
Jack White
Blunderbuss
Produit par
1- Missing Pieces / 2- Sixteen Saltines / 3- Freedom at 21 / 4- Love Interruption / 5- Blunderbuss / 6- Hypocritical Kiss / 7- Weep Themselves to Sleep / 8- I'm Shakin' / 9- Trash Tongue Talker / 10- Hip (Eponymous) Poor Boy / 11- I Guess I Should Go to Sleep / 12- On and On and On / 13- Take Me With You When You Go


La  critique de Blunderbuss arrive un peu tard, c’est vrai. Mais en fin de  compte, était-elle vraiment utile ? Fallait-il absolument écouter en  avant-première ce premier disque solo de Jack White, l’éprouver au fil  du temps, le décortiquer, le pousser dans ses derniers retranchements,  avant de rendre un verdict que l’on savait d’emblée irrésistiblement  favorable ? D’ailleurs, avez-vous vous-même attendu de lire les avis de  la presse spécialisée avant de vous jeter sur ce disque et de vous en  repaître jusqu’à plus soif ? Soyons honnête, la réponse est non, et pour  cause : Jack White est probablement la valeur la plus sûre du rock  contemporain. De fait, ce premier album solo du prodige blafard de  Detroit, écrit, composé, interprété au chant, à la guitare, à la basse,  au piano et à la batterie, produit, enregistré et masterisé par  l’intéressé, ne crée aucune surprise dans l’excellence.
Le  constat ci-dessus aurait pu être remis en question par deux essais  estampillés Dead Weather qui, c’est vrai et à force de tourner sur  les platines, ont fini par lasser bien plus vite que les éternelles  bombes incendiaires des White Stripes et de la paire de skeuds  signés par les Raconteurs. On n’omettra pas de signaler que, bien  évidemment, White a beaucoup moins marqué de sa patte le temps mort  (bizarre, comme nom de groupe, y a pas à dire) que les bandes blanches  ou les... raconteurs : positionné essentiellement à la batterie, nous  étions privés de son chant acide (en partie) et de sa guitare crissante  (en totalité) sur Horehound et Sea Of Cowards. Soit dit en passant, cela  fait quatre ans déjà que White ne nous a plus gratifié d’un  album sur lequel son sceau stylistique est apposé, et mine de rien, il  était temps que cette attente cesse.
Pour  revenir à Blunderbuss, quelle banalité avancer encore plus de deux mois  après sa sortie ? Pas grand chose, hormis qu’en deux mois, on a eu le  temps de prendre la mesure de cette réussite. Dans l’esprit, ce premier  album solo de Jack White ne se différencie pratiquement pas des disques  des White Stripes, même si, dans la forme, les choses sont plus  nuancées. Plus qu’un disque de rock à guitares, Blunderbuss exploite le  songwriting de White en l’agrémentant de pratiquement toutes les  couleurs instrumentales de l’est américain moderne : en gros, de tout ce  qui se trouve à la droite d’une verticale tracée entre Minneapolis et  La Nouvelle Orleans. Ca fleure bon l’orgue vintage ("Missing Pieces"),  la slide des champs de tabac ("Blunderbuss"), le piano expressif et  bougon ("Hypocritical Kiss"), le vieux rythm n’ blues qui craque sur les  sillons des vinyles ("Trash Tongue Talker"), la soul du démon ("I’m  Shakin’", implacable reprise de Rudy Toombs), la balade country à  entonner au coucher du soleil ("I Guess I Should Go To Sleep", "On And  On And On")  ou bien sûr le rock enfiévré et hystérique ("Sixteen  Saltines"). Parfois on retombe en terrain complètement connu, comme avec  le point d’orgue "Weep Themselves to Sleep", l’une des grandes  réussites du disque, très Raconteurs dans l’esprit, ou encore le duo  masculin-féminin de "Love Interruption" à la rythmique vocale balancée  qui rappelle les aires de repos des Stripes. La guitare de Jack se  trouve réduite au minimum syndical mais surgit toujours au moment où on  l’attends le moins, régalant les oreilles de petits coups de médiators  déchirants qui segmentent sans ménagement les lignes mélodiques. On ne  trouvera rien à redire, rien de rien, sur ce disque : toutes les  chansons se révèlent d’une chair dense et savoureuse, mettant en lumière des textes étonnamment pudiques et complexés et ménageant parfois des  ritournelles qui ne vous lâchent plus du matin au soir ("Hip (Eponymous)  Poor Boy" en étant l’exemple le plus caricatural). 
Blunderbuss  est un disque serein, mature et complètement enraciné dans le  patrimoine américain des deux derniers siècles. Blunderbuss est un  disque interprété à la perfection par un artiste polymorphe et  multitâche, aussi impressionnant quel que soit le poste qu’il occupe -  et c’est d’ailleurs un vrai régal d’écouter Jack White à la batterie sur  des partitions bien plus variées que celles des Dead Weather.  Blunderbuss est une valeur sûre et l’un des disques d’ores et déjà  incontournables de cette année 2012. Mais ça, vous le saviez déjà, non ?  Il ne nous reste qu’une seule chose à dire : bravo Jack, et surtout  reviens-nous le plus vite possible. Quatre ans, c’est définitivement  trop long.
























