
Harakiri For The Sky
Scorched Earth
Produit par
1- Heal Me / 2- Keep Me Longing / 3- Without You I'm Just a Sad Song / 4- No Graves but the Sea / 5- With Autumn I'll Surrender / 6- I Was Just Another Promise You Couldn't Keep / 7- Too Late for Goodbyes / 8- Street Spirit (Fade Out)


À la croisée des chemins entre fureur noire et lyrisme désespéré. Harakiri for the Sky revient avec sa sixième production : Scorched Earth. Un nouvel opus bien ancré dans les caractéristiques stylistiques du duo autrichien, qui récite son post-black guidé par deux fondements émotionnels : la mélancolie et la brutalité.
Si le titre de l'album et sa pochette laissent présager une thématique articulée autour de la ruine environnementale, il n'en est rien. Au manifeste écologique, Michael "JJ" V. Wahntraum préfère une métaphore pour évoquer son parcours sentimental, en rapprochant cette Terre qui se meurt de sa propre désolation, vécue après une rupture amoureuse. Des tourments porteurs d’une qualité poétique, perceptible dès les titres des morceaux : "Without You I'm Just a Sad Song" ou "With Autumn, I'll Surrender".
Dévastation et désespoir imprègnent chaque pore des 67 minutes du disque. Deux notions rendues palpables par la performance vocale de Michael "JJ" V. Wahntraum, qui n’a de cesse de hurler sa peine avec une rage viscérale. Un besoin urgent de purger et d’expulser une douleur tangible. Cette vulnérabilité mêlée d’agressivité persistante se retrouve dans chaque syllabe, formant l’un des principaux irritants de l’album. Il se dégage de cette procession de souffrance une forme de redondance, vite épuisante pour l’auditeur. "No Graves but The Sea", avec sa rythmique exacerbée, illustre ce sentiment de matraquage. L’absence de variations stylistiques dans l’interprétation vocale pèse lourd, surtout pour un album dépassant l’heure d’écoute. On regrette le manque de parties en voix claire, qui auraient permis d’ouvrir quelques fenêtres de respiration, nécessaires au maintien de l'implication dans ce haut niveau de brutalité émotionnelle.
Sur le plan musical, en revanche, Harakiri for the Sky maîtrise totalement son torrent post-black. C’est dans la composition instrumentale que l’alternance prévaut et fait des merveilles. L’évolution sonore est palpable. Elle insuffle de la vie et constitue l’essence même du charme de Scorched Earth. Les Autrichiens ne s’interdisent rien dans l’exploration sonore, à l’image de "Keep Me Longing", enrichi de violoncelles et d’un piano du plus bel effet. La musique sait aussi se faire contemplative, comme dans ce passage aux sonorités médiévales entendu sur "With Autumn, I'll Surrender". Le duo excelle dans l’art de la mise en tension, comme sur "Without You I'm Just a Sad Song", qui débute tel un appel irrésistible à l’ascension, avant la chute dans un tourbillon de guitares mélodiques aliénées.
"Too Late For Goodbyes" déploie ses velléités post-black avec des guitares fragiles, sans cesse rattrapées par la noirceur d’une batterie aux blast-beats brutaux et agressifs. La structure des compositions, entre pics d’intensité et replis introspectifs, fait tout l’attrait de Scorched Earth. L’inattendu est également au rendez-vous sur "I Was Just a Promise You Couldn't Keep", aux inspirations proches du punk. Enfin, impossible d’éluder la superbe reprise de Radiohead avec cette version revisitée de "Street Spirit (Fade Out)". Accompagnés du groupe Groza, les Autrichiens livrent une version non dénaturée de l’œuvre originale, mais néanmoins intense, portée par une saturation décuplée. Une vraie réussite, où s’équilibrent réappropriation nécessaire et respect profond de la composition initiale.
Le sixième album de Harakiri for the Sky est un disque long, dont la linéarité vocale crée une sensation de redondance pesante. Dommage, car cette uniformité dans le chant ne reflète en rien la richesse instrumentale de l’album, ni la diversité des ambiances qu’il distille.
A écouter : "Street Spirit (Fade Out)" ; "Without You I'm Just a Sad Song" ; "With Autumn, I'll Surrender"