
Heretoir
The Circle
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1- Alpha / 2- The White / 3- Inhale / 4- Golden Dust / 5- My Dreams Are Lights in the Sky / 6- XIX XXI XIV / 7- Exhale / 8- Eclipse / 9- Laniakea Dances (Soleils Couchants) / 10- Fading With the Grey / 11- The Circle (Omega)


Le voyage introspectif prend des allures d’escapade stellaire. Voici le menu du second album des Allemands de Heretoir : The Circle. Le disque impressionne par sa capacité immédiate à immerger l’auditeur. Une projection instantanée. Il crée les conditions propices à une immersion flottante, en lévitation, surplombant un monde que l’on contemple au miroir de nos gouffres et de nos clartés intérieures. Les repères et autres notions cartésiennes sont autant de fardeaux voués à rester à quai. Sur les 65 minutes qui le composent, l’album ne cesse d’évoquer la nature conflictuelle inhérente à l’exploration de soi.
L’ADN stylistique de cet opus est l’écho sonore de cette opposition constante. Heretoir s’émancipe du black-metal linéaire de son premier album. Le groupe croise ici son registre originel avec des sonorités issues du post-rock. Black-atmo, post-metal, blackgaze… Les termes sont nombreux pour qualifier la nature musicale des Allemands. Leur dénominateur commun réside dans une accessibilité renforcée, surtout en comparaison avec la forme traditionnelle du black metal. Déraciné des préceptes purement extrêmes, The Circle vogue jusqu’à des instants de grâce, voire de légèreté, tout aussi surprenants que superbes. "Golden Dust" éblouit par la sérénité qu’il instaure : six minutes d’un morceau aérien, presque prog, traversé par la sensibilité et la fragilité mélancolique du chant d’Eklatanz. Un titre qui synthétise à lui seul la richesse musicale du disque. Toujours au service de l’immersion, cette liberté induite par la mixité stylistique donne naissance à des instants purement contemplatifs, tels que "My Dreams Are Lights in the Sky" ou "XIX XXI XIV", tous deux instrumentaux.
Plutôt que de se perdre dans un name-dropping des influences portées par leur musique, Heretoir les invite directement à s’exprimer sur l’album. On retrouve ainsi Alcest, où son chanteur Neige hurle le poème de Verlaine Soleils couchantssur la tempête mélodique des guitares qui constitue la piste "Laniakea Dances (Soleils Couchants)".
On l’a dit, The Circle repose sur la dualité : les thématiques mélancoliques n’en sont qu’une composante. Une conscience nouvelle s’éveille et s’élève sur "The White", morceau d’une tension palpable, exprimée dans une première moitié directe et fracassante. Cette rage organique, Heretoir la canalise brillamment, jusqu’à l’amener à maturité dans un final épais et épique, porté par deux dernières minutes d’un riff à la lourdeur captivante. Le genre de ligne de guitare qui pose une identité, une signature inconsciente. Les Allemands l’ont bien compris, et reprennent ce motif dans une rythmique déstructurée sur le final de "Eclipse".
Une rage carnassière évoluant inévitablement vers la violence, alliée à un haut degré de souffrance : autant de composantes propres au black-metal que Heretoir n’omet pas. "Fading with the Grey" rejoue avec les marqueurs caractéristiques du genre : batterie dévastatrice, chant hurlé, tension continue. Ces traits distinctifs se déploient sur un morceau long de près de neuf minutes, traversé de passages plus mélodiques qui prennent des allures de clairvoyance au cœur de la densité suffocante.
Ce patchwork stylistique et émotionnel n’altère en rien la sensation de cohérence et d’immersion qui se dégage de l’album, lequel déroule son fil émotionnel de manière limpide, quels que soient les registres abordés. Le morceau de clôture, "The Circle (Omega)", en constitue la synthèse auditive et thématique. De son introduction méditative à l’explosion irrationnelle des guitares saturées, de la douceur mélancolique aux hurlements déchirants de Eklatanz, le titre incarne cette alternance fusionnelle au cœur de The Circle.
Le cercle se referme, concentrant la richesse de son panel sensoriel. Qu’il nous entraîne loin, très loin dans l’immensité, ou qu’il nous expose frontalement à nos sentiments, Heretoir propose avec The Circle un recueil émotionnel marqué par l’immersion et la finesse de ses assemblages stylistiques.
A écouter : "The White" ; "Golden Dust" ; "The Circle (Omega)"