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Critique d'album

Tom Waits


Closing Time


(06/03/1973 - Asylum - Singer Songwriter - Genre : Chanson / Folk)
Produit par Jerry Yester

1- Ol' 55 / 2- I Hope That I Don't Fall in Love With You / 3- Virginia Avenue / 4- Old Shoes (& Picture Postcards) / 5- Midnight Lullaby / 6- Martha / 7- Rosie / 8- Lonely / 9- Ice Cream Man / 10- Little Trip to Heaven (On the Wings of Your Love) / 11- Grapefruit Moon / 12- Closing Time
Note de 4/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Tom Waits lance sa carrière avec un premier album à la beauté crépusculaire "
Quentin, le 30/12/2023
( mots)

Les piliers de bars le savent : l'heure de la fermeture, c'est ce moment tant redouté où il faut quitter la chaleur réconfortante des lumières tamisées pour replonger, encore enfumé par les effluves d'alcool, dans la rudesse du froid et de la nuit. Une heure tardive où Tom Waits se plaît à croiser marginaux et ivrognes, ceux qui marchent dans la pénombre, pour conter les histoires de ces âmes en peine de sa voix immédiatement reconnaissable.


Closing Time est le premier disque du jeune Tom Waits, né Thomas Alan Waits, qui ouvre sa carrière par un succès plus critique que commercial, du moins jusqu'à la reprise de "OI' 55" par les Eagles, au grand dam du chanteur américain qui goûte peu au style ensoleillé de ses compatriotes californiens. Ce premier album témoigne des toutes premières influences qui forgent l'orientation musicale de Tom Waits : ce dernier expérimente d'abord le "rhythm and blues" au travers de sa participation au groupe The Systems, avant de se plonger dans la musique folk chère à Dylan et dans l’œuvre des artistes de la beat generation tels que Jack Kerouac, Allen Ginsberg ou encore William S. Burroughs. Après des performances dans des petits clubs folks de San Diego, notamment en première partie du grand Tim Buckley, Tom Waits se rend à Los Angeles et signe avec Herb Cohen, manager de Frank Zappa qui devient son manager de 1971 à 1981.


A seulement 24 ans, il déploie sur ce premier album au croisement du folk, du blues et du piano-jazz de superbes compositions, complaintes nocturnes en forme de ballades mélancoliques et désenchantées remarquablement écrites qui mettent en scène toute une galerie de personnages. On y retrouve des histoires d'amour éprouvées par la vie (l'inévitable chanson sur la rupture avec "Rosie" ou "Lonely" et sa douleur toute en retenue), des déclarations romantiques ("Little Trip to Heaven" et sa trompette langoureuse) et poétiques avec la belle image de "Grapefruit Moon". On assiste également à des échanges de regard dans un bar entre un homme et une femme voués à rester lettre morte ("I Hope That I Don't Fall In Love With You") ou à des conversations rêveuses ("Midnight Lullaby") au crépuscule.


Si certains titres sont plus convenus à l'image d' "Old Shoes And Pictures Postcards", d'inspiration folk et country, Tom Waits excelle sur le lancinant et bluesy "Virginia Avenue" et ses éclats de trompette, sur l’entraînant "Ice Cream Man" qui évoque Ray Charles ou sur le mythique "Martha", petite ritournelle sensible évoquant des retrouvailles entre un vieillard et son amour passé qui s'envole peu à peu dans son dénouement avec son accompagnement de chœurs et ses cordes. Un titre qui aura également tapé dans l’œil de Tim Buckley, auteur d'une très belle reprise dans un style plus lyrique. Enfin, on entend sur le magnifique "Closing Time" la trompette de Tony Terran, side man entre autres de Chet Baker, qui s'élève dans le ciel de la nuit.


Tom Waits imprime ainsi déjà au travers de ce premier album une identité très forte en donnant du corps à ses personnages et en éprouvant son futur talent de comédien, même si on est encore loin de la profondeur de l'univers avant-gardiste ironique, sombre et théâtral qu'il développera par la suite. On est subjugué d'entrée par son charisme magnétique porté par une voix de baryton délicate et profonde, pas encore carbonisée par son addiction à l'alcool et à la nicotine. Closing Time est un album nostalgique, habité par une mélancolie lumineuse, qui reste ainsi particulièrement attachant comme un témoignage de jeunesse dans l'immense œuvre de l'Américain. Il reste un compagnon de route que l'on se plaît à écouter lorsqu'il est temps de rentrer chez soi la nuit tombée.

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