
Soft Machine
Fifth
Produit par
1- All White / 2- Drop / 3- M C / 4- As If / 5- L B O / 6- Pigling Bland


Après avoir innové dans une pop-progressive aux accents jazzy et expérimentaux à la fin des 1960’s, puis avoir bousculé toutes les conventions avec Third, la Soft Machine s’enraye … Produisent-ils pour autant de mauvais albums à partir de Fourth ? Difficile à dire, il est même possible qu’on puisse considérer qu’ils sont plutôt réussis voire à la limite du chef-d’œuvre, mais même ceux qui apprécient ces œuvres (jusqu’à Seven dirons-nous) ne peuvent pas ne pas déplorer le manque de créativité d’un combo qui produit un jazz, en partie rock mais parfois franchement expérimental, académique, sans grande originalité, sans la fougue qui faisait de Soft Machine ce qu’il était.
C’est ainsi qu’avec la même régularité que celle marquant la parution annuelle des albums et le choix on ne peut plus sobre des titres, Fifth poursuit le chemin dessiné sur les sillons de son prédécesseur. Le départ de Robert Wyatt ne pouvait qu’entraîner la mise au ban de toute velléité pop-rock, donc progressive, déjà enclenchée sur Fourth - ce qui explique sûrement en partie cette désertion : Soft Machine devient un pur groupe de jazz, quand Wyatt laisse son penchant pop dominer ses futurs projets (notamment Matching Mole, la même année).
On sera donc peu surpris à l’écoute d’un "Pingling Band", un bon titre jazz-rock tout de même très conventionnel, tout comme "M C", ou d’un "As If", long titre assez expérimental qui tire son intérêt dans le contraste entre la partie rythmique tamisée, régulière, et les chorus très abrupts. Néanmoins, dans le genre, ils proposent quelque chose de plutôt carré et satisfaisant auquel l’amateur peut se raccrocher sans peine.
De plus, Soft Machine parvient encore à nous étonner et à nous exalter. L’introduction au saxophone de "All White", aussi hurlante que tamisée, nous entraîne dans des ambiances incroyables, même si la suite du titre est d’un classicisme par trop convenu. "Drop", bruitiste et expérimental, joue sur le côté goutte d’eau et pluie de notes avec une certaine inventivité, et brille dans sa partie plus jazzy grâce au solo de Ratledge qui nous permet de goûter au son typique Soft Machine (et à certaines lignes mélodiques très canterburyennes). La conclusion, "Bone", spatiale et angoissante, est aussi remarquable.
Fifth est finalement plus convaincant que Fourth pour deux raisons : d’une part parce qu’il assume pleinement son inclinaison jazz-rock et s’avère assez doué dans ce registre, d’autre part parce qu’il apporte des éléments plus surprenants par moment qui permettent de relever l’oreille. Il n’en demeure pas moins un album assez sobre et convenu, loin de la folie canterburyenne initiale.
A écouter : "Drop", "All White", "Bone"