasion se présente, mais rien de plus. Seule la surprise d'entendre  le troubadour de sa majesté dévorer le micro demeure après la première  écoute. Les suivantes (peu nombreuses pour votre serviteur) suffisent à  établir ce verdict : c'est surtout crade, vaguement Grunge et pas très  inspiré. Après, ça défoule. Dans la famille scarabée, le percussionniste  Jim Keltner, qui a collaboré avec trois des Beatles pendant  leurs carrières en solo, est également présent sur "If I Were Me" avec  la violoncelliste Jessy Greene pour un morceau acoustique tout en  douceur. Déjà abondamment expérimenté sur le disque unplugged d'In Your Honor et le live Skin and Bones,  le genre sied assez bien à l'ami Grohl. Sa voix basse se pose sans mal  sur cette gentille petite ballade. Cette petite pause joue surtout le  rôle de respiration dans la tracklist de l'album, d'où son intérêt  mineur. 
    
Difficile d'imaginer un projet de Dave Grohl sans  que Josh Homme traîne dans le coin, et réciproquement. Le géant rouquin  de QOTSA se pointe – oh joie – sur 3 des 5 derniers titres de l'album.  Basse mise à part (l'absence du grand John-Paul Jones est d'ailleurs  assez surprenante), c'est en fait le combo scénique de Them Crooked Vultures que  nous retrouvons sur "Centipede" et "A Trick With No Sleeve". Chris Goss  est à nouveau de la partie sur le premier des deux morceaux. Lancée par  un motif circulaire de guitare acoustique dans la pure tradition Stoner  Rock, la mélodie orientale de "Centipede" s'enrichit d'une seconde  guitare qui occupe peu à peu le devant de la scène. Le quatuor prépare  finement le déchaînement de violence qui va suivre. Le timbre grave et  mélancolique de Josh Homme contient un petit grain sulfureux qui laisse  deviner que nous n'en resterons pas là. L'orage avance. Homme et Goss  finissent pas piétiner leurs pédales distos, tandis que Grohl mène  tambour battant un shuffle martial. On a l'impression  d'assister à une charge d'éléphants cokés. Entre ésotérisme, dépression  et colère noire, "Centipede" trouve un centre d'équilibre flamboyant. Il  manque toutefois l'étincelle de génie qui aurait fait de ce bon titre  un grand morceau. Le trio Homme/Grohl/Johannes est décidément solide. Il  nous rappelle, avec "A Trick With No Sleeve", combien nous aimerions  voir les vautours tordus fondre de nouveau sur nos têtes mortelles  (d'accord, le vautour est un charognard, mais c'était pour l'image).  Entre le je-ne sais-quoi de traditionnel d'un refrain aux accents  épiques et la métrique biscornue de ses couplets, le groupe fait étalage  de son talent. Le grand roux californien qui préside aux guitares a du  sang irlandais, et ça se sent. Une touche du folklore anglo-saxon  transparaît dans l'exubérance romantique de ce refrain. Le jeu de Dave  Grohl ne déshonorerait pas quant à lui un morceau de Tool.  Techniquement parlant, il faut s'accrocher : la basse se promène d'un  bout à l'autre du morceau, la batterie s'aventure dans des breaks longs  et complexes, quant aux grattes, c'est toujours un casse-tête à la Josh  Homme. Même si son thème n'est pas transcendant, "Trick With No Sleeve" a  la dimension jouissive des morceaux où l'on entend chacun s'en donner à  cœur joie sans prendre toute le place. Second joyau de Sound City : Real To Reel, "Mantra" est, on l'espère, un avant-goût de ce que sera le prochain Queens Of The Stone Age. Comme sur "Centipede", Homme et Grohl, cette fois accompagnés de Trent Reznor (Nine Inch Nails)  nous font le coup des montagnes russes : 5 minutes de montée avant 120  secondes pied au plancher. C'est un désastre grandiose : pourtant  solidement amarré par une section rythmique minimaliste, le morceau  sombre lentement dans la folie. Le navire prend l'eau, les rivets  sautent l'un après l'autre sous la pression de plus en forte du clavier  et des voix. Le ruisseau devient torrent, les chœurs sont de plus en  plus rauques et éraillés. La nef cède enfin et se disloque, s'éparpille  entre une basse maniaque, une guitare déboussolée et des voix  naufragées. Cette plongée abyssale dans la folie furieuse clot  parfaitement l'album.
On trouve dans l'ensemble le temps assez long en écoutant ce Sound City.  Autant écouter les morceaux mythiques enregistrés dans ce studio plutôt  que cette B.O poussive et disparate. Quelques très bons moments peuvent  cependant retenir votre main au moment de jeter le disque aux  oubliettes. "Mantra" et "You Can't Fix This" nous invitent à prendre cet  album pour ce qu'il est : un curieux patchwork bourré de bonnes  intentions mais pas toujours inspiré. La qualité notablement supérieure  des morceaux où Josh Homme est dans le circuit souligne cruellement la  différence entre les vieilles gloires (McCartney), les gringalets (BRMC)  et les mastodontes actuels du petit monde rock, parmi lesquels figurent  sans conteste le poil de carotte de Kyuss et le leader des Foo Fighters.





















