
Graveyard
Lights Out
Produit par Don Alsterberg


Les sirènes hurlent dans la ville. En bon historien, elles vous évoquent l’annonce du couvre-feu pour les habitants de Londres menacés par les bombes allemandes. En bon amateur de rock, vous pensez à UFO et à leur album de 1977, Lights Out, le même intitulé que celui choisi en 2012 par Graveyard pour leur troisième album. Il est vrai que le groupe a depuis longtemps prouvé qu’il maîtrisait ses références.
Figure de proue du rock revival suédois depuis le début de la décennie, Graveyard surfe sur le succès d’Hisingen Blues en publiant son nouvel opus coup sur coup, à un peu plus d’un an d’intervalle. C’est court, de même que l’album qui dépasse à peine les trente minutes pour neuf pistes. Une longueur humaine, comme à l’époque bénie des 33tours, celle à laquelle le groupe se réfère : nous ne voulons pas ici faire l’éloge du support vinylique, mais bien des limites de durée qu’il imposait aux artistes. Et Graveyard de savoir comment tirer parti de la concision pour produire une œuvre intense, dont l'immédiateté se retrouve dans la sobriété du tableau de Malevitch illustrant l'album (Carré noir sur fond blanc).
C’est donc sur une alarme que commence Lights Out, celle annonçant "An Industry of Murder" et son riff délicieusement psychédélique par ses effets (dans la veine du 13th Floor Elevators, presque space-rock sur le solo) tout en étant d’une robustesse Heavy étourdissante. Enthousiasmant comme jamais, Graveyard se surpasse ici en proposant son titre le plus accrocheur, dans une ambiance installée à la perfection, avec de vraies variations au chant. Une fougue qui n’est pas démentie sur l'on ne peut plus efficace "Seven Seven", à l’ardeur proche de Motörhead, auquel succède "Endless Night" à la sauce Budgie ou "Goliath" à la sauce Steppenwolf.
Au-delà des multiples références mobilisées par le groupe, dont on vous passera les détails, Graveyard parvient, avec trois albums dans sa hotte, à graver son identité propre, en témoignent le fuzzy et balancé "The Suit, the Law & the Uniform", le tranquille "20/20 (Tunnel Vision)" ou le bluesy et mélodiquement imparable "Fool in the End". Sur ces titres, Hisingen Blues n’est vraiment pas très loin.
Lights Out offre une belle place à des titres plus lents et intimistes, sortes de ballades bluesy, souvent enrobées de claviers analogiques comme "Hard Times Lovin’" qui brille par son jeu sur les volumes et les montées en puissance (avec une excellente prestation vocale), le bien nommé "Slow Motion Countdown", d’une intensité rare grâce à ses orchestrations.
Beaucoup lui préfère Hisingen Blues, mais il semble que Lights Out bénéficie de deux avantages sur son prédécesseur : la densité de son propos au sein d’un album court et efficace, la variété des compositions avec de belles inventions mélodiques. Dans tous les cas, il convient de faire la lumière sur cet inattendu troisième album.
A écouter : "An Industry of Murder", "The Suit, the Law & the Uniform", "Fool in the End", "Slow Motion Countdown"