
Blood Red Shoes
Get Tragic
Produit par Blood Red Shoes
1- Eye To Eye / 2- Mexican Dress / 3- Bangsar / 4- Nearer (feat. The Wytches) / 5- Beverly (feat. Ed Harcourt) / 6- Find My Own Remorse (feat. Clarence Clarity) / 7- Howl / 8- (Interlude) / 9- Anxiety / 10- Vertigo / 11- Elijah


Il semblerait que des ondes de punk et d'urgence soient émises depuis le toit du pavillon royal de Brighton. Terre de mods, de rockers et de bagarres subséquentes sur les plages, la ville abrite une énergie singulière qui n'est toujours pas démentie aujourd'hui via des groupes de punk garage tels Snake Eyes ou Gender Roles. Pas pire sur le Pier. Blood Red Shoes traine ses savates rouges depuis 15 ans en distillant une énergie gracieuse et adolescente sur sa route. Eux-mêmes d'ailleurs ne vieillissent pas physiquement, un apanage réservé à ceux qui reviennent régulièrement à leur enfant intérieur. Cependant les BRS ont décide de Get Tragic avec ce nouvel album
La connexion fut mauvaise entre ces deux-là durant le hiatus de 5 ans qui a suivi In Time To Voices en 2012. Un accident de moto du côté de Laura-Mary, un problème d'addiction du côté de Steven ont produit une pause fortuite. Comment remettre le pied à bord désormais? Avec un sonar bien sûr -puisqu'on est parti sur un thème maritime- le groupe cherche ses semelles de godasses dans l'eau. Et c'est justement le son qui ouvre le premier titre "Eye To Eye" (le sonar, pas les chaussures). Laura-Mary clame: "You don't like to be ignored" mais "You don't see eye to eye". Le recul est pris sous la forme de marche martelée par un synthé et la bassiste du groupe Savages. Le duo a un besoin de renfort. Le refrain est aussi lumineux que tendu. Et aussi tragique, oui, que le rideau vert de la pochette.
Blood Red Shoes est un groupe qui prend assez d’espace à deux mais l'ajout d'une musicienne donne une dimension plus profonde, un son plus lourd et même un brin stoner sur "Mexican Dress". Ça rigole pas et ça avance, en conquérants, mais avec une certaine réserve dans les paroles : "Yeah, you're taking all the space, Can't you leave a little for myself or someone else here?". Le post-punk n'est pas mort pour autant, comme les White Stripes l'intention de fond est d'obtenir un résultat brut et dépouillé, mais cela s'entend seulement sur certain titres, comme "Anxiety" dont la mélodie et le refrain binaire et incisif renoue avec Fire Like This. Mais ça Garbage un peu.
Du brut on passe souvent à du sophistiqué, à des arrangements plus propres, plus électro, davantage de tragique et de liner et moins de chemise à carreaux de punk-rockers de plage (désormais huppée). Why not mais ça sent le lobby prétentieux d'hôtel de front de mer à certains moments ("Nearer", "Howl"). D’un zeste de citron dans une bière Corona on passe à du citron qui flotte dans un verre de whisky. On pourrait appeler ça la maturité, on pourrait appeler ça aussi "attention à la sortie de piste les gars".
La chanteuse est devenue aussi blonde que l'autre chanteur, et c'est donc une vraie gémellité qui transpire avec autant de rivalité sous jacente. Et c'est sans doute la raison du ressenti de déséquilibre: une bonne vieille guerre d'egos. Un espoir cependant retentit sur le dernier titre "Elijah" (tout droit sorti de 2010), un rappel d’identité qui fait du bien en cette closure d'album. Ici on parle de femme malfaisante, de "Jezebel", la guerre n'est pas éteinte mais elle flamboie sur un rythme posé et abyssal pour un majestueux dernier morceau.
Façon arcades de jeux sur un ponton fantomatique, les BRS savent y faire en titre rétro-mélancoliques. Ils ont encore leurs chaussures rouge sang de la veine sur une bonne moitié de l'album. Mais il y a un "mais"... Faire autre chose que le son initial par désir de "surpasser" quelque chose, ça s'entend. L’intention se voit surtout si elle diffère beaucoup de ce qu’on est au départ, et ça peut discorder. Pour le moment c’est suffisamment cadré mais le rythme lancinant et ralentissant de Get Tragic interroge sur la suite. En perte de vitesse, il ne faudrait pas que le sonar pleure.