
Jethro Tull
Songs from the Wood
Produit par Ian Anderson
1- Songs From the Wood / 2- Jack-in-the-Green / 3- Cup of Wonder / 4- Hunting Girl / 5- Ring Out, Solstice Bells / 6- Velvet Green / 7- The Whistler / 8- Pibroch (Cap in Hand) / 9- Fire at Midnight


Songs from the Wood marque une nouvelle étape dans la carrière de Jethro Tull. Alors que, depuis Thick as a Brick (ou Aqualung, qui dans ce cas fait figure d’album de transition), le groupe continuait, bon an mal an, son chemin à travers le rock progressif (entre musique réellement prog’, projets avortés, album-concept …), il adopte plus franchement l’esthétique folk-rock dont il avait déjà intégré quelques traits (la célèbre flûte d’Anderson, entre autres choses). Etant données les difficultés rencontrées dans les années précédentes, les multiples déboires, et un Too Old to Rock’n’Roll … en demi-teinte, c’était un choix salutaire. Pour autant, il s’agit plus d’un changement dans la continuité que d’une rupture stylistique.
En effet, n’attendez pas des petites piécettes guitare/voix à la Bob Dylan. On parle d’une musique rock où la guitare acoustique (ou équivalent) a une présence non-négligeable, qui est agrémentée d’instruments plus originaux (mandoline, flûte …) et qui s’imprègne de structures et mélodies empruntées aux musiques traditionnelles. Evidemment, Martin Barre n’a pas lâché sa guitare (parfois très) saturée, et mêle l’électricité aux ambiances bucoliques, comme sur le fabuleux et sautillant "Hunting Girl". De même, le rock progressif est toujours en odeur de sainteté dans les partitions de Jethro Tull.
Si vous vous arrêtez sur un morceau comme "Songs from the Wood", vous verrez ainsi que les structures alambiquées propres au rock progressif ne sont pas abandonnées. Toute la partie instrumentale, qui intervient dans un second temps, permet à Martin Barre de montrer ses talents, et associe guitare, flûte, claviers et percussion avec osmose dans une composition exigeante. "Pibroch (Cap in Hand)" dépasse même les huit minutes : guitare incisive ultra-saturée, petites fantaisies folkloriques très accrocheuses, flûte aérienne et claviers aux sons variés composent un parfait titre progressivo-folk.
Déclaration d’amour à l’univers folklorique et pastoral du Royaume-Uni, l’album nous entraîne dans un voyage musical très réussi à travers ses pièces traditionnelles. Le troubadour Ian Anderson, en escale dans une forêt (si l’on se fie à la pochette) qu’on imagine mystérieuse et magique, est notre guide : il est "The Whistler", pour faire référence à ce titre exceptionnel où il fait une prestation mémorable. Festif et mélancolique à la fois, il est une illustration, parmi tant d’autres, du travail mélodique remarquable sur cet album, qui découle d’une appropriation maîtrisée de l’esthétique folk traditionnelle. Rappelons que l’époque était propice à ce genre de tropisme musical, quand le retour à la terre accompagnait le renouveau folk et la redécouverte des musiques traditionnelles et Renaissance (plutôt que médiévale, en fait, rapport aux archives), plutôt celtique dans ces contrées.
Dans cette exploration, le groupe va même jusqu’à évoquer, dans un registre christiano-païen, les ambiances hivernales de Noël sur "Ring Out, Solstice Bells", succès intemporel-et mérité - chez la perfide Albion.
Ainsi, dans ce style folk, Jethro Tull réalise vraiment des exploits. Il suffit de renvoyer à "Velvet Green" et ses pseudos-clavecins, dont les couplets sont rehaussés par l’idée brillante des effets sur le chant et la guitare, "Cup of Wonder" et son riff principal absolument éblouissant, "Jack in the Green", plus gentillet avec une prestation vocale sensationnelle d’Anderson.
Opération réussie pour Jethro Tull qui parvient à se renouveler sans se trahir : Songs from the Wood est un véritable tour de force. Il commence ainsi une trilogie qui œuvre avec constance dans ce registre folk-rock, toujours très électriques, toujours un peu progressif. Fabuleux.
A écouter : "Ring Out, Solstice Bells", "The Whistler", "Songs from the Wood", "Cup of Wonder"