
Church of the Cosmic Skull
Science Fiction
Produit par
1- Cold Sweat / 2- Timehole (Gonna Build A Rocket Tonight) / 3- The Cards That You're Playing / 4- Paper Aeroplane & Silver Moon


Peut-on rire de tout ? Promesse est faite de ne pas s’engager dans ce débat aussi abscons qu’il est propice au maximum de mauvaise foi. Mais peut-on rire du rock ? A priori, pour nous autres qui passons du temps à chroniquer des albums et à assimiler une histoire musicale - et c’est sûrement la même chose pour ceux qui nous lisent -, le rock est une chose sérieuse. Pour autant, ce genre, malgré les modifications générationnelles et sociologiques de son public, n’a pas encore atteint le statut des musiques savantes et possède un folklore parfois risible, en tout cas, facilement caricatura(b)le.
C’est sur ce thème qu’on pourrait peut-être continuer, car de la caricature à l’hommage, il n’y a qu’un pas (dans les deux sens d’ailleurs), et ainsi se demander si les artistes de rock peuvent ne pas prendre au sérieux ce qu’ils font. Sachez que ça peut être très désagréable pour le public, et que les blagues à rallonge s'engouffrent souvent vers la caricature de caricature - et c'est ce qu’il y a de pire (Alestorm). La question pourrait se poser pour Church of the Cosmic Skull, qui n’hésite pas à mettre en avant son sens de l’humour et à tourner en dérision une certaine esthétique des 1970’s. Ecoutez et regardez "Cold Sweat", single issu de Science Fiction. Tout d’abord le clip, kitsch à souhait, le claviériste qui surjoue face au chanteur impassible, les tenues d’albâtre, le montage visuel des chœurs ; ensuite la musique en elle-même, où le côté Abba et surexploité. Pourtant, écoutez bien le riff, soyez attentif à la composition : c’est réellement du grand art finement écrit. Certes, de l’hommage à la caricature il n’y a qu’un pas, mais nous sommes ici davantage dans la célébration de cette esthétique passée avec une touche de dérision, que dans un simple exercice de pastiche.
Pour finir sur la question de l’humour, sachez que Church of the Cosmic Skul s’est constitué en secte, factice évidemment : les membres sont surnommés "brothers" et "sisters", le site du groupe, aux couleurs chatoyantes, vous incite à les rejoindre et raconte toute leur cosmologie et leurs préceptes. Un savoir-faire communicationnel qui a de quoi séduire, d’autant plus que le groupe ne se limite pas à cette imagerie.
Le côté plus kitsch et plus second degré vient principalement de l’usage intensif des chœurs, masculins comme féminins, et en cela l’album se démarque de son prédécesseur. Pour autant, cette coloration Abba/californienne est contrebalancée par les parties instrumentales : ainsi, "Science Fiction", pourtant emblématique de cette esthétique, croise le hard-rock riche en claviers (dans l’esprit d’un Uriah Heep) et un chorus très progressif entre guitare et claviers analogiques, puis une seconde partie aussi surprenante que proche de Supertramp. Le mélange des genres fait mouche, apporte une originalité sans tomber dans la mièvrerie. On pourrait en dire autant du gospel "Revolution Comes with an Act of Love", un mid-tempo avec un excellent solo aérien, - une nouvelle preuve que Bill Fischer maîtrise son arme (mais nous le savions depuis Is Satan Real ?).
Du reste, le voyage dans le temps se poursuit avec le terrible "God by the River" entre les Doors et les Stranglers ou sur "Timehole (Gonna Build a Rocket Tonighht)" mêlant une belle dose d’énergie qui apporte une touche de modernité (la montée de guitare) à une sonorité toujours retro.
Church of the Cosmic Skull se démarque vraiment de la scène revival par plusieurs éléments originaux, des chœurs au violon (un bon exemple sur "The Cards that You’re Playing") mais également par la variété des styles qu’il visite. Classe et bluesy sur le titre précédemment évoqué (dont le thème du couplet, soit dit en passant, évoque un peu "Traveler in Time" d’Uriah Heep), heavy et progressif sur le sommet que constitue "Paper Aeroplane & Silver Moon", beaucoup plus sombre et introspectif sur "The Devil Again" à renfort d’orgues intenses. Bref, le groupe a plus d’une corde à son arc.
Ainsi, moins sérieux que sur son prédécesseur, Church of the Cosmic Skull parvient néanmoins (et peut-être est-ce grâce à cette dérision) à maintenir les traits qui font son originalité, à varier son approche intelligemment par rapport au premier opus et au sein de celui-ci, à être suffisamment accrocheur pour conquérir un public assez large sans renier son identité. Pas moins.